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Astrid Semiglazoff et Dominique Aubry, représentantes de l’Union luxembourgeoise des entreprises de travail intérimaire (Uledi), réagissent aux avis des utilisateurs des ressources intérimaires et décrivent la croissance d’un marché aux nouveaux contours.


Mesdames, quelles sont les dernières évolutions du marché de l’emploi intérimaire à Luxembourg?

Astrid Semiglazoff: «Après l’année noire qu’a connue la profession en 2009, avec une chute de plus de 35% du chiffre d’affaires global, l’intérim a progressé de 18% en 2010. Pour 2011, le début d’année a démarré sous une croissance soutenue qui s’est estompée depuis. La profession jouit toutefois d’une croissance de l’ordre de 2 à 3%.

Est-ce que ces tendances sont comparables à celles du marché européen?

Dominique Aubry: «Si l’on se réfère aux statistiques d’Eurociett (fédération européenne des agences de recrutement, ndlr.), la croissance du Luxembourg reste inférieure au rythme de croissance des pays frontaliers avec néanmoins cette particularité à la fois d’employer 80% d’intérimaires frontaliers et de faire face aux critères multilingues de plus en plus sollicités.
AS: «C’est aussi la raison pour laquelle trouver les bonnes compétences au Luxembourg va demander de la part de nos entreprises de plus en plus d’investissements.

Quels seront les impacts de la mise en conformité par rapport à la directive européenne sur le travail intérim?

DA: «L’Uledi a créé un groupe de travail, auquel nous participons toutes les deux, étudiant les incidences de la transposition de la directive 2008/104/CE. Notre objectif est de soumettre au ministre du Travail et à son équipe des propositions permettant au travail intérimaire une évolution intéressante, non seulement pour les entreprises utilisatrices, mais aussi et surtout pour notre personnel inté­rimaire.

Comment améliorer encore le cadre légal pour vos activités?

DA: «Notre activité est toujours régie par la loi du 19 mai 1994, mais le marché de l’intérim a fortement changé et il nous tient à cœur de voir encore évoluer notre législation. De nombreux freins existent encore, notamment dans la capacité du gouvernement à vouloir créer de véritables relations de partenariat avec les entreprises du secteur privé. Mais les relations établies au fil des années entre l’Uledi et le ministère du Travail nous permettent de rester confiants dans la volonté de créer un environnement économique à la fois plus souple pour les entreprises et plus serein pour nos intérimaires.

Une législation, comme en Allemagne, faisant en sorte que les salariés intérimaires soient rému­nérés à plein temps par les agences d’inté­rim a-t-elle une chance de voir le jour?

AS: «Dans nos groupes de travail, nous sommes bien sûr à l’écoute de ce qui se passe dans les pays limitrophes. Cependant, le contexte actuel permet difficilement un copier-coller du modèle germanique de CDI.

Quels seraient les avantages et inconvénients d’une telle alternative?

AS: «Ce type de contrat possède bien entendu des avantages certains aux yeux de nos salariés intérimaires. Cependant, comme déjà évoqué, le cadre légal actuel ne permet pas d’adapter d’autres conditions que celles déjà existantes.

Comment les agences peuvent-elles faire preuve d’encore plus de disponibilité et de flexibilité?

DA: «Le recours au travail intérimaire offre déjà davantage de disponibilité et de flexibilité à nos clients par rapport au CDD et c’est entre autres pour cela que les entreprises utilisatrices nous sollicitent. L’avantage pour le candidat est de bénéficier, d’une part, de la garantie de percevoir son salaire, quelles que soient les circonstances, grâce à la garantie financière imposée à la profession et, d’autre part, du soutien de l’agence pour le respect des conditions de la mission, de sécurité, l’anticipation de la fin de mission…
AS: «Ce ne sont pas la disponibilité et la flexibilité que nous devons améliorer. Elles sont inhérentes à notre profession. Ce que nous devons pouvoir proposer à nos clients, c’est une offre de services plus étendue, et la mise à disposition de personnel fidélisé et mieux formé. Nous disposons d’ailleurs d’outils que peu d’entreprises peuvent aujourd’hui proposer à leurs salariés.

Comment une agence peut-elle faire pour mieux connaître l’utilisateur de ses services? Comment personnaliser une relation entre les deux parties?

DA: «Nous sommes dans une prestation où le relationnel est essentiel, car nous gérons des ressources humaines et il est indispensable de bien appréhender les besoins de nos clients dont le niveau d’exigence a fortement évolué.
AS: «J’ajouterai que nous ne sommes pas que des gestionnaires de ressources humaines, mais que dans le cadre de nos services, nous avons une relation très étroite tant avec nos salariés intérimaires dont nous connaissons et évaluons les compétences, qu’avec nos clients utilisateurs, dont nous devons connaître les spécificités pour mener à bien notre mission.

Serait-il possible d’envisager une formation complémentaire des intérimaires sur la société et la mission?

DA: «C’est pour cette raison que le Fonds de formation Sectoriel pour l’Intérim (FSI) a vu le jour à l’initiative de l’Uledi. Ce fonds est consacré majoritairement aux intérimaires et leur permet de bénéficier de formations augmentant leur employabilité, puisque la profession y consacre 0,6% de sa masse salariale. L’intérim est le deuxième secteur, après celui de la construction, à se doter de tels moyens.

Comment fidéliser la relation entre les inté­rimaires et les agences d’intérim et garder un portefeuille stable d’intérimaires, prêts à démarrer une mission?

DA: «C’est là que s’exercent tout le talent et le professionnalisme des entreprises de travail intérimaire.

Comment se placent les agences d’intérim par rapport à l’Adem?

DA: «L’Uledi entretient un partenariat très actif avec l’Adem depuis 1997, et là aussi une commission de l’Uledi travaille activement sur ce dossier. Notre objectif est de pouvoir mieux travailler avec la base de données de l’Adem et de proposer en priorité des candidats résidents.
AS: «Une charte entre l’Uledi et l’Adem existe depuis 1997. Le but de ce groupe de travail est de proposer des solutions afin que la collaboration soit encore plus efficace. Nous ne travaillons pas du tout en concurrence, mais en partenariat et en complémentarité.

Comment se passe la procédure de sélection des candidats à l’intérim?

DA: «La sélection et le recrutement constituent la valeur ajoutée d’une entreprise de travail intérimaire. Nos clients veulent des intérimaires immédiatement opérationnels et l’époque où l’intérim était considéré comme un fournisseur de «bras» est bel et bien révolue.
AS: «Chacune des agences intérim a ses propres méthodes et moyens, souvent liés également à ses spécialisations. Depuis quelques années, le marché de l’intérim ne concerne plus exclusivement l’industrie ou le BTP.

Que penser de la législation relative au travail temporaire en vigueur, notamment du pri­vilège accordé au contrat intérim ou au CDD contre la période d’essai?

DA: «De quel privilège parlez-vous? Le recours à l’intérim offre une souplesse très intéressante pour l’entreprise utilisatrice: la période d’intérim peut servir de période d’essai, avant embauche, le cas échéant. Dans ce cas, je rappelle que la période réalisée par un candidat sous contrat intérim se déduit systématiquement de la période d’essai susceptible de suivre lors d’une embauche en CDD ou CDI. De plus, le candidat est recruté par l’entreprise de travail intérimaire, ce qui décharge l’utilisateur de cette tâche.
AS: «L’agence d’intérim, qui plus est, se charge des formalités d’embauche, de contrat, de gestion salariale.

La question de l’intérim social est-elle à l’ordre du jour? Dispenser des formations continues à des jeunes non qualifiés?

DA: «Nous attendons le cadre juridique du contrat-formation afin de proposer à de jeunes demandeurs d’emploi cette possibilité de formation continue.
AS: «L’intérim social n’est pas à l’ordre du jour. Cependant, des initiatives communes avec l’Adem pourront voir le jour, grâce à nos accords pour pouvoir faire former des demandeurs d’emploi non qualifiés et, par conséquent, leur proposer des missions.

Est-ce qu’une agence d’intérim doit compléter son offre avec du placement permanent?

DA: «Absolument! Cette mesure est déjà d’application dans la majorité des pays européens.»
AS: «Les agences d’intérim en ont toutes les capacités. Il ne leur manque que le cadre légal.»

 

Uledi – Les trois quarts du marché

L’Union luxembourgeoise des entre­prises de travail intérimaire (Uledi) est l’organisme qui regroupe les entreprises de travail intérim établies au Grand-Duché de Luxembourg. Elle représente, à ce jour, plus de 75% du secteur, avec 22 membres recensés.