« Je dois reconnaître que je gagne extrêmement bien ma vie. » (Photo: Etienne Delorme / archives paperJam)

« Je dois reconnaître que je gagne extrêmement bien ma vie. » (Photo: Etienne Delorme / archives paperJam)

« Je suis fonctionnaire européen depuis plus de 20 ans et en poste au Luxembourg. » Ainsi commence le courrier adressé à Rue 89. Ce témoignage a été transmis au site Internet français suite à la publication le 30 décembre d’un article intitulé : « Hausse de salaire de 45.000 eurocrates ».

Le témoignage est censé tordre le cou à certaines idées reçues et mauvaises perceptions à propos de la situation du personnel des institutions européennes. « J’y occupe un poste de secrétaire que j’ai obtenu par concours et surtout sans magouilles. » La fonctionnaire y indique clairement le montant de son salaire net mensuel.

« Pour évoquer de suite le sujet qui fâche, je dois reconnaître que je gagne extrêmement bien ma vie. Mon salaire de base est conséquent et s’y ajoutent diverses indemnités (foyer, allocations familiales, indemnité de dépaysement...). La totalité de mon salaire net et indemnités est de quasiment 7.000 euros. En outre, si le salaire est conséquent, il est inexact de dire que nous ne payons pas d’impôt. Nous payons un impôt communautaire auquel s’ajoute l’impôt de crise, objet de votre article. S’il est supprimé cette année 2013, il sera très sérieusement rétabli avec l’application de notre nouveau statut. D’autre part, être fonctionnaire européen signifie l’obligation d’habiter soit Luxembourg, soit Bruxelles et très accessoirement Strasbourg (peu de fonctionnaires sont en poste à Strasbourg). »

Coût de la vie

Plus loin, elle détaille les conditions de vie au Luxembourg et à quoi tient ce salaire élevé.

« Comme vous pouvez l’imaginer, Luxembourg et Bruxelles sont des villes où le coût de la vie est extrêmement élevé. Il faut compter 700 euros pour un studio, 1.800 euros pour un logement correct pour une famille de quatre personnes. Les crèches sont bien souvent privées et hors de prix.

Si vous avez la chance de conserver votre habitation proche de la frontière, il vous faudra passer 1 heure 30 le matin et 1 heure 30 le soir dans votre voiture à 40 km/h en moyenne ! Ce qui n’est pas de tout repos non plus. Sans parler des loyers aux frontières qui sont sans cesse en hausse !

Nos salaires sont indexés sur une moyenne des salaires de fonctionnaires des autres pays. Or, il y a deux ans, ils devaient augmenter de 3,5 % mais, par solidarité, ils n’ont été augmentés 'que' de 1,75 %. Cette année : aucune augmentation.

Quant à notre temps de travail évoqué dans la réponse de l’un de vos lecteurs, il est inexact. Nous travaillons actuellement 37,5 heures par semaine et nous allons, avec l’application de notre nouveau statut, en travailler 40 d’ici peu (soit 5 heures de plus qu’un salarié en France) et nos congés sont identiques (à l’exception des fonctionnaires qui ont un lieu d’origine éloigné – mesure qui va arriver également à expiration).

D’autre part, les 'vieux' fonctionnaires sont effectivement bien rémunérés et j’ose espérer qu’aucun d’entre nous ne le conteste.

Cependant, les fonctionnaires recrutés depuis 2004 ont fait l’objet d’un nouveau statut. De ce fait, ils ont été engagés avec un salaire diminué quasiment de moitié par rapport aux recrutements antérieurs.

Aussi, le salaire de base d’une secrétaire débutante est d’environ 2.500 euros. Ce statut a concerné principalement les fonctionnaires recrutés des pays liés à l’élargissement (Pologne, Hongrie, Lettonie...).

De ce fait, toutes ces personnes sont arrivées à Luxembourg et Bruxelles avec des salaires inappropriés pour ces deux capitales. De plus, leurs conjoints n’ont pas été autorisés à travailler à Luxembourg avant deux ans. Vous comprendrez aisément que vivre avec 2.500 euros et payer un loyer de 1.200 euros en moyenne n’a pas été chose facile non plus.

Et tout cela sans parler des agents contractuels pour lesquels le salaire de base est de 1.800 euros sans perspective de carrière réjouissante (mais bon, votre article concerne les fonctionnaires). »

Évolution du statut

La fonctionnaire fait également mention de l’évolution du statut, vers des conditions prétendument moins favorables.

« Notre statut actuel va être remplacé par un nouveau beaucoup moins favorable (40 heures par semaine, suppression de certaines indemnités et de congés, baisse des pensions...). Cela devrait en contenter quelques-uns alors même que cela ne leur ajoutera rien ! Comme toute personne dont le niveau de vie va diminuer, nous ne sommes pas vraiment satisfaits, même si je ne trouve pas anormal d’appliquer une certaine solidarité.

Je ne me plains donc évidemment pas et non plus de la baisse de nos acquis. Je dois reconnaître que j’ai une vie très agréable mais ce n’est pas pour autant que j’ai perdu toute notion de réalité. Je suis entourée d’amis et de familles qui n’ont pas ma chance, certains au smic ou à bas salaire, d’autres au RSA. J’essaie au maximum de partager ma chance avec eux. Nous ne sommes pas tous complètement obtus non plus !

Ceci dit, je ne me risque plus à dire que je vote à l’extrême gauche au risque de me faire rabrouer...

D’autre part, les concours des institutions européennes sont ouverts à tous, sans limite d’âge mais comme pour tout fonctionnaire (y compris en France) liés à des obligations (diplômes, par exemple). Libre à chacun de s’y inscrire et de les réussir... »