Les hommes politiques sont toujours pressés d’annoncer avoir convaincu une entreprise de s’établir au Luxembourg. Les journalistes sont toujours pressés de voir la promesse se réaliser. Et les entrepreneurs sérieux sont toujours pressés… de ne pas se presser de développer leur entreprise correctement. Quatre ans après que l’ex-ministre de l’Économie, (LSAP), ait annoncé l’arrivée au Luxembourg du QG européen de NorthStar Earth&Space, l’arrivée est devenue officielle jeudi soir, au Sofitel de Bonnevoie, en présence de la «bonne fée de l’espace», Candace Johnson, vice-présidente du conseil d’administration.
«D’abord, il y a eu le Covid», fait remarquer le CEO de l’entreprise spécialisée dans la gestion des débris de l’espace, Stewart Bain. «Puis, nous avons affiné notre business et notre business model, souvent par itération, ce qui prend davantage de temps, mais qui permet de coller davantage à la réalité d’un marché potentiel, avec les différents acteurs, que ce soit des gouvernements, des entreprises publiques ou des acteurs privés. Enfin, et vous le savez bien, il y a toujours des formalités administratives diverses et variées.»
LuxImpulse et le Luxembourg Futur Fund impliqués
Comme à chaque fois qu’une société de l’espace pose un pied, non pas sur la Lune mais au Luxembourg, la subvention publique est un facilitateur, au même titre que l’écosystème ou la politique volontariste et unique du pays sur le sujet. Le montant associé au contrat de développement de produit commercial financé par le gouvernement via le programme national LuxImpulse et l’Agence spatiale européenne n’est pas connu, mais il s’ajoute aux investissements luxembourgeois déjà connus ().
Mais il permettra au siège européen de la canadienne d’employer huit personnes, puis 15 en avril prochain. La problématique de NorthStar est simple. Au gré des années et des lancements de fusées et de satellites, l’espace est devenu une poubelle à ciel ouvert: environ 150 millions d’objets de plus d’un millimètre gravitent à différentes orbites (basse, moyenne, haute et cislunaire, les plus «embêtants» sont surtout les 40.000 de plus de dix centimètres.
Une série D à venir
Avant de songer, comme beaucoup de start-up de l’espace, à les retirer pour éviter qu’ils heurtent un satellite ou une fusée et mettent en péril des missions à des dizaines de millions d’euros, il faut pouvoir les cartographier, de manière assez précise, et avoir la meilleure idée de leurs trajets à venir pour pouvoir anticiper une collision. C’est là que NorthStar a une approche unique avec son idée de lancer une constellation initiale de 24 satellites pour avoir des images depuis l’espace et pallier les problèmes liés à la même idée depuis le sol. Forcément, les gouvernements et leurs satellites militaires et espions, les opérateurs de satellites, les assureurs qui font payer cher aux opérateurs la couverture du risque, et différents acteurs sont très demandeurs.
Fin septembre, NorthStar annoncera avoir bouclé une série D. Une «petite» série D, dit Stewart Bain en aparté, pour aller jusqu’au lancement de la première grappe de quatre satellites au plus vite. À partir de ces quatre satellites en orbite, l’entreprise pourra commencer à générer des revenus pour financer les lancements suivants. Au cours du point de presse, le CEO a expliqué que la qualité de son service augmentera – logique – avec la possibilité d’avoir recours à de plus en plus de satellites.
La jeune entreprise, qui a réuni autour d’elle une coalition d’acteurs de premier plan (Telesystem, Cartesian Capital Group, Luxembourg Future Fund, Luxembourg Space Sector Development Fund et les gouvernements du Québec et du Canada), n’a pas envoyé que son CEO à Luxembourg. Mais aussi son chief scientist, Frédéric Pelletier (passé par le prestigieux Jet Propulsion Laboratory de la Nasa), son directeur opérationnel David Saint-Germain et, surtout, le président de son conseil d’administration et plus gros actionnaire, l’homme d’affaires canadien Charles Sirois.