La Chambre de commerce estime que le défi d’attirer de nouveaux talents au Luxembourg est la condition sine qua non commune aux autres défis budgétaires auxquels le Luxembourg doit faire face. (Image: Chambre de commerce/Emmanuel Claude/Focalize)

La Chambre de commerce estime que le défi d’attirer de nouveaux talents au Luxembourg est la condition sine qua non commune aux autres défis budgétaires auxquels le Luxembourg doit faire face. (Image: Chambre de commerce/Emmanuel Claude/Focalize)

Dans son avis sur le budget de l’État présenté le 23 novembre, la Chambre de commerce fait valoir que, malgré le contexte, les dépenses budgétaires transitoires ont lésé les autres défis auxquels les entreprises font face: la compétitivité fiscale et l’attractivité notamment.

Christel Chatelain, directrice des Affaires économiques, et , directeur général, ont présenté ce 23 novembre l’avis de la Chambre de commerce sur le . Comme l’a fait remarquer la Chambre des métiers sur le budget 2023, la Chambre de commerce s’inquiète de la plongée des différents déficits des finances publiques de l’État.  (CNFP), elle estime que la trajectoire du budget après 2024 a été estimée selon un scénario plus optimiste que réaliste.

Cependant, elle reconnaît que la «conjoncture économique qui plie, mais ne rompt pas (encore)», dans son instabilité géo-écopolitique, ne favorise pas la résilience immédiate. Elle constate également que le Luxembourg fait face à ce qu’elle qualifie de «chocs en cascade», avec une chute de l’attractivité, de la rentabilité et de la confiance des entreprises.

La crainte d’un dérapage budgétaire

La Chambre de commerce fait observer que le solde de l’Administration centrale accuserait en 2023, un nouveau déficit de 2,8 milliards d’euros, 3 ans seulement après qui a été «le deuxième plus important déficit de son histoire». Elle note aussi que, selon ces prévisions, «pas moins de 10 milliards d’euros de déficits s’accumuleraient sur la période 2021-2026, ce qui laisse peu de marges de manœuvre budgétaires en cas de choc supplémentaire».

Avec des révisions budgétaires de croissance du PIB régulièrement revues à la baisse ces deux dernières années (de 6% à 5,1% en 2021 et de 3,5 à 2,5% en 2022), elle estime que «des révisions importantes ne sont pas à exclure» pour 2023 et 2024. Encore une fois, elle craint ici un «dérapage budgétaire» en cas de nouveau choc économique en 2023.

L’accumulation de déficits induit mécaniquement une dérive de la dette publique et le projet de budget table sur un ratio d’endettement de 29,5% du PIB en 2026, à la limite des 30% que s’est fixé le gouvernement. Selon la Chambre, cela constitue, «une situation menaçante pour la notation AAA, primordiale pour l’économie luxembourgeoise». Enfin, a été de nouveau évoqué, Carlo Thelen l’ayant préalablement qualifié de .


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L’indexation: une catastrophe pour les entreprises

L’intégration au projet de budget de deux scénarios inflationnistes radicalement différents illustre, pour la Chambre de commerce, «l’épais brouillard ambiant» et la nécessité de prévoir des marges de manœuvre budgétaires supplémentaires. Ainsi, un premier scénario postulant un choc énergétique transitoire, envisage une inflation de 2,5% et une tranche d’indexation en 2024. L’autre scénario, tenant compte d’un choc énergétique permanent, mise sur un renchérissement des prix de 8,4% et trois tranches d’indexation – ce qui serait «une catastrophe pour les entreprises». 

La diversification économique nécessite un environnement général attractif. L’indexation des salaires sous sa forme actuelle «ne concourt assurément pas à favoriser un tel environnement et la compensation d’une possible troisième tranche indiciaire en 2023, conformément à , a été annoncée mais non budgétisée», explique la Chambre. Elle attire aussi l’attention sur le fait que les entreprises, déjà acculées par des charges énergétiques lourdes et une croissance réduite, pourraient ne pas supporter un choc sur la marché du travail, tel qu’un phénomène de «grande démission». Dans ce contexte, les recettes de l’État, actuellement issues à 15,7% des impôts sur traitements et salaires, restent, selon elle, «volatiles et incertaines».

Talents et attractivité: les défis prioritaires

Selon la Chambre de commerce, les dépenses de l’État en ce qui concerne les talents et l’attractivité du pays ont été quelque peu laissées de côté au profit de «dispositions défensives et transitoires». Elle reconnaît néanmoins que ces dernières sont nécessaires, car elles visent à aider les ménages et les entreprises face à l’inflation énergétique. La Chambre considère tout de même qu’attirer de nouveaux talents qualifiés et non qualifiés au Luxembourg est «la condition sine qua non commune aux autres défis», notamment énergétique, la transition digitale, le défi environnemental et l’attractivité du pays.

Elle salue cependant les deux mesures fiscales ponctuelles annoncées par le gouvernement. Concernant d’une part, le seuil de rémunération annuelle minimal pour accéder au régime d’impatriés et d’autre part, le périmètre de calcul de la prime participative. Mais elle les juge «assez timides» et demande «des mesures additionnelles, notamment pour faciliter l’immigration non européenne de personnes hautement qualifiées, dans un contexte où le recours aux travailleurs européens en général, et de la Grande Région en particulier, ne semble plus suffire». Cet effort d’attractivité doit aller de pair avec un effort conséquent en matière de formation et avec la conduite d’un diagnostic de compétences pour savoir ce dont le pays aura besoin dans les années à venir.

Faire venir des talents crée aussi une dépendance à la problématique du logement, autre sujet essentiel dans le budget de l’État, mais pour lequel la Chambre regrette «des moyens mobilisés qui tardent à déboucher sur des effets concrets».

La compétition fiscale ne s’arrête pas en raison des crises

La Chambre de commerce estime que le maintien de l’attractivité du Luxembourg passera également par la fiscalité. Si une réforme fiscale globale n’est pas la priorité du gouvernement, la Chambre regrette qu’aucune feuille de route ne soit néanmoins esquissée pour donner de la prévisibilité aux entreprises, arguant que «la compétition fiscale ne s’arrête pas en raison des crises».

Elle note cependant les dispositions fiscales qui ont été adoptées dans le projet de budget et salue notamment le rehaussement du seuil de revenu du travailleur impatrié et l’extension du périmètre de la prime participative. Elle estime malgré tout que ces mesures gagneraient à être «complétées» et «plus incisives». D’autres mesures fiscales sont «moins louables» selon elle, comme la modification de l’amortissement accéléré, mesure «qui ne peut que renforcer la pression à la hausse sur les loyers et pénaliser l’offre de logements».

Au-delà de ces mesures ponctuelles et face à une compétition fiscale internationale toujours bien présente, la Chambre de commerce réitère au gouvernement sa demande d’établissement d’un «paquet fiscal». Elle renvoie pour ce faire à la liste de qu’elle a établie, disponible sur son site et destinée à moderniser le système fiscal actuel.