Jusqu’alors laissé en dehors du champ d’application de la Directive sur le crédit à la consommation, les prêts à destination immobilière tombent à présent dans le giron de la régulation européenne. Au Luxembourg, le projet de loi 7025/01 portant sur la transposition de la directive 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel a été publié le 29 juillet 2016.
La directive sur les crédits immobiliers vise à l’intégration des marchés européens hypothécaires, et ambitionne pour ce faire d’harmoniser les règles applicables à tout crédit aux consommateurs qui soit (1) est garanti par une hypothèque, ou (2) est destiné à permettre l’acquisition ou le maintien de droits de propriété sur un immeuble ou un terrain (cela englobe également les travaux de rénovation).
Son champ d’application est donc large, et s’étend à des types de crédits moins conventionnels: un crédit lombard sera ainsi qualifié de «crédit immobilier» dès que son emprunteur ambitionne de le réinvestir dans des biens immobiliers. Quelles conséquences pour la banque privée?
Anticiper les impacts opérationnels
Les nouvelles règles impacteront la banque de façon transversale, induisant une revue des processus en matière d’octroi de crédit, de la responsabilité du métier et du credit risk management ou encore des possibilités en matière de marketing. Cela se traduira également par une revue de la documentation légale ou du support IT.
Première conséquence: il est nécessaire d’identifier l’objet du prêt et de refléter celui-ci dans les procédures d’octroi de crédit. Le projet de loi prévoit ainsi des obligations accrues en matière d’information précontractuelle de l’emprunteur: il ne sera plus possible d’offrir un crédit immobilier sans la provision préalable de certaines informations gratuites, y compris une «Fiche d’Information standardisée européenne» (Fise) personnalisée en fonction des caractéristiques de l’emprunter et de son prêt. Celle-ci devra reprendre le «taux annuel effectif global» (Taeg), calculé selon les formules prescrites par la directive.
Au niveau du credit risk management, il sera également obligatoire d’évaluer la solvabilité du consommateur, au-delà de la simple prise en compte de son collatéral, et d’adopter des procédures adéquates contrôlant cette évaluation. Finalement, il ne sera pas possible de fournir le prêt sans permettre au client de se rétracter sous une période de 14 jours.
D’autres aspects devront également être pris en compte, que ce soit en matière de rapports avec les intermédiaires, de formations des employés ou encore d’obligations post-contractuelles. Le projet de loi régule également plus en détail certains prêts, comme ceux à taux variables, induisant dès lors une revue des contrats concernés.
La procédure d’octroi de crédit se complexifiera et s’allongera ainsi suite à l’entrée en vigueur des nouvelles règles: il est donc important d’anticiper les changements à venir afin d’en assurer la communication effective auprès des départements concernés.
Redéfinir l’offre de crédits
La directive 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel n’introduit pas d’harmonisation maximum, et offre au contraire aux États membres plusieurs alternatives en matière de transposition. En pratique, cela se traduira par un cadre réglementaire fragmenté à l’échelle européenne, nécessitant un positionnement quant à l’offre de crédit immobilier, tel que défini par la Directive.
S’agissant de règles de protection du consommateur, il est en effet nécessaire de tenir compte du droit applicable dans l’état de résidence de l’emprunteur européen. Cela impactera le marché géographique visé au niveau européen: votre organisation souhaite-t’elle restreindre son offre à quelques pays-clés, ou est-elle à même d’assurer sa compliance avec un vaste ensemble de particularités locales?
De nouvelles règles sont également introduites en matière de prêts en devise (par exemple si le prêt est octroyé dans une devise autre que celle du pays de résidence de l’emprunteur ou autre que celle dans laquelle l’emprunter reçoit les revenus sur la base desquels le crédit doit être remboursé) ou de facilité de repaiement. Dans le premier cas, ce type de prêt nécessitera le contrôle continu du spread entre les devises – un avertissement devant être issu si celui-ci varie de plus de 20% – augmentant dès lors le coût et le risque d’un prêt en devise. Dans le deuxième cas, tout emprunteur devra se voir offrir la possibilité de repayer son emprunt avant terme, et la directive limite significativement la possibilité pour les banques de demander une indemnité en contrepartie. Si ce contrôle en matière d’indemnité variera d’État membre en État membre, il pourrait cependant impacter la rentabilité des prêts à taux fixes.
Une fois entré en vigueur, le projet de loi 7025/01 portant sur la transposition de la directive 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel aura donc un effet inattendu sur la banque privée, ses règles étant applicables dès que l’objet d’un prêt se trouve être à visée immobilière. En pratique, cela se traduira tant par des impacts opérationnels que par des considérations stratégiques, requérant dans les deux cas une compréhension précise du niveau de compliance avec les règles à venir.