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DGNB, HQE, BREEAM, LEED… Les certifications environnementales dans le secteur de l’immobilier sont nombreuses. Et rares sont les promoteurs à développer des projets qui ne se revendiquent pas d’un tel label. Beaucoup de projets actuellement en cours au Grand-Duché font ainsi l’objet d’une procédure d’obtention d’une labellisation.

« Actuellement, nous travaillons sur 14 projets désireux d’obtenir une reconnaissance  », assure Laurent Rouach, partner sustainability & climate change chez PwC Luxembourg. Toutefois, si elles envahissent le marché, il reste difficile de déterminer ce qu’il y a derrière ces normes, ce qui les distingue ou caractérise. « Chacune des certifications environnementales actuellement sur le marché a ses spécificités, poursuit M. Rouach. Elles sont déterminées par une série de familles de critères, d’indicateurs sous-jacents qu’elles poursuivent, avec des points forts et des points faibles, tant dans la construction que pour l’exploitation / utilisation ou la lourde rénovation. Mais de manière générale, ce ne sont pas les caractéristiques intrinsèques aux normes qui font que l’on va en préférer l’une ou l’autre. C’est souvent une question de culture, de nationalité de la norme, bien que pour des opérations bien spécifiques, il puisse arriver que le choix soit orienté pour des questions de facilité de mise en œuvre, voire de coût. »

Si la norme DGNB est reconnue comme très exigeante, c’est aussi parce qu’elle est détaillée en langue allemande. Un constructeur ou un promoteur d’origine germanique va donc la préférer. Et pour les mêmes raisons, elle sera boudée par les acteurs français ou anglais du secteur. D’un point de vue technique, il est simplement plus facile de mettre en œuvre une norme développée dans la langue que l’on pratique le plus couramment. Mais les motifs de choix d’une norme sont aussi tout autres. Des investisseurs anglais ouvriront plus facilement les cordons de la bourse pour un projet qui ambitionne d’être labellisé BREEAM.

Pérenniser l’investissement

« La norme LEED, d’origine américaine, est particulièrement appréciée des banquiers. Car elle propose des critères clairs dans une grille de lecture, qui leur permettent de mieux comprendre un projet, ses enjeux, ses ambitions. Elle leur offre ainsi la certitude que le projet sera développé selon des critères bien établis et qu’ils connaissent, assure Daniel Hein, directeur général de la société de construction CDC Construction. Le bémol est que cette norme, d’autre part, convient moins aux promoteurs et aux constructeurs, parce qu’elle ne fonctionne pas selon des standards européens. » Le choix d’une norme dépend donc de nombreux critères, qui ne sont pas forcément attachés à un objectif environnemental.

Ces labels, finalement, s’ils garantissent effectivement que le bâtiment répond à des normes « vertes » strictes, s’apparentent surtout à des arguments commerciaux. Pour le locataire ou l’occupant, c’est la garantie de s’installer dans un bâtiment moins énergivore et plus respectueux de l’environnement.
Pour l’investisseur, derrière la norme, on retrouve surtout un souci de pérenniser son investissement. « Demain, les bâtiments qui ne sont pas labellisés auront plus de mal à trouver des preneurs, assure Daniel Hein. Un investisseur ou un locataire n’aura pas de mal à faire un choix, pour le même prix, celui qui est fixé par le marché, entre un immeuble labellisé et un autre qui ne l’est pas. À tel point que les investisseurs, aujourd’hui, pour s’assurer d’une bonne rentabilisation de leur projet immobilier, sont les premiers à exiger qu’il soit labellisé. »

On ne peut pas nier l’aspect marketing qu’il y a derrière ces labels, le souci d’image qu’ont les acteurs qui construisent ou occupent ces immeubles. « De nombreuses sociétés, pour des raisons d’image de responsabilité sociétale, voire pour devancer ou satisfaire les attentes de leurs stakeholders, n’accepteraient jamais de s’installer dans un immeuble qui n’est par certifié durable. Même si cet effet, aujourd’hui important, ne devrait pas perdurer. Il s’estompera au fur et à mesure que les bâtiments durables vont se multiplier », assure Laurent Rouach.

En attendant, ces arguments, parfois bien éloignés des réels enjeux environnementaux, font sourire certains constructeurs, peu convaincus par la pertinence de ces labels. « Nous n’avons pas attendu l’arrivée des normes pour améliorer nos techniques et développer des bâtiments plus performants énergétiquement, explique Paul Feider, directeur administratif, commercial & financier de la société de construction Giorgetti. Nous sommes attentifs aux différents labels qui existent sur le marché, parce qu’on nous demande de travailler avec. Nous les avons tous analysés. On constate que, finalement, la performance énergétique ne représente qu’une partie dans l’évaluation globale d’un bâtiment en vue de l’obtention d’un label. »

Pas que l’énergie

Et on constate que, plus que les matériaux ou les aspects techniques permettant de récupérer de l’énergie, ces labels prennent en compte de nombreux autres aspects qui n’ont pas grand-chose à voir avec la conception même ou les matériaux d’un immeuble, comme son lieu d’implantation, proche ou non de services de transports publics, son orientation...

Selon le directeur administratif de Giorgetti, qui regrette l’absence d’une norme européenne et d’une certaine harmonisation en la matière, ces labels ne sont pas toujours adaptés à la réalité luxembourgeoise. « Aussi, vu l’investissement auquel il faut consentir pour simplement obtenir un label, nous demandons à nos clients de bien réfléchir aux avantages réels de la démarche. Le coût de l’obtention d’un label est récurrent et, la plupart du temps, sous-évalué. S’inscrire dans une démarche d’obtention et de conservation d’un label engendre aussi des frais opérationnels qu’il ne faut pas négliger », explique M. Feider.

Une entreprise qui construirait pour elle-même, par exemple, n’aurait pas forcément d’intérêt à entreprendre de telles démarches. Elle pourrait très bien se contenter d’optimiser l’efficience énergétique de son bâtiment sans avoir à se soucier d’une quelconque certification.

L’intérêt des normes, dans leur multitude, est qu’elles ont permis de sensibiliser les acteurs à divers aspects liés au développement durable. Même si, concrètement, la norme ne fait que sanctionner le fait que l’on s’est inscrit dans une démarche environnementale. « C’est un système d’évaluation. Cela sert donc surtout à communiquer sur ce qu’on fait. Ce n’est pas forcément la norme qui permet d’améliorer les techniques utilisées. Il n’est pas dit que l’on ne serait pas arrivé au même résultat sans les normes que l’on connaît aujour­d’hui », assure Daniel Hein.

« Plus que les labels, c’est la loi luxembourgeoise qui fait que l’on construit plus vert au Luxembourg », poursuit Paul Feider. Au niveau des bâtiments d’habitation, le législateur a introduit un système de classification obligatoire en fonction de leur performance énergétique. Chaque immeuble mis en location ou à la vente doit donc bénéficier d’un passeport énergétique, qui informe le locataire ou le candidat acheteur sur les besoins en énergie du bâtiment. « La loi est assez stricte et exige des constructions de bonnes performances énergétiques. Si bien que, dans l’ensemble, la qualité des constructions au Luxembourg s’est améliorée. Elle est aujourd’hui devenue très élevée », poursuit M. Feider.

Toujours plus haut

« Les certifications, à côté des normes légales, permettent de se préparer aux évolutions réglementaires annoncées, voire d’aller plus loin », explique Laurent Rouach. Les systèmes de labellisation sont évolutifs et « collent » aux avancées tech­niques ou au développement des connaissances. Il est certain que les critères d’évaluation considérés aujourd’hui seront dépassés par rapport à ceux que nous connaîtrons en 2020. Le Grand-Duché a été le témoin par exemple de trois avatars de la BREEAM, sur trois projets emblématiques, chacun plus élaboré que le précédent.

Les labels, donc, poussent les exigences toujours plus loin. À tel point qu’il est parfois difficile, voire impossible, de mettre en œuvre des bâtiments revendiquant le plus haut niveau d’exigence d’une norme. Malgré tout, ils poussent à améliorer la manière d’envisager, de situer, de construire un projet immobilier. « Les techniques évoluent, les normes aussi, explique Daniel Hein. Il faut faire toujours mieux pour répondre à des exigences toujours plus fines, se remettre en question, avoir une longueur d’avance. Parce qu’un bâtiment labellisé au niveau maximal dans son système de certification conservera mieux sa valeur qu’un autre certifié à un niveau inférieur. »

Dans cette logique, il sera toujours possible de faire mieux, d’aller plus loin. « Avec les schémas de certification, c’est toute la chaîne de valeur du secteur de la construction qui est tirée vers le haut. Investisseurs et locataires, promoteurs, constructeurs, doivent s’inscrire dans la démarche, conclut M. Rouach. Il faut prêcher longtemps pour faire comprendre la pertinence de ces outils. Mais petit à petit, l’idée fait son chemin. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à comprendre l’avantage qu’il y a et qu’il y aura à inscrire tout projet immobilier dans une démarche de ce type. »

 

Valideo - Un label Belux

Le Luxembourg est une terre multiculturelle, avec en son sein des influences germaniques, latines, anglo-saxonnes. Ce qui explique la présence d’une multitude de normes environnementales aux origines aussi variées. Un nouveau label est en train, doucement, de se faire une place : Valideo. Le projet immobilier de CDC à Leudelange, qui répond au doux nom d’Elise, et qui accueillera le siège social de l’entreprise de construction, devrait être certifié Valideo. Il s’agit d’un bâtiment à basse consommation d’énergie de 6.500 m2 de bureaux que CDC occupera pour moitié. L’avantage de Valideo est que le système de certification belgo-luxembourgeois veut coller au mieux à la situation locale, aux conditions climatiques, aux données socioéconomiques. Il ne couvre pas seulement l’ensemble des étapes de la vie d’une construction, mais aussi les organisations de la construction. Ce qui en fait, selon ses défenseurs, la démarche la plus complète disponible à ce jour. Elle a surtout le mérite de vouloir faire la synthèse des normes existantes. Reste à la faire adopter par tous les acteurs, du constructeur à l’investisseur…

 


Labels - Qui est quoi ?

Les différents labels environnementaux qui se côtoient sur le marché luxembourgeois ont des origines diverses. Le système de certification DGNB émane d’un organisme du même nom, le Deutsche Gesellschaft für Nachhaltiges Bauen (Conseil allemand pour la construction durable), créé par les principaux acteurs de l’immobilier allemand. Il est réputé pour être particulièrement complet et exigeant. Les bâtiments peuvent être labellisés selon trois niveaux de certification : gold, silver ou bronze. Le label LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) trouve son origine aux États-Unis. Il a été créé par le US Green Building Council. Un bâtiment peut atteindre quatre niveaux de certification : certifié, argent, or et platine. Le BREEAM, pour BRE Environmental Assessment Method, est la méthode d’évaluation de la performance environnementale des bâtiments développée par le Building Research Establishment (BRE), établissement de la recherche en bâtiment britannique. On peut encore citer le label HQE, pour Haute Qualité Environnementale, qui trouve son origine en France.