Cela fait cinq ans que l’Entente des Hôpitaux Luxembourgeoise travaille sur la mise en commun des ressources informatiques. (Photo: David Laurent/Wide)

Cela fait cinq ans que l’Entente des Hôpitaux Luxembourgeoise travaille sur la mise en commun des ressources informatiques. (Photo: David Laurent/Wide)

En décidant de créer un centre de services informatiques mutualisés, les hôpitaux luxembourgeois veulent faire face à l’augmentation des coûts techniques et répondre aux enjeux médicaux de demain.

Au début de l’année, l’Entente des Hôpitaux Luxembourgeois (EHL) a décidé de mettre en œuvre un centre informatique sectoriel, une plate-­forme de services IT mutualisés, pour l’ensemble des hôpitaux luxembourgeois. «Notre association, au-delà de se poser comme l’interlocuteur privilégié des autorités en ce qui concerne les questions relatives au secteur de la santé et plus particulièrement des hôpitaux, a l’ambition d’être un catalyseur de projets fédérateurs pour l’ensemble des structures hospitalières du pays», explique Paul Junck, président du conseil d’administration de l’EHL, qui rappelle que ces structures hospitalières rassemblent 8.000 équivalents temps plein et environ 720 millions d’euros de budget. «A travers elle, nous pouvons ainsi développer, autour d’objectifs communs, une vision stratégique à moyen et long terme pour le secteur.»

En fonction des besoins

A l’heure actuelle, les coûts informatiques au sein des hôpitaux sont substantiels. Et la part occupée par les technologies et par l’informatique n’est pas amenée à se réduire dans les années à venir. Des équipements médicaux plus performants et de plus en plus communicants, se basant sur des technologies innovantes, comme le développement de technologies précises d’imagerie, exigent la mise en place d’équipes spécialisées et une expertise toujours plus poussée. «Actuellement, chaque centre hospitalier dispose d’un personnel dédié à la gestion de sa propre infrastructure informatique. Ces équipes indépendantes peuvent être constituées de deux à trois personnes pour les petites structures et de 18 personnes pour les plus importantes, explique Christian Oberlé, directeur administratif de la ­Fondation François-Elisabeth, directeur général de la Clinique Privée Dr E. Bohler et administrateur de l’EHL. Depuis cinq ans, toutefois, nous travaillons sur une idée de mise en commun des ressources informatiques des différents hôpitaux. Celle-ci devrait nous permettre de mieux maîtriser les coûts et de développer des services informatiques performants en réalisant des économies d’échelle.»

Toutefois, les investissements conséquents consentis par les hôpitaux ces dernières années et l’expertise développée en interne au fil du temps restaient des freins à un changement radical de stratégie pour chacune des structures, en vue d’une mutualisation pure et simple des services. La donne a dernièrement changé suite à la décision de cinq établissements de recourir à un même système de gestion d’information hospitalière.

Ainsi, à la fin de l’année dernière, le Centre Hospitalier Emile Mayrisch, la ZithaKlinik, la Fondation François Elisabeth, le Centre Hospitalier Neuro-Psychiatrique d’Ettelbruck et le Rehazenter ont opté pour une solution commune, qui permet un meilleur suivi du parcours du patient dans la structure, de l’accueil jusqu’à la facturation.

Ces cinq établissements ont, par là même, ouvert la voie à une mutualisation progressive des services informatiques hospitaliers. «Au niveau de l’Entente des Hôpitaux, nous avons décidé de créer un centre qui puisse fournir les services informatiques nécessaires à la gestion hospitalière, à la gestion du personnel, à l’archivage et au partage des données en fonction des besoins de l’ensemble des établissements du pays, explique Christian Oberlé. Cela à travers une structure, qui devrait prendre la forme juridique d’un GIE, qui proposera les services aux différents hôpitaux selon une formule pay per use.»

La mise en œuvre du projet, l’un des plus importants à occuper actuellement le monde hospitalier, s’étendra sur une dizaine d’années. Sur ce laps de temps, entre 25 et 30 millions d’euros devraient être investis. Les services seront mutualisés progressivement. «Le premier service proposé depuis le nouveau centre informatique sectoriel sera dédié à la gestion des ressources humaines. Les logiciels utilisés actuellement par les différents hôpitaux vont progressivement disparaître pour être remplacés par celui que nous allons proposer de manière mutualisée. D’ici 18 mois, ce service pourrait être opérationnel. Des expériences pilotes devraient se concrétiser d’ici la fin de l’année», explique Christophe Nardin, responsable informatique pour l’EHL et chargé du développement du projet. Une réalisation qui doit, en premier lieu, passer par la mise en place d’un réseau à haut débit entre les différents hôpitaux et la location de deux emplacements spécifiques dans deux datacenters du pays.

Progressivement, de nouveaux projets vont se concrétiser à travers ce centre informatique sectoriel, comme le développement, prévu d’ici à la fin de l’année, d’un serveur de résultats de laboratoire. Les médecins, ainsi que le personnel soignant habilité, pourront retrouver à un même endroit l’ensemble des résultats issus des laboratoires des différents hôpitaux du pays.

La plate-forme de services mutualisés prévoit également d’accueillir un logiciel d’intégration d’entreprise. «Celui-ci doit permettre une meilleure communication entre les différentes entités en place, ajoute Christophe Nardin. Le réseau Health­Net a pour vocation de faire le lien avec l’ensemble des acteurs de la santé. Il nous faut nous connecter à ce réseau, ce qui permettra le développement de meilleures communications entre les hôpitaux et avec le reste des acteurs de la santé.»

Le nouveau centre informatique doit permettre la mise en place d’un meilleur suivi des patients et faciliter les échanges d’informations avec l’agence nationale des informations partagées dans le domaine de la santé (le projet eSanté), dont la création a été décidée en septembre dernier par le ministère de la Santé. «Les hôpitaux sont les principaux producteurs d’informations relatives au patient, précise Christian Oberlé. Nous avons clairement un rôle clé à jouer et notamment celui d’apporter notre savoir-faire à cette agence.»

Mais le projet de mutualisation des ressources informatiques doit permettre aux hôpitaux d’aller plus loin encore. «L’utilisation de certains services, et notamment la mise en commun à long terme du système d’informations médicales et de soins Orbis, la solution intégrée déjà adoptée par cinq structures hospitalières, doit nous permettre de produire une information médicale intelligente», estime M. Oberlé.

Au cœur des projets, on peut encore citer la mutualisation de l’archivage sur le long terme des données relatives aux patients, la production d’imagerie médicale, la création d’un cloud dédié permettant de mieux adapter la puissance de calcul et les besoins de stockages aux besoins réels et, ainsi, de réduire les infrastructures actuelles tout en préservant la même efficacité... «Tout cela va se mettre progressivement en place, indique Christian Oberlé. La plate-forme mutualisée, au fur et à mesure du développement des projets et de leur mise à disposition des hôpitaux, devrait employer un nombre croissant de collaborateurs. Des transferts venant des équipes informatiques des hôpitaux se feront petit à petit, au rythme de la mutualisation des différents services.»

A terme, avec le même nombre d’informaticiens que celui actuellement en place dans l’ensemble des hôpitaux, la nouvelle structure devrait être à même de proposer l’ensemble des services informatiques dont les hôpitaux ont besoin aujourd’hui et les nouvelles missions qui leur incomberont demain.

Gouvernance de l’information - Sécurisation des données: la priorité
Au cœur de ce projet de mutualisation, les questions de sécurité et de gouvernance relatives à l’information sont particulièrement sensibles. Les hôpitaux, producteurs essentiels d’informations médicales, doivent répondre à des exigences strictes. Et cette mutualisation des services soulève des questions auxquelles il convient de pouvoir répondre. «Le cadre légal est assez complexe, reconnaît Paul Junck, président de l’EHL. Et la sécurisation des données est l’une de nos priorités. Aussi, si nous mettons en commun les ressources permettant de les stocker et de les préserver, la gouvernance de l’information est assurée. Par exemple, nous ne fusionnons pas les bases de données. Chaque établissement hospitalier gardera une base de données qui lui est propre.»

Mais, une meilleure structuration des données médicales, à travers des standards notamment, devrait aussi permettre de réaliser des réductions de coûts en termes de gestion des données et de faciliter l’échange et l’analyse de données quand cela s’avère nécessaire.