Le tribunal de Luxembourg siégeant en matière commerciale n’a pas fait droit à la demande que quatre avocats de différents barreaux européens, qui défendent des victimes de la banque Lanbdsbanki, avaient formulée le 19 septembre pour que sa liquidatrice Yvette Hamilius en soit écartée. Les plaignants avaient avancé l'hostilité assumée de Mme Hamilius et un acharnement envers certaines des victimes, menacées de se voir dépossédées de leurs maisons, hypothéquées dans le cadre de prêts toxiques octroyés par la banque islandaise peu avant son effondrement.
Les victimes jugeaient en outre que l’ouverture d’une enquête judiciaire pour blanchiment à l’encontre de la liquidatrice, pour avoir fait exécuter des actifs de la banque alors que leur provenance était entachée de doute sur leur légalité, ne lui permettait plus d’exercer ses fonctions.
L’action «diligente» d’Yvette Hamilius
L’audience s’était déroulée à huis clos le 4 novembre dernier. L’avocat luxembourgeois des victimes, Me Benjamin Bodig avait claqué la porte du tribunal après que le tribunal eut refusé une remise de l’audience qu’il demandait pour examiner des pièces que les avocats d’Yvette Hamilius lui avaient soumises la veille de l’audience. Me Bodig demandait également que l’affaire soit plaidée en audience publique, ce que la procédure sur la révocation des liquidateurs ou curateurs ne prévoit pas. Les juges ont estimé que cet argument d’engager un «débat judiciaire» avec Yvette Hamilius était sans fondement juridique.
Les avocats de la liquidatrice avaient refusé la remise, estimant que la «gravité» de la mesure requise demandait «une décision rapide». Il s’est en effet écoulé 13 jours entre les plaidoiries devant la Chambre du conseil et le jugement (public celui-ci).
La partie Hamilius avait reconnu avoir communiqué très tardivement trois pièces de leurs conclusions, mais le tribunal (ainsi que le Parquet) a considéré qu’ils ne contenaient aucun élément important nouveau.
La question de la responsabilité pénale pour blanchiment d’Yvette Hamilius est au cœur du jugement qui a été rendu le 14 novembre par le juge Jean-Paul Hoffmann.
L’avocate avait affûté ses arguments en rappelant que ses actions sont destinées à «payer les créanciers et non pas aider l’auteur de l’éventuelle infraction à (en) recycler le produit». D’autant que ses actions sont coordonnées avec une juge-commissaire. Il n’y aurait pas d’infraction lorsque le fait est ordonné par la loi et commandé par l’autorité légitime, a donc fait plaider la liquidatrice de la banque.
Des arguments qui ont convaincu le représentant du ministère public, qui après s’être d’abord remis à prudence de justice, a estimé ensuite qu’il n’y avait pas lieu à révocation. Le substitut du Procureur s’est d’ailleurs déclaré «surpris» par le fait que la chambre du conseil de la Cour d’appel ait demandé à ce que le juge d’instruction ouvre une enquête notamment pour blanchiment contre Yvette Hamilius (d’autres préventions comme l’association de malfaiteurs et l’abus de biens sociaux n’ont pas été retenues par le juge d’instruction dans l’affaire pénale «luxembourgeoise»).
Le Parquet n’a pas tari d’éloges envers la liquidatrice qui «aurait agi de façon diligente sous le contrôle du tribunal» et pour laquelle prévaut la présomption d’innocence.
La suspicion de blanchiment insuffisante pour une révocation
Comme l’ont rappelé les juges de la deuxième chambre, la révocation d’un curateur ou d’un liquidateur ne peut intervenir que si les faits qui lui sont reprochés sont «réels, sérieux et graves». Or, Yvette Hamilius «a fait ses meilleurs efforts pour désintéresser les créanciers». De plus, elle est obligée d’exécuter sa mission «tout en se conformant aux dispositions légales». «À ce propos,» poursuit le jugement, «la suspicion jetée sur la liquidatrice en rapport avec un éventuel blanchiment ne justifie pas de mesure de révocation à son encontre».
Pourquoi pas, alors qu’une enquête dans ce chef est ouverte et qu’un juge d’instruction est saisi de l’affaire? Parce que la plainte initiée par les quatre avocats des victimes «n’énumère pas un seul acte d’exécution que la liquidatrice aurait fait sans y être autorisée par une autorité judiciaire» et que le «blanchiment visé concernerait donc tout au plus des faits avalisés par les différents tribunaux et cour d’appel compétents».
Aussi, les juges ont-ils considéré «qu’aucun motif réel et sérieux» n’avait été établi et que de ce fait il n’y avait «pas lieu à révocation de la liquidatrice».
Yvette Hamilius réclamait la condamnation symbolique des victimes derrière la plainte des quatre avocats à 100 euros d’indemnité chacun. Face au tollé qu’une telle condamnation aurait suscité, le tribunal a rejeté cette demande, d’autant que ces personnes n’avaient pas été admises comme parties à l’instance.