Séance chargée d’histoire et de symboles, mardi soir, au 5, rue d’Aspelt, dans une des rares maisons bourgeoises ayant survécu à l’urbanisation des années 1970 et 80. Elle sert désormais de siège social aux deux entités du groupe Wendel à Luxembourg, Trief Corporation et Winvest Conseil. Les dirigeants «descendus» de Paris décrivent les liens unissant une des familles les plus riches de France au Luxembourg, où elle puise une partie de ses racines, à travers les alliances familiales, et ce dès le 17e siècle.
Un certain Christian Wendel, fondateur de la dynastie, avait «remonté» la Moselle depuis Coblence jusqu’à Hayange, avec un passage obligé au Luxembourg. Il y épousa en 1660 une Luxembourgeoise du nom de Claire Sauerfeld et leur fils Jean-Martin trouva également une femme au Grand-Duché: Anne Marguerite Meyer, fille d’un échevin de Remich. «Nous lui devons une dette éternelle», souligna mardi l’un de ses lointains descendants, François de Wendel, président du conseil de surveillance du groupe.
Présence naturelle
Les générations suivantes trouvèrent aussi leur épouse au Grand-Duché. Au 19e siècle, le Lorrain Charles de Gargan, pour éviter d’endosser la nationalité allemande, se fit Luxembourgeois pour continuer à travailler, après avoir épousé une Pescatore.
Au 20e siècle, les liens avec le Grand-Duché se consolident avec Albert de Wendel, qui y avait une maison et même une vie sociale puisqu’il fut un des membres fondateurs du Golf Club grand-ducal. Ses héritiers en ont même conservé les actions. Albert joua aussi dans un autre «club», celui du cartel de l’acier. Il créa aussi un prix au conservatoire de musique.
Vue sous cet angle historique, la présence au Luxembourg du groupe financier «est tout à fait naturelle», a enchaîné mardi lors de l’inauguration Frédéric Lemoine, président du directoire de Wendel. Une manière de renvoyer dans les cordes ses détracteurs qui avaient vu d’abord dans les entités au Luxembourg des opérations de contournement fiscal. En France, d’anciens dirigeants de la holding, dont Ernest Antoine Seillière, l’ex-patron des patrons français, présent mardi, furent au cœur d’une enquête pour fraude fiscale en 2012, après les accusations d’un ancien cadre. Ce dernier avait, entre autres, mis en cause l’utilisation de certaines filiales au Grand-Duché pour y servir une partie des rémunérations des cadres dirigeants, moins fiscalisées qu’en France, sans qu’ils aient une activité «locale» les justifiant.
Dix personnes, pour l'instant
En mai 2012, la désormais célèbre émission Cash Investigation, précurseur de l’affaire LuxLeaks, enfonça le clou en publiant les rulings des sociétés du groupe Wendel avec l’Administration des contributions directes. Rien d’extraordinaire ni de transcendant dans la publication de ces accords fiscaux, assurait-on mardi en relativisant l’importance des révélations. Comme en écho, Frédéric Lemoine fustigeait les «clichés» sur le Luxembourg et sur les activités de Wendel au Grand-Duché.
Le président du directoire a cru bon de rappeler, devant un parterre de personnalités du monde de l’économie réelle au Luxembourg, les activités de la principale entité hébergée rue d’Aspelt: «Winvest Conseil gère les actifs non cotés du groupe depuis le Luxembourg», a-t-il précisé.
Dix personnes y sont employées (sur un total de 60 personnes dans le monde, réparties entre les différents bureaux) et d’autres devraient renforcer les équipes. Les administrateurs aussi sont des Luxembourgeois de premier choix: Jacquot Schwertzer (Luxempart), Charles Krombach (ex-Landewyk) et Jean Bodoni (ex-Bil et Experta) y siègent de longue date.
Frédéric Lemoine a d’ailleurs évoqué les liens entre Wendel et son équivalent au Luxembourg, la société de participations Luxempart, qui a investi à ses côtés en 2014 un montant de 15 millions de dollars dans l’opérateur de télécommunication IHS, présent au Nigeria, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, en Zambie et au Rwanda.
Capital confiance
La justification de la présence de Wendel au Luxembourg, a encore fait savoir son président, ne s’explique pas par des «questions de taux de fiscalité, mais en raison de la stabilité des règles juridiques». Il y a eu, a-t-il indiqué, 24 changements réglementaires et 114 textes de lois autour des FCPR (fonds commun de placement à risques) en France, équivalent des Sicar luxembourgeoises, contre six modifications réglementaires au Luxembourg depuis la création de ce véhicule dédié au capital risque, pour l’essentiel des «améliorations». «Il nous faut des règles claires et stables», a souligné Frédéric Lemoine.
Xavier Bettel l’a rassuré, dans son discours inaugural, ayant précédé ceux des dirigeants de Wendel: son gouvernement, a assené le Premier ministre, veut inspirer la confiance des investisseurs à travers la stabilité et la prévisibilité des règles en matière financière. «Je veux être le Premier ministre d’un pays où les gens disent, ‘ils savent le faire’. Si nous nous étions accrochés à l’ancien modèle (faire au Grand-Duché ce qu’il n’est pas permis ailleurs, ndlr), nous aurions pu survivre. Avec les changements, nous allons revivre», a-t-il déclaré.
Faisant l’éloge de la compétitivité fiscale (avec des règles identiques dans les 28 et même au-delà de l’UE), Xavier Bettel a dit vouloir faire du Luxembourg «une des premières places financières au monde» basée sur la prédictibilité, la confiance et la créativité des investisseurs.