Au Luxembourg, les personnes éligibles aux aides sociales ne perçoivent pas toujours leur dû. Soit parce qu’elles y renoncent, soit parce qu’elles ne savent même pas qu’elles y ont droit ou qu’elles existent.
Ce constat est le fruit d’une enquête qualitative pilotée à la demande de la Chambre des salariés (CSL) par le Liser, avec l’appui méthodologique du Statec. Une enquête dévoilée ce mercredi 21 février. Pas un diagnostic chiffré en définitive, faute d’études consolidées sur le sujet. Plutôt une manière de poser des mots sur les maux, alors que selon le Statec un cinquième de la population résidente serait confronté au risque de pauvreté. Et que, selon les estimations, environ 40% des bénéficiaires potentiels de l’allocation de vie chère (AVC) passent sous les radars. Proportion qui monterait à 80% dans le cas de la subvention de loyer.
«Comme une souris qui tourne en rond»
«Il y a des efforts à faire», observe la présidente de la CSL, , qui à la lecture du rapport produit par le Liser a noté des «éléments frappants». Parmi eux, ces témoignages récoltés au fil des 35 entretiens menés, l’an passé, avec des publics aux parcours divers ayant pour trait commun d’être aux prises avec la précarité. À l’image de cette mère seule avec son enfant, qui a dégringolé l’échelle sociale à la suite d’une grave maladie puis d’une entrée dans le chômage: «Je me sens comme une souris qui tourne en rond. Prise au piège.»
L’un des problèmes, relève donc le Liser, c’est que les personnes en proie à des difficultés n’ont pas systématiquement accès aux aides (AVC, prime énergie, subvention de loyer, crédit d’impôt monoparental, etc.) qui pourtant leur sont destinées.
De nombreux écueils
L’étude identifie quatre principales explications:
– L’information: pour certains usagers, elle n’est pas toujours facile à aller chercher, encore moins à comprendre;
– La demande: la paperasse administrative est parfois fastidieuse, pour ne pas dire dissuasive, et les temps de réponse pas toujours en phase avec certaines situations d’urgence. Autre obstacle signalé: le fait d’avoir à renouveler chaque année sa demande d’aides, avec ce que cela suppose de lourdeurs, «comme si c’était la première fois». «Une aide qui ne nous aide pas vraiment», pointe la même mère de famille monoparentale;
– L’aspect psychologique: plusieurs personnes interviewées ont fait part de leurs réticences à accepter leur sort et à entreprendre des démarches pouvant être jugées comme dégradantes ou culpabilisantes. «Je me sens comme une insuffisance sociale», a déclaré quelqu’un;
– Les conditions d’éligibilité: en cause, par exemple, des plafonds de ressources jugés trop bas, avec «l’impression chez certaines personnes d’être privées d’aides pour quelques centaines d’euros, alors qu’elles en auraient besoin», rapporte la chercheuse du Liser, Anne-Catherine Guio, co-autrice du rapport; la prise en compte du cumul des revenus des habitants d’un même foyer; ou le décalage entre les exigences administratives et la situation réelle du demandeur ou de la demandeuse.
Autre écueil: la non-éligibilité des étudiants à certaines aides. «Il y a comme une croyance que les étudiants bénéficient du support de leurs parents, mais certains sont dans des situations extrêmement précaires», explique Anne-Catherine Guio. «Parfois, sans le vouloir, la loi exclut des gens auxquels pourtant elle cherche à s’adresser», souligne encore l’économiste.
Des recommandations simples
Pour y remédier, le Liser égrène différentes préconisations, parmi lesquelles on retiendra:
– L’accès à l’information: en diversifiant les canaux de diffusion, est-il préconisé, comme la distribution de documents d’information en «toutes-boîtes»;
– La simplification des démarches: notamment en matière de renouvellement des demandes d’aides ou à travers l’instauration d’un guichet unique;
– Un suivi amélioré des demandes: par exemple dans le choix du vocabulaire utilisé ou en facilitant la possibilité d’émettre une réclamation en cas de refus;
– Un contrôle de l’octroi de l’aide: via l’accompagnement des personnels concernés vers «des processus plus simples et communs entre administrations», par exemple. «Pour certaines aides, il est demandé le brut annuel, pour d’autres le net, ou les revenus des trois derniers mois, ou des douze derniers…», illustre Anne-Catherine Guio.
Ces recommandations sont appelées à être ajustées en fonction des résultats d’une seconde enquête, en préparation celle-ci. Réalisée par le Statec et basée sur les données de l’institut statistique européen EU-SILC, elle prendra la forme cette fois d’une étude quantitative.