Romain Schneider et Lydia Mutsch, ministres respectivement de la Sécurité sociale et de la Santé, ont paraphé fin février le nouveau contrat d'objectifs et de moyens avec Hervé Barge, directeur général de l'agence eSanté. (Photo: Ministère de la Santé)

Romain Schneider et Lydia Mutsch, ministres respectivement de la Sécurité sociale et de la Santé, ont paraphé fin février le nouveau contrat d'objectifs et de moyens avec Hervé Barge, directeur général de l'agence eSanté. (Photo: Ministère de la Santé)

C’est dans quelques bureaux sans éclat du rez-de-chaussée de la CNS à Hollerich que se joue l’avenir de la santé des patients. Créée en 2012, l’agence eSanté avait pour objectif premier de définir une stratégie nationale d’interopérabilité des systèmes d’information de santé. Autrement dit, un outil numérique permettant aux professionnels de santé de s’échanger des informations sur les patients en toute sécurité.

L’élément le plus visible de cette stratégie est le dossier de soins partagé (DSP). Une interface numérique permettant aux professionnels de santé qui s’occupent d’un même patient d’accéder aux informations qui leur seront utiles pour assurer la meilleure prise en charge possible. Le patient décide des documents apparaissant dans son DSP, comme des résultats d’analyse ou ses antécédents médicaux et familiaux. Il décide aussi de qui y aura accès, que ce soit son médecin référent et/ou d’autres professionnels de santé en fonction de leur implication.

Encore un joujou numérique trop coûteux, diront certains. «Les politiques mettent de l’argent dans ce projet, parce que beaucoup de patients décèdent par accident évitable, à cause d’une information qui a mal circulé», rappelle Hervé Barge, directeur de l’agence. «Ce chiffre est de 10.000 à 18.000 par an en France et en Allemagne.» Autant que de morts sur les routes en 1986 dans ces mêmes pays… sauf qu’une action coordonnée impliquant notamment les politiques et les constructeurs a fait chuter ce chiffre à 3.500 aujourd’hui.

On a gagné une partie du challenge de la confiance.

Hervé Barge, directeur général de eSanté

Dans le domaine, le Luxembourg surclasse aujourd’hui ses voisins. L’agence a commencé à travailler sur le DSP en septembre 2012 avec cinq personnes – contre plus de 125 pour ses homologues française et portugaise. «En quatre ans, nous avons atteint un niveau de mise en place satisfaisant», se félicite Hervé Barge. «Beaucoup de pays constatent que l’on a réussi en un temps très court», alors que la France multiplie les faux départs depuis 10 ans. Surtout que le ratio du coût par habitant ne semblait pas à l’avantage du Grand-Duché.

Lancé officiellement en juin 2015, le DSP affiche déjà 23.000 dossiers ouverts. «Cela veut dire que les médecins passent l’information à leurs patients. On a gagné une partie du challenge de la confiance», se réjouit Hervé Barge. Depuis l’automne dernier, les patients sans médecin référent peuvent aussi activer leur DSP. Un règlement grand-ducal doit en officialiser la généralisation en 2017. Objectif: atteindre les 50.000 DSP d’ici 24 à 36 mois. En plus du service téléphonique d’aide et du site esante.lu, le guichet 22 de la CNS et du Centre commun de la sécurité sociale renseigne les assurés et active leur DSP sur demande.

La dématérialisation continue

Sa réussite, Hervé Barge la doit à ses collaborateurs expérimentés et surtout à un partenariat fructueux avec les professionnels de santé. «L’Association des médecins et médecins-dentistes et le Cercle des médecins généralistes nous ont largement appuyés. Nous avons aussi fréquemment rencontré le Collège médical et la Commission nationale pour la protection des données.» Hervé Barge revendique un «travail en partenariat» nécessaire avec ceux qui utiliseront les applications sur le terrain, notamment les oncologues au sein de la Plateforme nationale cancer et de l'Institut national du cancer. «Il s’agit de leur apporter des outils système experts. Certains m’ont parlé d’outils d’intelligence artificielle… Ils ont vraiment une vision stratégique sur 5 ou 10 ans.»

Signe de cette confiance acquise auprès des professionnels de santé comme de la ministre de tutelle, Lydia Mutsch, cette dernière a donné 12 à 24 mois à l’agence pour développer le suivi informatisé des réunions de concertation pluridisciplinaires, qui réunissent autour d’une table les professionnels de santé impliqués dans le traitement d’un patient (oncologue, anatomopathologiste, chirurgien, pharmacien pour la chimiothérapie, etc.). Ce suivi, qui s’inscrit dans le Plan national cancer, inclut également de proposer des pratiques observées ailleurs pour en informer les praticiens.

Prochains défis: développer le carnet de vaccination et le carnet de radiologie numériques, ainsi que l’e-prescription, qui consiste à échanger les ordonnances de médicaments, de radiologie ou d’analyses sous forme dématérialisée, diminuant ainsi le risque d’erreur (écriture illisible, etc.). L’e-facturation, visant à faciliter les échanges entre les médecins et la CNS, figure également dans les projets du contrat d’objectifs et de moyens 2016-2018.