Vincent Burgraff (Photo: David Laurent/Wide)

Vincent Burgraff (Photo: David Laurent/Wide)

Directeur organisation et systèmes, Fideuram Bank

Monsieur Burgraff, comment est construite l’informatique de Fideuram Bank?

«La chose à préciser en premier lieu, c’est qu’elle est construite d’une manière un peu atypique pour un établissement bancaire. Eneffet, en plus d’être un fournisseur de services interne, nous avons également des clients externes. Nous hébergeons l’informatique et travaillons pour d’autres sociétés du groupe. Cela nous permet de ne pas nous cantonner à un travail d’informatique interne ‘classique’.

Cela dit, notre architecture repose sur une solution de consolidation et de virtualisation opérationnelle depuis avril 2010. Elle est matérialisée par l’implémentation d’une baie de stockage à laquelle sont connectés nos serveurs AS/400 et Open. Les données de la baie de stockage de production sont même répliquées en mode synchrone vers le même type de matériel dans notre centre de secours.

Cette nouvelle infrastructure nous a permis de répondre à plusieurs problématiques de la banque. Elle a ainsi entraîné non seulement le remplacement de l’ancien matériel par une nouvelle plateforme performante, avec le gain de place que cela implique, mais elle nous permettra aussi et surtout dans le futur de faire face de façon plus réactive aux demandes d’évolution du business.
La nouvelle infrastructure permet également de diminuer les risques opérationnels en se concentrant sur le fonctionnement d’une seule plateforme technologique majeure et non plus sur quantité de serveurs décentralisés, très coûteux en termes de maintenance, de ressources humaines et d’évolutivité technique.

Enfin, à cette efficacité technologique viennent s’ajouter d’autres arguments relatifs à la sécurité. En effet, notre nouvelle architecture de consolidation a permis à la banque de passer d’une politique de Cold backup à une politique de mise à disposition des données on-line sur le site de secours. Ce dernier point constitue évidemment une avancée appréciable en termes de qualité de services dispensés à la banque et à ses sociétés clientes.

L’importance de l’IT a-t-elle évolué dans votre secteur d’activité ces dernières années?

«Oui… En fait, l’importance de l’IT s’est développée en même temps que les compétences fonctionnelles glissaient des gens du métier vers les équipes IT. Cela peut avoir deux origines différentes. La première, c’est tout simplement l’hétérogénéité des environnements applicatifs. Nous avions fait le choix de multiplier les systèmes, ce qui a rendu plus complexe, aux yeux des utilisateurs, la perception des fonctionnalités remplies par chacun d’entre eux.
Deuxième raison, d’après moi, qui explique la place grandissante de l’IT dans les entreprises, c’est le degré important d’automatisation des échanges d’informations entre les différents systèmes applicatifs. Ce mode de fonctionnement a augmenté le sentiment de manque de transparence fonctionnelle et le recours de plus en plus important aux services de l’IT en cas de problèmes ou de demandes diverses.

Autrement dit, l’utilisateur, face à un problème, ne sait plus forcément identifier son origine, et n’arrive pas à le contourner ou à le résoudre seul. Il fait donc rapidement appel aux équipes informatiques pour l’aider. L’IT a, par conséquent et par la force des choses, dû élargir la palette de ses compétences métier.

Nous avons ainsi remarqué que les questions des utilisateurs qui étaient à l’origine principalement liées à des considérations techniques ont petit à petit été ‘complétées’ par des questions fonctionnelles de plus en plus fréquentes et pointues.
Enfin, le transfert de certaines compétences vers l’IT vient peut-être aussi de la pression pour limiter au maximum les délais de mise en œuvre des projets informatiques. En raccourcissant la durée des projets, on diminue l’implication des utilisateurs, surtout dans les phases initiales. Ce qui peut avoir des conséquences sur leur maîtrise de l’outil…

Quels étaient les chantiers et objectifs définis pour l’année 2010? Où en êtes-vous?

«L’année 2010 a été riche en évolutions technologiques. Je l’ai déjà abordée, nous avons implémenté une architecture de consolidation et de virtualisation. Nous avons également assuré la migration de l’infrastructure de téléphonie analogique vers la téléphonie numérique, dans une logique d’évolution du marché et du groupe.
Il y a également eu des projets métier: nous sommes en phase d’implémentation d’une solution comptable pour une société du groupe à Paris et qui devrait être opérationnelle d’ici la fin d’année.

Enfin, nous menons une réflexion relative à l’optimisation des solutions actuellement utilisées par la banque, dans le cadre de ses activités private banking et asset management. Une analyse de différentes solutions du marché a été réalisée sur le sujet. Nous avons pout but de déterminer une ligne conductrice définitive d’ici fin 2010, pour probablement initier l’implémentation de la solution retenue en 2011.

Donc les chantiers de 2011 sont déjà partiellement connus…

«Partiellement… En plus de cette nouvelle plateforme private banking et asset management, si le projet est accepté, nous suivons avec attention l’actualité autour de l’archivage électronique.
Le Grand-Duché semble avoir pris la problématique à bras le corps avec notamment la création du groupe d’utilisateurs Fedisa Luxembourg et l’annonce d’un nouveau cadre légal en fin d’année. Notre solution d’archivage actuelle est vieillissante

Comment choisissez-vous vos technologies et vos fournisseurs?

«Le premier critère technologique est évidemment de rester dans des standards ‘groupe’ homogènes. Ensuite, le choix des technologies est souvent lié soit à l’expertise interne du personnel, soit aux besoins de développement du business… pour autant que ces besoins n’entraînent pas des choix technologiques trop ‘exotiques’ et que la solution choisie assure une certaine autonomie des équipes une fois le passage en production opéré.

Nous comptons plusieurs fournisseurs avec lesquels nous travaillons évidemment de longue date et avec qui nous avons noué une relation de confiance. Néanmoins, notre banque n’est pas du tout hermétique aux nouvelles collaborations. Chaque projet d’importance entraîne en effet un processus d’appel d’offres qui laisse donc la porte ouverte à de nouveaux partenaires potentiels… ce qui permet aussi d’éviter l’écueil du monopole de quelques fournisseurs.

Quelles sont concrètement vos missions en tant que ‘responsable informatique’?

«J’ai en fait trois missions. La première est de veiller à l’adéquation des besoins du métier avec l’architecture technologique mise à disposition. Les équipes informatiques ne peuvent en effet répondre aux requêtes du métier de manière réactive et optimale que si elles disposent d’un outil informatique évolutif et flexible. Ma première mission est donc de veiller à ce que l’outil informatique soit pérenne et puisse assurer au mieux le développement du métier dans des normes budgétaires transparentes et conformes aux exigences du groupe.

La deuxième mission, c’est celle de choisir… Notre métier impose en effet des choix tant au niveau technique que fonctionnel. Cela passe évidemment par des périodes d’analyse, de réflexion, de doutes souvent, mais représente aussi un aspect très valorisant de notre métier lorsque nos choix sont recommandés au management et se concrétisent en bout de course par la matérialisation d’un projet d’implémentation. A ce point de vue, la crise économique de ces derniers mois n’a pas constitué l’allié par excellence de l’IT. Il a fallu en effet se montrer sélectif parmi les projets à réaliser, tout en veillant à ne pas mettre en péril le bon fonctionnement de la banque. La notion de choix et la nécessité d’en faire se sont encore vues accentuées.

Enfin, ma dernière mission, c’est de permettre le développement du capital humain. La réussite d’un projet est fonction de l’engagement, de la motivation, de la compétence et de la qualité des personnes qui le pilotent. La formation du personnel constitue donc un aspect important à mes yeux pour assurer cette qualité du personnel, même si elle a un coût et même si elle a probablement été une des principales victimes de la crise économique de ces derniers mois.

Un CIO doit-il venir du terrain ou doit-il être avant tout un manager?

«Je ne suis sans doute pas complètement objectif à ce sujet puisque je viens moi-même du terrain! Je considère en tout cas qu’ilne faut pas avoir d’a priori et qu’il n’y a pas de règle universelle en la matière. La qualité essentielle d’un CIO à mes yeux est de savoir s’adapter. L’informatique et la technologie sont en effet en perpétuelle mouvance. Le contexte économique et financier est lui aussi sujet à de fréquentes évolutions. Le devoir d’un CIO est donc d’être à l’écoute, de s’informer, d’être vigilant et réactif face au changement, de manière à pouvoir soumettre au management des propositions d’évolution, de l’informer, et de le convaincre de l’éventuelle nécessité de réaliser certains choix dans l’intérêt du business de la banque.

Comment l’informatique est-elle ‘intégrée’ dans les processus de décision ‘stratégiques’ de l’entreprise?

«Nous sommes une petite structure. L’IT est donc en contact fréquent avec la direction générale. J’ai la chance de pouvoir discuter ouvertement des stratégies, des évolutions techniques et fonctionnelles, et des problématiques à traiter au jour le jour. Il est clair que le respect des contraintes budgétaires est plus perceptible qu’il y a quelques années. Une fois encore, ce changement de cap fait appel à la nécessité de faire des choix et de les motiver davantage, mais aussi de cerner les véritables priorités du business.»

 

 

CV
Dans le groupe depuis 19 ans

Agé de 46 ans, Vincent Burgraff est
gradué en informatique. Après avoir
suivi sa formation initiale à Jemelle,
et travaillé pendant trois ans dans
une société d’assurances en Belgique,
il rejoint Misys et le monde des systèmes d’information bancaires. C’est en 1991 qu’il intègre le groupe IMI Bank, dont Fideuram fait partie. Il a rejoint Fideuram à sa création en 1998.  V. R.