Géraldine Henning (Robert Half International):  «Les employeurs ont peur de perdre leurs ressources.» (Photo: Olivier Minaire/archives)

Géraldine Henning (Robert Half International): «Les employeurs ont peur de perdre leurs ressources.» (Photo: Olivier Minaire/archives)

Pour préparer l’étude Global Financial Employment Monitor commandée annuellement par Robert Half International, 150 managers luxembourgeois, travaillant dans la finance et les ressources humaines, ont été consultés durant le premier semestre 2010. Au niveau du Grand-Duché, la peur de perdre ses performeurs prédomine nonobstant un optimisme patent pour ce qui concerne les perspectives économiques. Les principales indications fournies par le rapport font état d’une confiance en l’économie luxembourgeoise, en la croissance de leur société et dans la sécurité de l’emploi. En effet, 86% des sondés voient l’année 2011 au moins plutôt positivement, les taux se limitant à 67% en France et 75% en Belgique.

Cette foi en l’avenir transparaît également dans la perception qu’a l’échantillon luxembourgeois de la sécurité de l’emploi. 47% des décideurs consultés ne craignent pas de perdre leur job dans les douze prochains mois. La moyenne européenne culmine à 21% et est grandement influencée par le score luxembourgeois, qui fait figure d’outlier (observation aberrante en statistiques).

Pas de politique de rétention

Face à cet optimisme ambiant, les sondés ne semblent pour autant pas considérer de recrutements à court terme, s’inquiètent d’une éventuelle fuite des talents, mais ne prévoient rien pour les retenir. C’est en tout cas ce que laisse croire l’étude. Seuls 14% des 83 répondants évoquent l’hypothèse d’un recrutement pour l’automne. Ce qui constitue le taux le plus faible en Europe. 52% s’inquiètent cette année de voir partir leurs meilleurs éléments, contre seulement 24% en 2009.

Paradoxalement, peu de politiques de rétention sont entreprises, 10% prévoient même de ne rien faire pour retenir leurs salariés. La moyenne des pays européens considérés s’élève elle à 3%. «Malgré la forte hausse de l’inquiétude face à la perte de travailleurs précieux suite à la relance du marché du travail, pas moins de 2 entreprises sur 3 déclarent ne disposer ni d’une politique ni d’une stratégie de rétention», nous dit le communiqué de presse. Parmi les efforts envisagés par l’enquête, travailler sur le sentiment d’appartenance à l’entreprise est à peine considéré. Seuls 5% des sondés évoquent cette alternative, contre une moyenne européenne atteignant les 20%. Que faut-il donc retenir comme enseignements?

Des chiffres à relativiser

D’abord, comme le souligne Géraldine Henning, country manager pour Robert Half International, le Luxembourg a subi les effets de la crise tardivement par rapport aux autres pays considérés sur le marché de l’emploi financier. Le retour à l’embauche interviendrait donc un peu après. La collecte relativement datée des statistiques doit également être prise en compte.

Les retours du «terrain» s’avèrent davantage pertinents. «Nous constatons toutefois que les entreprises recrutent à nouveau à tour de bras et, lors de la prochaine mesure de l’indice de recrutement, nous prévoyons que les intentions de recrutement seront plus élevées» indique Géraldine Henning, convaincue de constituer un «bon baromètre pour le marché de l’emploi».

Ensuite, nombre de sociétés basées au Luxembourg sont des filiales de sociétés internationales. L’employer branding, barbarisme technique désignant la perception d’une société telle que définie par ses employés, ne les concernerait que modérément. Géraldine Henning le souligne: «Notre marché du travail présente un handicap par rapport aux pays voisins. La plupart des sièges centraux des entreprises actives dans notre pays se trouvent à l’étranger.»

Malgré tout, ces constats conjoncturels occulteraient également des explications structurelles inhérentes au marché de l’emploi luxembourgeois; à commencer par  le manque de ressources humaines adaptées au marché. Comme le signalaient les entrepreneurs luxembourgeois consultés lors de la préparation du «rapport compétitivité» du World Economic Forum, le Luxembourg ne produit pas assez de talents. La nécessité d’«attirer les talents de nos pays voisins», soulignée par la responsable de RHI au Luxembourg, tiendrait donc à une sorte de manque de «liquidité» en RH. Ce déficit de concurrence pousserait donc les employés à envisager sereinement leur avenir, tout en lorgnant sur de nouvelles perspectives, le cas échéant. Pour limiter cette volatilité, l’intégration sociale pourrait constituer une piste à explorer.