Fernand Kartheiser a demandé au ministre de l’Éducation nationale si la participation à la pièce était obligatoire et combien d’enfants avaient pu la voir. (Photo: paperJam/Archives)

Fernand Kartheiser a demandé au ministre de l’Éducation nationale si la participation à la pièce était obligatoire et combien d’enfants avaient pu la voir. (Photo: paperJam/Archives)

L’histoire d’un kangourou gay... et d’une question parlementaire où les mots dérapent. Le 3 décembre dernier, le député ADR Fernand Kartheiser s’est fendu d’une question parlementaire pour s’inquiéter de la participation d’enfants d’une classe de 4.2 à une pièce de théâtre intitulée «Ein Känguru wie du».

«Un kangourou comme toi» est une pièce en allemand d’Ulrich Hub qui traite de l’amour, de l’ouverture à l’autre dans sa diversité et de l’homosexualité. Non pas autour de la sexualité.

Dans sa question parlementaire, M. Kartheiser a demandé au ministre de l’Éducation nationale si la participation était obligatoire, combien d’enfants avaient déjà vu cette pièce, et qui était responsable de l’organisation.

Il se demande aussi si des enfants du cycle de 4.2 (11 ans) sont en âge de voir une pièce traitant de l’homosexualité. Dans le quatrième et dernier point de la question, le député dérape et se demande s’il est prévu de faire participer des enfants à des pièces sur des familles «traditionnelles et naturelles», mettant en avant «un mode de vie positif»: «Ass et och virgesinn, de Kanner Theaterstécker iwwer heterosexuell, traditionell an natierlech Familljen ze weisen an deenen dee Liewensmodell positiv duergestallt gëtt?»  

À noter que la pièce sera proposée le 10 février 2019 à Neimënster, à un public à partir de huit ans. L’annonce de la pièce comporte ce synopsis: 

«Un tigre et une panthère, confrontés à l’originalité de leur dresseur, prennent la fuite avant une représentation importante. Pendant leur périple, ils croiseront la route de Django, un kangourou. Les deux compères sont fiers d’avoir un nouvel ami si cool. Sauf que Django est gay. Une ode à la diversité.»

Meisch recadre 

Tollé sur les réseaux sociaux et réponse rapide du principal concerné: le ministre de l’Éducation nationale. À peine reparti pour un second mandat après l’assermentation de mercrediClaude Meisch (DP) a répondu, le 7 décembre, en rappelant l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’Homme: «Tous les hommes naissent libres et égaux en droits.» Le ministre veut prendre de la hauteur, en se disant incapable de répondre sur la «normalité» évoquée par le député ADR. 

Claude Meisch indique en revanche qu’il est du devoir de l’école d’éduquer les élèves aux valeurs de tolérance et d’ouverture. Et comme pour mieux rappeler les dangers de l’intolérance, de l’exclusion idéologique, qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale, le ministre précise que les élèves recevront prochainement un exemplaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, 70 ans après sa proclamation au lendemain du conflit.

Le ministre a posté sa réponse sur son compte Twitter, avant qu’elle ne suive le parcours procédural et ne soit publiée sur le site de la Chambre, signe de la volonté de réagir rapidement.

<blockquote class="twitter-tweet" data-lang="en"><p lang="de" dir="ltr">“All Mënsche gi fräi gebuer, mat gläicher Dignitéit a mat deene selwechte Rechter”<br>A well all Mënsche gläich sinn, sinn och all Famillje gläich. Et ka weder eng natierlech nach eng onnatierlech Famill ginn. Et gëtt just Familljen. <a href="https://t.co/dx028Ox7EQ">pic.twitter.com/dx028Ox7EQ</a></p>&mdash; Claude Meisch (@MeischClaude) <a href="https://twitter.com/MeischClaude/status/1071091696975400960?ref_src=twsrc%5Etfw">December 7, 2018</a></blockquote> <script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script>

Deux visions de la société

De son côté, le Kasemattentheater rappelle sur Facebook son approche culturelle, mue par l’ouverture et la tolérance. Et s’indigne d’une question parlementaire homophobe:

Sur leurs pages Facebook, de nombreux élus ont arboré depuis vendredi un kangourou affublé des couleurs de l’arc-en-ciel pour montrer leur opposition à cette question parlementaire.

Si Fernand Kartheiser suscite une telle réaction, c’est aussi parce qu’il récidive en choisissant des mots aux relents pour le moins douteux. En décembre 2017, M. Kartheiser avait décrit à la Chambre le Comité pour une paix juste au Moyen-Orient comme étant «non seulement anti-israélien, mais aussi antisémite». Ce qui avait valu le dépôt d’une plainte de la part du Comité.

Dans des temps où les mots prennent tout leur sens, ceux employés dans cette question parlementaire révèlent une vision de la société pour le moins fermée. Dans un monde où les enfants sont exposés à des informations en permanence et sont souvent davantage connectés que leurs aînés, les accompagner dans leurs questionnements et l’ouverture sur le monde est probablement bénéfique.