Christophe Bianco : « Ce que tout le monde  appelle du cloud se résume, pour l’instant, à du private service management. » (Photo : Laurent Antonelli / Blitz)

Christophe Bianco : « Ce que tout le monde appelle du cloud se résume, pour l’instant, à du private service management. » (Photo : Laurent Antonelli / Blitz)

Aujourd’hui, tout le monde a la tête dans le nuage. C’est the place to be ! Les fournisseurs fourbissent leurs armes et développent des services cloud qui, sur le papier, sont la voie royale vers une optimisation des systèmes informatiques, une réduction des coûts et, au final, un gain de productivité en permettant aux entreprises de se concentrer sur leur corps de métier. Au-delà des avancées certaines que le cloud est censé apporter, comment une entreprise lambda, non familiarisée avec ces techniques et son jargon peut-elle s’y retrouver dans l’éventail des offres ? Christophe Bianco, chargé du développement des activités de la jeune société Excellium, a pris son bâton de pèlerin : il est allé frapper aux portes d’une dizaine de fournisseurs locaux à la recherche du service à même de répondre aux besoins de son entreprise. « Avant cela, nous avions défini que, dans un premier temps, la messagerie et si possible le CRM seraient intégrés dans le cloud. » L’offre devait également répondre à trois impératifs : la rapidité de mise en œuvre, l’assurance de bénéficier d’un service opérationnel sans avoir forcément les compétences en interne pour le piloter et la certitude de ne pas avoir d’investissement massif à réaliser au départ. « Il m’a finalement fallu deux mois et demi et de nombreux rendez-vous et entretiens, parfois avec plusieurs interlocuteurs, pour… ne pas réellement trouver chaussure à mon pied, souligne M. Bianco, qui conclut : Ce que tout le monde appelle du cloud se résume, pour l’instant, à du private service management. »

Incisif, il déplore que la grande majorité des PME-PMI ne trouve pas son compte dans les offres actuelles. « La plupart des fournisseurs veulent externaliser pour les banques et leur offre va vers un haut degré de sécurité, qui se paye ! La segmentation des offres n’existe pas encore. » Le marché manque donc peut-être de maturité afin de bien apprécier les besoins d’une clientèle qui ne se résume pas au seul secteur financier. Entre l’utilisateur final et les structures bancaires et financières qui ont des problématiques spécifiques, il y a tout un segment d’entreprises, petites ou moyennes, qui représente une grande part du tissu économique luxembourgeois.

Excellium en fait partie : « Nous ne souhaitons pas transférer l’ensemble de notre IT dans le cloud mais plus généralement les commodités de l’IT. Le deuxième point important pour notre société est de trouver une plateforme qui puisse encaisser des pics d’activité, une capacité de traitement anormale par rapport au traitement moyen, sans devoir choisir une infrastructure qui, la majeure partie du temps, sera surdimensionnée par rapport à nos besoins standards. Et donc sera trop chère. » L’idéal serait une solution intermédiaire, pour profiter d’une infrastructure de cloud computing intégrant la messagerie et une partie du CRM et se charger du reste en interne. « Pour une offre actuelle complète, il faut compter annuellement entre 50 et 60.000 euros. Une PME doit pouvoir transformer l’investissement en frais opérationnels. Nous ne sommes pas prêts à mettre une telle somme pour un service de cloud ». Pour jouir d’une telle offre, l’entreprise doit avoir une certaine taille critique.

Des offres parfois inaudibles

Pour une PME, il pourrait être tentant d’acheter quelques serveurs, de gérer son IT en interne, quitte à embaucher un spécialiste dédié. Mais avec les risques que cela comprend. Christophe Bianco enfonce le clou : « La plupart des fournisseurs demandent un délai minimum de quatre semaines pour construire l’offre. Pour ma part, l’intérêt du cloud réside dans la prédiction et la mensualisation des coûts mais aussi la prédictibilité et la rapidité d’intégration. Quatre semaines ! Le délai est bien trop long. »

Issu du monde IT (il a notamment travaillé pour les sociétés Ubizen puis Qualys), Christophe Bianco part avec un atout indéniable lors de la phase de négociations : il comprend le langage des fournisseurs de solutions. « Mais si j’étais le patron d’une structure modeste dont l’activité n’est en rien liée à l’ICT, et donc sans connaissances particulières en la matière, il serait difficile de discuter avec des fournisseurs qui emploient souvent un discours de technicien pour des techniciens. »

Le langage, en plus d’être très technique, peut aussi souffrir des balbutiements propres à un jeune marché encore mal maîtrisé.

Les fournisseurs et les clients marchent à tâtons. Et quand les deux parties ne sont pas en phase, l’emploi de poudre aux yeux est une alternative facile. « Certains fournisseurs m’ont demandé mes besoins en termes de giga ou de CPU (central processing unit). Or, c’est à eux, en fonction de mes besoins réels, d’estimer la puissance nécessaire. Et non l’inverse. D’autres parlent, de data centres de type Tier IV. Très bien. Mais qu’est-ce que ce niveau de performance pour un non spécialiste, et en a-t-il réellement la nécessité ? Aujourd’hui, nous avons affaire à des interlocuteurs qui sortent des métiers de l’application. Ils parlent leur jargon, mettent en avant telle ou telle performance, en oubliant qu’en face d’eux, ils n’ont pas forcément un spécialiste IT d’une grande banque de la Place. »

Une suggestion semble s’imposer : que les fournisseurs de solution cloud se tournent davantage vers les entreprises non liées au secteur financier, gagnent en proximité et approchent le cœur de métier des clients avant d’aborder le volet de la technologie de pointe. Le marché y gagnerait en maturité et tout le monde y trouverait son compte. Un rayon de soleil derrière un nuage.