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Edouard Jacque, maire de Longwy. <br />(Photo: wide.lu) 

A 45 ans, Edouard Jacque est déjà un ‘vieux routard’ de la politique. Voilà en effet plus de quinze ans que l’élu UMP enchaîne les mandats, après avoir vendu, en 1993, la société spécialisée dans les pneumatiques qu’il avait créée à l’âge de 19 ans et qui employait alors une quarantaine de personnes. Il fut ainsi maire de Cons-la-GrandVille, conseiller général, député... Après son échec aux législatives de juin 2007, cet homme de terrain, «radical et laïque», a décidé de se présenter aux élections communales à Longwy. Pari gagné.

Monsieur le maire, vous voulez faire de Longwy une ville «active et attractive». Par où allez-vous commencer?

«Il est clair que tout est à faire! D’abord, il s’agit de définir un projet politique et avoir une stratégie claire, identifiée par l’ensemble des investisseurs. Notre objectif, c’est de faire de la ville haute le centre commercial et administratif de Longwy, et sur la ville basse, de réaliser une zone vouée à l’habitat et aux loisirs. L’idée, c’est la reconquête de l’ensemble de l’espace post-industriel, avec une véritable maîtrise foncière publique.

Ma volonté  –  en tant que maire de Longwy et président de la CCAL (Communauté de communes de l’agglomération de Longwy)  –  c’est aussi la concrétisation d’un Park and Ride et la rénovation de la gare. Il s’agit de libérer le centre-ville des contraintes de stationnement  –  aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation anarchique –, dans l’esprit de ce qui se fait à Belval. Et ce, en partenariat avec nos amis belges et luxembourgeois et dans une dimension transfrontalière, bien entendu. Il faut trouver des solutions.

Comment inscrire ce programme local dans une dimension transfrontalière?

«C’est un projet qui va se faire en France, mais le Luxembourg est bien entendu intéressé car cela permettrait de désaturer les gares du sud du Grand-Duché. Une gare à Mont-Saint-Martin réglerait une partie des problèmes de stationnement à Rodange. La discussion est à nouveau ouverte. La position de l’ancien maire de Longwy était de dire que si quelque chose se passait à Mont-Saint-Martin, cela handicapait Longwy. Je ne suis pas sur cette position-là. Je rouvre le débat, et je ne m’interdis rien aujourd’hui.

En matière de mobilité transfrontalière, justement, la situation ne fait que s’aggraver. Quelles sont les difficultés auxquelles vous vous heurtez?

«La diversité des interlocuteurs, des majorités politiques... Cela fait toute une série d’obstacles et contribue à la paralysie. Si nous parvenons à obtenir le statut de communauté d’agglomération, nous aurons nécessairement la compétence ‘transports’. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est important que nous parvenions à augmenter notre offre de logements, afin de passer le cap des 16.000 habitants (la ville compte actuellement 14.500 habitants, ndlr.).

L’avenir de Longwy ‘pôle de loisirs’ peut-il se bâtir sur le tourisme?

«Nous sommes porteurs d’un projet d’agglomération et d’un projet de territoire. Avec plusieurs piliers à Longwy-Bas: la piscine, Utopolis ainsi qu’une nouvelle salle de spectacles (entre 600 et 800 places), qui pourrait être située juste à côté.Quant au projet de golf, parfois contesté, nous allons le poursuivre et le renforcer par une offre hôtelière. Dans l’Hôtel de Ville  –  un magnifique bâtiment qui nécessite de profondes transformations  –, on peut imaginer un hôtel. Pourquoi pas l’Hôtel du Golf? Le bâtiment de la Banque de France, dont la commune a la maîtrise foncière, va être transformé en espace culturel, pour en faire un pilier supplémentaire. Il faut créer de la vie au cœur de la ville. Nous allons positionner des choses, des événements un peu remarquables. Faire la démonstration de la faisabilité.

Tous ces projets nécessitent de lourds investissements. D’où viennent vos ressources?

«La Ville dispose d’une trentaine de bâtiments, dont 27 qui ne sont pas aux normes. Il nous faut donc une stratégie de réorienta-tion du patrimoine. Parfois, il faut vendre deux bâtiments pour pouvoir en faire un neuf! Tous les bâtiments inadaptés à un usage contemporain, en matière de service public, on va les céder. Le fruit de ces cessions sera affecté à la modernisation des équipements publics ou à leur relocalisation. Par exemple, nous disposons d’un stade obsolète en plein centre-ville. Nous allons le transférer à la plaine de jeux, où seront concentrés tous les équipements sportifs. Au maximum, cela coûtera deux millions d’euros. De l’autre côté, nous pouvons céder plusieurs hectares à bâtir en pleine ville. Quel est l’enjeu financier? six, sept, huit millions d’euros? A la place de l’ancien stade, nous voulons un éco-quartier, intergénérationnel, en accession à la propriété, avec des immeubles adaptés à la demande des frontaliers. Nous allons nous attacher la collaboration d’urbanistes afin de relier entre eux les ‘quartiers’ enclavés et ‘réinventer la ville’. C’est un projet à plus long terme, mais les immeubles construits dans les années 60 ont tous vocation à disparaître.

Tout cela dans un monde idéal. Qui seront vos partenaires?

«Tous ceux qui voudront bien croire en l’avenir de cette ville! Longwy dispose d’un excellent potentiel, mais s’est fait aspirer sa substance. Regardez le développement de la zone périurbaine! Demain, je souhaite qu’il fasse aussi bon vivre à Longwy qu’à Thionville. Pour cela, il faut un niveau d’équipements comptant parmi ce qui se fait de mieux en Lorraine. Nous avons des ambitions, des rêves... et je pense que les rêves encouragent également les habitants. Il s’agit d’envoyer un signal fort à l’extérieur, en valorisant nos atouts touristiques –   comme les Remparts Vauban (en lice pour l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO) –, en développant une nouvelle politique culturelle...

Longwy a tout autant besoin de recréer son tissu économique. Quels sont vos arguments pour attirer des entreprises?

«Loin de moi l’idée de ne pas me préoccuper du développement économique! L’agglomération de communes s’est dotée d’un nombre suffisant de zones artisanales et industrielles. Mais elles sont éclatées, sans lecture thématique. Il faut la redéfinir, zone par zone. Sur la zone commerciale autour d’Auchan, le coup est parti. Il y a eu quelques blocages, essentiellement politiques, mais ils devraient être rapidement levés. Cette zone doit avoir une envergure régionale. Le souci est que nous -avions, au sein de l’agglomération de communes, une ville de Longwy socialiste depuis trois décennies, et une majorité de communes, autour, pilotées à droite. J’ai été élu président de la communauté de communes avec un savant dosage qui a permis de dégager le consensus dès la première réunion, le dialogue peut désormais s’ouvrir avec les communes voisines. Mais si Longwy n’est pas forte, la communauté de communes ne sera pas forte. Il faut que tout le monde soit conscient de cela. Si les élus se fédèrent, définissent un projet, le partagent au-delà de leur sensibilité politique, alors nous aurons une agglomération qui avance et qui se met en ligne. Quand on a une volonté de relance d’un territoire, c’est un appel aux investisseurs. Je le répéterai partout: vous pouvez maintenant venir à Longwy! On ne va pas vous écraser d’impôts, on va réellement vous accueillir, et c’est une ville qui va bouger. Parce qu’elle a beaucoup d’atouts.

Le Luxembourg peut-il être un partenaire pour ce développement économique ou est-il plutôt un frein, qui capte la main-d’œuvre et crée de la spéculation foncière?

«Notre voisin est un atout formidable. Il faut en finir de ces mots qui opposent et laissent à penser que tout serait de la faute du Luxembourg! C’est un voisinage extrêmement positif. Et puis, le Grand-Duché n’a aucun intérêt à avoir à ses portes une espèce de no man’s land qui ne ressemble à rien. Parce que cela lui posera un souci, un jour. Notre voisin a donc intérêt à investir sur la zone de Longwy pour y développer tous les partenariats possibles qui fassent en sorte que nous réussissions les uns, les autres, avec des conventions de type gagnant-gagnant.

Concrètement, que proposez-vous?

«En matière de maîtrise foncière, par exemple, le Luxembourg a un souci d’espace, notamment dans le sud. Nous avons des espaces à valoriser. Nous pouvons engendrer des complémentarités. Encore faut-il en avoir envie et trouver le bon interlocuteur. Le fait que le maire de Longwy soit aussi président de la CCAL, ce n’est pas trop mal! Ce qu’il faut, c’est créer un laboratoire de propositions. Je ne demande rien. Je ne veux pas que ce soit interprété du côté luxembourgeois comme une attitude d’allégeance ou de requête démagogique. En revanche, je demande de croire que nous avons intérêt, les uns, les autres, à gagner ensemble.

Ne craignez-vous pas que le développement de la Ville renforce la spéculation foncière?

«Non, bien au contraire! On constate actuellement une détente du marché sur Nancy, Metz et Thionville. Pourquoi? Parce que l’on a créé de l’offre, en l’accompagnant de mesures fiscales. Si les prix se stabilisent, voire baissent à Longwy, c’est en raison des programmes immobiliers qui poussent partout dans la ville et qui vont se poursuivre. Je vois un horizon plus clair. Je mets trois gros lots sur le marché, plus l’ensemble des bâtiments obsolètes qui appartiennent à la Ville. Notre ambition est de créer 1.600 à 1.800 logements. Ce que nous visons également, c’est davantage de mixité sociale. Il y a actuellement 50% de logements sociaux sur la Ville. L’objectif, c’est de descendre à un ratio de 20%. Il faut donc créer des logements adaptés notamment aux besoins des frontaliers (1.800 au Luxembourg et 700 en Belgique, ndlr.), qui ne sont généralement pas sous les seuils!

Vous voulez tourner la page de la sidérurgie. Le devenir industriel de Longwy, ce peut être quoi?

«Je suis convaincu de la nécessité de la poursuite de la diversification économique: il y a des enjeux en matière de nouvelles technologies, de dématérialisation, de haut et très haut débit, des métiers liés à l’environnement, la logistique...

C’est ce vers quoi tout le monde se dirige dans la Grande Région. Ne craignez-vous pas de venir en concurrence avec ce qui existe déjà?

«Il ne s’agit pas de refaire la même chose, mais de venir en complémentarité. C’est pourquoi je pense que le Luxembourg a tout intérêt à venir avec nous. Nous avons intérêt à nous parler. Très régulièrement. Mais dans un rapport direct, avec de vrais décideurs. Ce sont les hommes et les femmes qui construisent l’histoire d’un territoire».

 

Sous les projecteurs

• Zac de Mexy: Projet majeur en matière économique. 55 ha en bordure de la RN 52, essentiellement destinée à des activités industrielles.

• Réalisation d’un golf public de 18 trous et d’un parcours-école de neuf trous (Budget total: 5,120 millions d’euros avec cofinancement par les collectivités territoriales).

• Quartier Senelle: construction de 600 logements proches de la gare (qui sera rénovée) dans la perspective d’Esch-Belval. Construction d’un park and ride.

• Médiathèque: ouverture début 2009 d’un bâtiment de 2.500 m2 dont un auditorium de 100 places, avec

55.000 documents en accès libre. Investissement CCAL: quatre millions d’euros.

• Création d’un centre culturel dans l’ancien bâtiment historique de la Banque de France.

• Rénovation et modernisation de la piscine, rebaptisée Aqualongo. Projets en trois phases, dont la première sera achevée dès cet été.

• Aménagements de nouveaux espaces de vie: parc municipal clôturé, places piétonnes...

• Candidature (retenue) pour l’inscription des ouvrages Vauban (Porte de France, Remparts, Puits du Siège) au Patrimoine mondial de l’UNESCO.