Le Laboratoire national de santé jouit pour l’instant d’un monopole concernant les analyses anatomopathologiques. (Photo: Pixabay)

Le Laboratoire national de santé jouit pour l’instant d’un monopole concernant les analyses anatomopathologiques. (Photo: Pixabay)

Après trois ans de bataille juridique, les Laboratoires réunis peuvent inscrire une première victoire à leur compteur. Dans son jugement du 27 avril, le tribunal administratif de Luxembourg a en effet décidé de leur donner raison face au refus de la ministre de la Santé, Lydia Mutsch, de leur octroyer une autorisation en vue d’étendre le champ de leurs activités au domaine de l’anatomie pathologique, crucial dans le diagnostic du cancer à partir de prélèvements de tissus ou de tumeurs.

Un refus justifié par l’analyse du ministère de la Santé selon laquelle, «compte tenu d’une population d’environ 540.000 habitants au Grand-Duché de Luxembourg et de la capacité potentielle d’évolution du laboratoire d’anatomie pathologique actuellement en fonction (plus de 50.000 analyses anatomopathologiques par an ces dernières années), il n’y a pas actuellement d’obligation ou de raisons impérieuses de créer un ou plusieurs nouveaux laboratoires d’anatomie pathologique». Le ministère avait ainsi avancé l’argument selon lequel aucun besoin sur le plan national, régional ou local n’était ressenti, rendant l’arrivée d’un nouvel acteur indésirable.

Un monopole justifié par la ministre de la Santé

«La position monopolistique du LNS en anatomie pathologique pose peut-être une question de principe, mais une ouverture à d’autres structures mènerait à une situation difficilement contrôlable», arguait encore la ministre. 

Entendues par le tribunal administratif en janvier dernier, les deux parties ont chacune exposé leurs arguments. Et le tribunal a pris son temps pour délivrer son jugement tant l’affaire est délicate et politiquement lourde de sens. Car ce n’est pas la première fois que le monopole du LNS est remis en question, d’autant qu’il a cumulé les déboires ces dernières années.

Quand le LNS sous-traite à l’étranger

Dans un jugement de 22 pages, le tribunal en arrive à la conclusion que le refus de la ministre n’est pas fondé. Il épingle en particulier la défense du ministère qui s’est contentée de soumettre un rapport d’expertise d’un éminent professeur, qui travaille régulièrement pour le compte du LNS, au lieu de présenter une véritable étude démontrant que le LNS suffit à couvrir la demande d’analyses anatomopathologiques au Grand-Duché. D’autant que le Collège médical comme la Commission consultative des laboratoires s’étaient prononcés en faveur d’un deuxième laboratoire pour ces analyses. Le Collège médical lui-même avance qu’«actuellement des laboratoires d’outre-frontière effectuent en sous-traitance nombre de demandes d’analyses adressées au LNS».

Soulignant la légèreté de l’argumentation de l’État, le tribunal administratif va même jusqu’à considérer que «le ministre est parti du postulat selon lequel le besoin national coïnciderait avec les intérêts du LNS du seul fait que celui-ci dispose d’un monopole étatique de fait». Une défense assumée par la ministre de la Santé, sous condition de résultat cependant, avait-elle indiqué dans une interview à Paperjam au printemps 2016.

Marge d’appréciation vs règles de droit

Me Marc Glodt, avocat des Laboratoires réunis, savoure la victoire de ses clients avec prudence. «C’était juridiquement difficile: comment apprécier le critère du besoin national, alors que les textes laissent une marge d’appréciation au gouvernement? Le gouvernement a encore le droit de faire de la politique. Mais le tribunal administratif a tendance à de moins en moins accepter qu’un ministre fasse un usage trop vaste des textes, parce qu’il y a des critères à respecter comme la proportionnalité.»

Reste à savoir si le ministère de la Santé va interjeter appel, comme il en a le droit dans un délai de 40 jours après le jugement de première instance. Car ce jugement donne théoriquement le droit aux Laboratoires réunis de lancer leur activité d’analyses anatomopathologiques. Une voie qu’ils n’envisagent pas pour l’heure. Une entrevue avec la ministre de la Santé est prévue dans les prochaines semaines.

Les Laboratoires réunis comme le ministère de la Santé n’ont pas donné suite aux demandes de commentaires de Paperjam.lu.