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Résultat de plus de deux ans de travail mené sous l'égide de CEPROS (Centre d'Etudes PROSpectives) et la direction du professeur Gilbert Mc Neill (Clark University, anciennement directeur de la Chambre de Commerce Américaine à Luxem-bourg), l'étude «Luxembourg Business in the New Digital Economy» avait pour objet d'analyser les caractéristiques de l'économie numérique en rapport avec notre pays. Quelque cent-trente personnes contribuèrent à l'élaboration du rapport et l'évaluation des forces et des faiblesses du Luxembourg face aux défis numériques ainsi que les menaces et les opportunités que ceux-ci présentent pour l'économie luxembourgeoise. L'étude cherchait à faire une synthèse entre, d'une part, des résultats d'enquête et, d'autre part, les changements apportés par les nouvelles technologies au mode de travail des individus et des entreprises, ainsi que les réflexions qui en découlaient. Quatre approches parallèles constituaient donc la méthodologie: 1) recherche sur l'état actuel du développement de la technologie, de l'e-commerce et de l'e-economie; 2) analyse du contexte dans le monde, et au Luxembourg en particulier; 3) enquête socio-économique menée en 1998-1999 auprès d'entreprises luxembourgeoises portant sur leur compréhension des facteurs assurant leur compétitivité et l'impact des technologies de l'information et de la communication; 4) établissement d'un plan décrivant les actions concrètes à entreprendre pour positionner efficacement le Luxembourg dans la nouvelle économie numérique.

Points saillants ressortant

des analyses

Les effets de la numérisation de l'économie gagnent du terrain et révolutionnent notre façon de travailler. Des changements fondamentaux modifient le modèle économique actuel et les répercussions durables sur le mode de fonctionnement des entreprises influenceront leur localisation ainsi que l'emploi des régions. Le Luxembourg a connu une longue période de croissance, qui a atteint plus de 4% sur les 20 dernières années. L'enquête a confirmé que la croissance a été soutenue par des avantages compétitifs significatifs, dont, par rang de priorité accordé par les responsables interrogés, les facteurs socioéconomiques et sociopolitiques tels que stabilité sociale, multilinguisme et multiculturalisme, politique fiscale, environnement légal et environnement politique. La position centrale en Europe est également un facteur important, ainsi que la disponibilité, dans la région, de personnel d'un bon niveau de qualification.

L'économie numérique assènera le plus grand impact au secteur des services puisque les facteurs de compétitivité matériels y sont les moins développés et que la localisation y revêt le moins d'importance.

Les dirigeants sondés révélaient également dans l'enquête leur non-perception des changements induits par le nouveau paradigme, leur conception de l'Internet comme un moyen 'mécanique' de réduire les coûts, leur enthousiasme sur l'usage futur d'Internet, mais leur méconnaissance de ce que cela implique et rapporte, ainsi que la constatation qu'ils ne disposent pas d'éléments suffisants pour décider de leur stratégie internet.

Deux défis majeurs

Le Luxembourg doit faire face à deux défis majeurs:

- Le secteur tertiaire n'est pas suffisamment conscient des changements profonds qu'est en train de subir le modèle économique actuel et des répercussions socio-économiques que cela engendre au niveau mondial.

- Il existe une inadéquation croissante et alarmante entre les qualifications et les coûts de la force de travail.

Pour une transformation rapide du Luxembourg

Le Luxembourg doit agir rapidement et adapter ses points forts actuels au modèle de la nouvelle économie s'il veut éviter de perdre en peu de temps sa position concurrentielle. Pour que le Luxembourg puisse continuer de prospérer, il est indispensable que les compétences-clé qu'il a acquises soient adaptées et transformées en compétences-clé utiles pour évoluer dans la nouvelle économie, tout en développant de nouveaux facteurs de compétitivité. De cette façon, les entreprises existantes arriveront à saisir les opportunités offertes par des marchés en mutation permanente, et de nouvelles activités pourront se développer au Luxembourg. Le diagramme, appelé «blueprint», permet d'expliquer sous forme schématique les transformations à accomplir. Le statut quo serait lourd de conséquences pour l'économie du pays.

Les recommandations

Les groupes de travail ont élaboré plusieurs recommandations estimées nécessaires. Les autorités du pays et les acteurs économiques ont déjà pris un certain nombre de mesures qui appuient ces recommandations. L'étude révèle cependant quelques faiblesses qui doivent être améliorées:

Sensibilisation

Malgré les initiatives déjà existantes, l'impression laissée est celle d'initiatives réalisées en ordre dispersé. Il est indispensable de poursuivre ces actions de sensibilisation mais une meilleure coordination devrait pouvoir être réalisée. Des campagnes de sensibilisation spécifiques devraient pouvoir être dirigées vers des publics précis, tels que les autorités locales, les instituteurs, les PME etc.

Cadre légal

Le cadre légal et réglementaire pour le e-commerce au Luxembourg se met progressivement en place. La nouvelle loi constitue une bonne base pour le développement des activités de commerce électronique. Elle cherche à adresser les questions critiques de confidentialité et de sécurité des transactions, tout en étant en ligne avec les directives européennes. Il y a cependant des possibilités d'améliorations de la loi qui sont détaillées dans le rapport. Ces propositions d'amélioration concernent essentiellement: la nécessité d'un mécanisme permettant une reconnaissance rapide d'un fournisseur de services de certification non-EU; la réduction du nombre de types de e-signatures reconnus; la clarification des conditions de validité des certificats; le renforcement de la confidentialité des fournisseurs de services de certification; les procédures d'arbitrage; l'encouragement à l'autorégulation; éviter des mesures de protection du consommateur additionnelles à celles établies par les directives européennes.

Infrastructure

Pour pouvoir faire du Luxembourg un centre d'excellence en e-activités, il est indispensable que le marché des télécoms continue de s'ouvrir. Les actions suivantes sont recommandées: fournir des accès peu onéreux et à large bande passante à Internet, dans un contexte de concurrence; fournir un cadre pour les opérateurs en télécommunications leur permettant de se connecter directement à leurs réseaux mondiaux de Télécoms; autoriser et aider les firmes de Télécoms à développer leurs réseaux de câbles en fibre optique au Luxembourg.

Organisation du secteur

et promotion

Il n'y a pas au Luxembourg de Task Force sur l'économie numérique (comme en Irlande depuis longtemps) regroupant des professionnels du monde des affaires, du gouvernement et d'autres partenaires sociaux, dont le but serait de développer des plans d'actions et de contrôler la mise en oeuvre de ces derniers. (Peut-être que l'APSI pourra assumer ce rôle?). Il manque une Association luxembourgeoise de l'Industrie des Nouveaux Medias qui soit vraiment représentative. Il n'y a pas encore de Bureau de Promotion de la Société de l'Information, qui constituerait une seule et unique étape pour les investisseurs, et qui pourrait soutenir le développement à l'étranger de centres luxembourgeois de nouveaux médias. Il y aurait aussi lieu de promouvoir le Luxembourg comme portail multilingue et multiculturel européen pour les nouveaux médias, les TIC et l'e-commerce. Il serait aussi utile d'augmenter les ressources pour les sociétés actuelles promouvant le développement des nouveaux médias, des TIC et l'e-commerce (Mediaport, Technoport, Film Fund Luxembourg?).

Éducation supérieure et recherche (privée et publique)

L'étude propose la création d'un centre accrédité d'études post-universitaires dans le secteur des nouveaux médias et des TIC, combiné avec un centre de Recherche et de Développement dans les nouveaux médias et les TIC, en partenariat avec des figures de proue internationales du milieu des affaires et du milieu académique, en faisant appel à des chercheurs mondialement connus pour gérer le projet. De plus, des programmes professionnels et de formation continue pour soutenir les activités dans les nouveaux médias et les TIC seraient souhaitables. Le Luxembourg pourrait envisager l'établissement d'une e-université, académiquement accréditée, en partenariat avec le monde des affaires et des institutions académiques les plus reconnues afin de développer un foyer international d'éducation à distance.

Internet à l'école

Des cours obligatoires de formation et d'usage d'Internet dans les écoles primaires et secondaires devraient être introduits, et le développement de la formation des professeurs dans l'e-culture et l'usage des nouvelles technologies s'impose.

e-Gouvernement

Une e-administration facile d'accès tant pour les citoyens que pour les entreprises augmenterait la productivité en réduisant les déplacements. Il serait utile d'accéder en-ligne par exemple à des licences d'exploitation, des enquêtes commodo/incommodo, des autorisations de secteur financier, etc. De même, des déclarations d'impôts ou de TVA devraient pouvoir être remplies en-ligne.

e-Brains

La culture du travail dans les entreprises Internet est très différente de celle des entreprises «traditionnelles». Pour les encourager à s'installer au Luxembourg, il faudrait: leur permettre de fonctionner de façon très flexible et donc d'adapter pour elles la législation du travail; simplifier les régimes d'immigration et de permis de travail pour des ressortissants non-UE e-qualifiés afin d'attirer les compétences nécessaires à Luxembourg; développer des systèmes de sécurité sociale et des règles de travail flexibles pour des travailleurs et chercheurs temporaires.

Luxembourg plate-forme

d'e-activités

Quelques idées présentant un potentiel important pour l'économie luxembourgeoise et les e-activités émergent de l'étude:

- Développer des activités de back-office pour le e-commerce international, incluant le clearing (notamment des taxes perçues), la redistribution vers les autorités nationales, et d'autres activités de support;

- S'appuyer sur les activités existantes pour créer une industrie de contenu multilingue (autour des institutions européennes), des activités de formation et d'éducation (avec le support de groupes tels que CLT-UFA, et les producteurs cinématographiques), et des entreprises de pointe dans les domaines des technologies Télécoms et Multimédias (auprès de compagnies telles que SES-ASTRA).

- Développer le Findel en centre multimodal de transport et de distribution pour les biens tangibles, complété par des centres d'e-commerce pour l'implémentation des commandes. Un tel n'ud de distribution, air-rail-route, aurait le pouvoir d'attirer des activités manufacturières et de services vers la Grande Région. L'établissement de magasins automatisés dédiés aux technologies «pick and ship» d'envoi de petites quantités vers les consommateurs finaux peut attirer des entreprises de vente par catalogue. Un complexe d'entrepôts automatisés présenterait des attraits pour des distributeurs de petite ou moyenne dimension en réduisant les coûts de stockage et de distribution.

- Développer les activités e-commerce financières. Ces activités pourraient comprendre les versions électroniques des activités bancaires, d'assurances et de réassurance, ainsi que de gestion des fonds d'investissement.

- Appuyer ces activités sur la création et le développement d'un centre de compétences en certification digitale, se basant sur les acquis de confidentialité et de secret bancaire (en cours).

- Appuyer la création d'un n'ud en e-business sur les compétences spécifiques du Luxembourg dans les autres secteurs de l'économie, comme celui des métaux, de l'ingénierie, des communications pour établir des plates-formes de marché électronique (en cours, Arbed, etc.?)

Financement

Une infrastructure adéquate permettant d'attirer les capitaux-risques internationaux, ainsi que l'accès facilité aux capitaux-risques et des packages financiers attractifs aux investisseurs seraient souhaitables.

Le groupe CEPROS, qui a lancé en 1998 un programme de recherche traitant le Luxembourg dans la société globale de l'information du XXIe siècle, entend poursuivre la réflexion à travers une série d'études sur le même thème. L'étude peut être téléchargé à partir du site www.nmg.lu, rubrique «Zoom sur».