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Le premier tour des élections présidentielles françaises approche. Dimanche, il va falloir se lancer et faire son choix parmi le nombre record de candidats qui se présentent au suffrage des électeurs. À cette occasion, la ville de Vandoeuvre-les-Nancy, toujours très au fait en matière d'Internet, aurait dû expérimenter un mode de scrutin 'new tech' pour ses électeurs, leur permettant de voter, de chez eux, via Internet (pour du beurre, le système devant être mis en place parallèlement à la bonne vieille méthode du bulletin de papier dans l'urne translucide de plexiglas, la seule à être comptabilisée). Mais les amateurs de démocratie futuriste devront encore patienter: la CNIL n'a pas donné son accord à la réalisation du projet. 

Le déploiement d'un vote 'en ligne', via un site sécurisé, devait être implémenté en partenariat avec la société d'origine américaine Election.com, première société mondiale d'élections par Internet. Concrètement, les électeurs auraient reçu, avant le scrutin, une autorisation écrite d'électeur et un mot de passe personnel, leur permettant, le jour du vote, de se connecter sur un site spécifique.

Tout cela semblait bien beau. Mais c'était sans compter sur la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), qui a émis un avis défavorable sur cette expérience pilote de vote en ligne.

Si, sur le principe même, la CNIL n'y a rien trouvé à redire, elle a en revanche estimé que "les conditions minimales qui rendraient une telle expérimentation utiles" n'étaient pas réunies. C'est ce manque de lisibilité technique qui a donc été fatal à un système pour lequel la Commission française craint notamment que l'anonymat du vote ne puisse être garanti, en particulier dans les phases de transit des données entre le site du vote, en Lorraine, et les serveurs d'exploitation des informations personnelles d'Election.com à New-York.

"Le code d'accès et le mot de passe qui identifient l'électeur, associés à son vote, ne sont pas chiffrés tout au long de la chaîne de traitement" constate la CNIL qui, par ailleurs, au-delà de ses compétences "techniques" - estime que "la possibilité de voter depuis son domicile ne garantit pas que le vote soit dégagé de toute influence ou de toute pression'.

Cet avis n'a, évidemment, pas été du goût des dirigeants de la société Election.com qui, par la voix de Regis Jamin, vice-président de la société pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique, assimile la décision de la CNIL à une prise de position formelle contre le la possibilité de vote par Internet à distance. Il déplore "une mauvaise lecture des documents techniques" en ce qui concerne le point du cryptage des données.

Le coup est d'autant plus dur à digérer pour la société d'origine américaine que le système a déjà prouvé son efficacité: lors des élections primaires du parti démocrate américain, dans l'Etat de l'Arkansas, puis lors du référendum français sur le quinquennat, à Brest, et enfin il y a un peu plus d'un an en région parisienne, à Voisins-le-Bretonneux, lors d'élections municipales. Mais à chaque fois, le vote par ordinateur se faisait à l'endroit même où se situe le bureau de vote, alors que dans le cas présent, l'expérimentation devait permettre de pouvoir voter tranquillement, de chez soi, ce qui, selon les instigateurs du projet, est une des solutions au traitement du crucial problème de l'abstention.

Du coup, c'est dans des bureaux de vote sélectionnés au préalable que seront installés les ordinateurs permettant de pouvoir tout de même voter "on line", ce qui pourra toujours ajouter une référence de choix pour Election.com. Mais c'est toujours le vote "traditionnel' qui, seul, fera foi?

A Vandoeuvre, on ne compte pas toutefois se limiter à cette seule expérience de vote "moderne". On n'est pas pour rien la deuxième ville Internet de France (derrière Thonon-Les-Bains, selon un "classement" pour l'année 2001). Ainsi, pour les prochaines élections législatives, qui se dérouleront en juin, la ville expérimentera-t-elle un autre système: celui développé par France Telecom R&D, dans le cadre d'un programme de recherche sur le vote électronique baptisé "E-poll'. Testé, pour les présidentielles, à Mérignac, près de Bordeaux, cette "machine à voter" permettra de choisir son candidat à partir d'un crayon optique et d'une urne électronique. L'électeur y aura accès à l'aide d'une carte à puce personnalisée, authentifiée par ses empreintes digitales, et contenant un numéro unique.

L'idée d'un vote moderne, qu'il soit électronique ou "on line" fait, progressivement, son chemin. D'ailleurs, en ces périodes de sondages dont on est abreuvé, une récente étude de l'Institut Louis Harris pour AOL France a révélé que près de 48 % des Français seraient prêts à franchir le pas? Un chiffre d'intention à faire pâlir d'envie les candidats du premier tour'