Le gouverneur de la Banque Centrale du Luxembourg n’a jamais cessé de se positionner comme l’«empêcheur de tourner en rond» de la politique économique du pays. Et il s’en est fallu de peu pour qu’il accède à la vice-présidence de la Banque Centrale européenne.
Nous aurions aimé interroger Yves Mersch, en cette fin d’année, sur la situation économique et financière du Luxembourg. Nous aurions aimé savoir comment il avait, à titre personnel, vécu cette année 2010 et sa non-nomination à la vice-présidence de la Banque Centrale européenne (BCE). Nous aurions aimé tant de choses… mais il faudra repasser.
Estimant ne pas avoir sa place dans un classement qui, à ses yeux, concerne davantage des décideurs du secteur privé, M. Mersch nous a poliment fait savoir qu’il ne souhaitait pas répondre à nos questions. Une position que nous regrettons, évidemment, autant que nous la respectons. Sans doute faut-il y voir aussi une certaine «réserve» volontaire d’un homme qui aspire toujours à occuper de hautes fonctions au niveau de la BCE (dont il est déjà membre, de fait, du conseil des gouverneurs) et qui souhaite, au moins un certain temps, faire profil bas dans un contexte autre que celui de sa mission en tant que gouverneur de la Banque Centrale du Luxembourg (BCL).
Au début de l’année, ils étaient trois sur les rangs, pour succéder au Grec Lucas Papademos, dont le mandat de vice-président de la BCE arrivait à échéance au 31 mai 2010. Yves Mersch était sur les rangs, aux côtés du Belge Peter Praet et du Portugais Vítor Manuel Ribeiro Constâncio. C’est finalement ce dernier qui a eu les faveurs des ministres des Finances de la zone euro, au cœur d’un jeu d’échecs politico-géographique à 18 mois de la fin de la présidence de l’actuel numéro un de la BCE, Jean-Claude Trichet.
Pour une nouvelle surveillance
Yves Mersch restera donc à la tête de la BCL, puisque le 28 mai dernier, le Conseil de gouvernement a décidé de renouveler son mandat à la tête de l’institution, en principe jusqu’en 2016, date à laquelle l’intéressé aura 67 ans. Réputé pour une certaine intransigeance dans les relations sociales au sein de la banque, surtout depuis le tollé provoqué par le licenciement, fin 2005, de Marcel Martens, le représentant du personnel de la banque, M. Mersch est également infatigable dès qu’il s’agit d’apporter une lecture circonstanciée des données économiques du pays. «Le principal apport de la BCL aura été d’instaurer une augmentation de la qualité de la discussion, déclarait-il en juin 2008 sur paperJam.TV. Auparavant, toutes les informations étaient détenues par le gouvernement et ses services. Il y a maintenant une analyse qui peut diverger de ce monopole de dissémination d’information. Cela constitue un enrichissement dans un débat, pas uniquement dans l’analyse, mais aussi au niveau de la présentation. Nous avons imprimé une nouvelle qualité et notre demande rigoureuse de présentation selon des normes internationalement admises au niveau des statistiques a fait que nous avons des informations plus régulières, de meilleure qualité et plus objectives, ce qui ne peut que contribuer à la qualité de la prise de décision.»
L’indexation automatique des salaires, qu’il souhaiterait voir modulée; les dispositions Bâle III, pour lesquelles il voit plus de danger qu’autre chose; le budget de l’Etat, pour lequel les efforts du gouvernement pour équilibrer les comptes publics à l’horizon 2014 sont jugés insuffisants… Yves Mersch appuie toujours là où ça fait mal. Mais son objectif suprême, au Luxembourg, reste sans aucun doute la mise en œuvre d’une réforme institutionnelle devant renforcer la coopération entre la Banque Centrale du Luxembourg et la Commission de Surveillance du Secteur Financier et l’instauration d’échanges d’informations formalisés entre l’autorité monétaire nationale et celle de supervision.
«L’architecture de supervision, au Luxembourg, souffre surtout d’une absence d’unité doctrinale et d’unité de structures, alors que la majorité des pays européens ont entamé des transformations organiques compatibles avec les évolutions des systèmes financiers», expliquait-il, fin 2009, dans une interview à la Luxembourg for Finance.
Dès 2006, Yves Mersch avait soumis au gouvernement un projet de loi visant à réformer ces structures. Il plaide, notamment, pour une surveillance plus proche des situations de liquidités des établissements financiers, renforcé dans ses convictions par le déroulement de la crise financière internationale.