Odette Wagener (ILR). (Photo: Olivier Minaire)

Odette Wagener (ILR). (Photo: Olivier Minaire)

Au moment de sa création en 1997, l’Institut Luxembourgeois de Régulation (ILR), précédemment intitulé Institut Luxembourgeois des Télécommunications (ILT) poursuivit la mise en œuvre de la deuxième licence GSM et entama les premiers contacts avec l’Entreprise des Postes et Télécommunications (EPT) qui devait abandonner son monopole pour mettre en place les modalités techniques, opérationnelles et tarifaires, afin de permettre à ses concurrents, appelés «opérateurs alternatifs», de démarrer leurs activités.

Dans le domaine des télécommunications, il est essentiel qu’un abonné puisse joindre tout autre abonné, même si les deux ne sont pas desservis par le même opérateur. Il est donc indispensable que les opérateurs interconnectent leurs infrastructures afin de rendre possible la communication de bout en bout.

Si dans les premières années l’activité de l’ILR était encore largement dominée par la téléphonie fixe et mobile, l’introduction en 2001 du dégroupage de la boucle locale (la possibilité pour un opérateur alternatif d’utiliser une ligne en cuivre de l’EPT pour desservir son client) rajoutait un nouveau chantier de taille. De nouvelles procédures opérationnelles et des méthodes tarifaires ont dû être mises en place. La rapidité des innovations techniques du réseau conduit à une évolution permanente qui rend difficile la clôture des «offres de référence» que l’EPT doit soumettre aux opérateurs alternatifs.

Pourquoi l’EPT doit-elle offrir l’accès à son réseau aux concurrents? L’idée est que l’EPT, qui a pu développer une situation confortable de monopole avant l’introduction de la concurrence dans le secteur des télécommunications, dispose d’une infrastructure à couverture universelle qu’il n’est pas possible de répliquer dans un délai raisonnable et à des coûts économiquement justifiables. La législation de 1997 obligeait donc tout «opérateur important sur le marché» d’assurer l’accès à ses réseaux et services.

Le critère de «l’importance sur le marché» était assez simple; un opérateur qui détenait plus de 50% du marché était d’office considéré comme étant important. Ainsi, l’EPT était soumise à une série d’obligations, dont notamment la publication d’une offre de référence servant de base aux opérateurs alternatifs pour négocier l’accès.

Des marchés évolutifs

La situation a changé en 2005 suite à la transposition des directives européennes du deuxième «paquet télécoms». En effet, les régulateurs de chaque Etat membre de l’Union européenne doivent à présent procéder à des analyses de marchés. La Commission européenne a défini au total 18 marchés (le 3e paquet télécoms transposé en 2010 réduit ce nombre à sept marchés) qui font partie du secteur des communications électroniques. On distingue par exemple «le marché de l’origine d’appel» et «le marché de la terminaison d’appel».

Pour chacun de ces marchés retenus, une analyse de marché, avec délimitation précise en termes de géographie et de produit, devra déterminer si le marché en question est concurrentiel ou non. En l’absence d’une situation de concurrence suffisante, une évaluation de chacun des opérateurs actifs sur ce marché est à réaliser pour déterminer les acteurs puissants. Ces derniers peuvent se voir imposer des «remèdes», donc des obligations spécifiques d’accès, de transparence, de non-discrimination, de contrôle de prix, etc.

Le recours à des analyses de marchés, tel qu’introduit en 2005, rend la régulation à la fois plus flexible et plus complexe qu’en 1997. L’analyse des marchés n’est pas figée mais fait face à des changements permanents dans un laps de temps rapproché. Alors que la législation de 1997 ne laissait pas de place à une appréciation juridique, la législation actuelle basée sur l’analyse des marchés, au contraire, fait appel à un large travail d’appréciation d’une situation donnée et, par la suite, à la définition des remèdes à mettre en place.

A l’heure actuelle, le grand défi réside dans les marchés de l’accès aux services à haut débit et à l’infrastructure; en conséquence une nouvelle série d’analyses de marchés vient d’être lancée. L’introduction généralisée de la fibre optique rend nécessaire une révision de la réglementation actuelle qui se limite encore à l’accès aux paires de cuivre.

Sur base des nouvelles analyses de marchés, il sera donc décidé lesquels parmi les opérateurs sont puissants sur le marché et se verront imposer des «remèdes» pour permettre à d’autres opérateurs de les concurrencer. Un encadrement à l’évolution du marché vers l’accès très haut débit sera mis en place par les règlements que l’Institut adoptera à l’issue des analyses de marchés.

C’est précisément dans le domaine du très haut débit et du réseau «tout fibre optique» que l’Institut entend désormais concentrer ses efforts. Au vu de la stratégie «ultra haut débit» publiée par le gouvernement, le développement des réseaux optiques va s’accélérer. Alors que l’accès, et plus particulièrement le dégroupage, est actuellement limité aux réseaux en paires de cuivre, la réglementation devra évoluer pour tenir compte de la nouvelle situation.

Il convient, notamment, de mettre en place des procédures de coordination des travaux de génie civil (pose de fourreaux et de câbles, construction de regards, etc.) et d’évaluer la nécessité de pousser davantage le partage de fourreaux et de gaines existantes et l’accès physique à la fibre optique par des opérateurs tiers.

Comme le montrent les exemples ci-avant, l’Institut intervient sur le fonctionnement des marchés de gros, donc entre opérateurs. Sa vocation n’est pas de réguler les marchés de détail, c’est-à-dire les marchés des produits et services proposés aux clients finaux, mais d’organiser les marchés de gros de façon à mettre les opérateurs en mesure de se concurrencer sur les marchés de détail.

A priori, il n’est donc pas suffisant d’imposer à un opérateur «puissant sur le marché» de permettre à un autre opérateur de revendre ses services, mais il devra également fournir un accès à ses infrastructures permettant à tout opérateur de créer de nouveaux produits ou services, c’est-à-dire d’offrir ses propres services au client final. C’est au niveau de la diversité des produits et services que la concurrence sera activée et l’innovation stimulée avec comme résultat d’offrir un large éventail de choix au consommateur final.

Outre l’accès haut débit par les réseaux câblés, le secteur du haut débit mobile se développe également. Par l’arrivée sur le marché des portables multifonctions (smartphones), le volume de données transmises s’est largement multiplié. La prochaine génération de technologie (LTE) dans de nouvelles bandes de fréquences sera nécessaire pour pouvoir combler les nouveaux besoins en bande passante. L’Institut sera donc amené à suivre de près l’évolution dans ce secteur pour rendre accessible les bandes de fréquences adéquates à des conditions appropriées. On peut anticiper une évolution des réseaux mobiles actuels de la deuxième et troisième génération vers des réseaux mobiles de quatrième génération offrant des débits dépassant les 100 Mb/s.

Il est à prévoir que d’ici quelques années le «haut débit» sera omniprésent et constituera un élément clé pour le développement de l’économie en général et le secteur ITC en particulier.

 

L’ILR, c’est quoi?
L’Institut Luxembourgeois de Régulation, créé en 1997 sous forme d’un établissement public indépendant, est l’autorité de régulation de plusieurs secteurs économiques au Luxembourg. Comme acteur dans la construction du marché intérieur, sa mission de régulation est d’assurer et de superviser, dans l’intérêt du consommateur, le bon fonctionnement des marchés sur base d’une concurrence effective et durable, tout en garantissant un service universel de base. Ainsi, l’objectif dans le secteur des communications électroniques (télécoms) consiste dans la création d’un environ­nement concurrentiel par la mise en place d’une réglementation de l’accès aux réseaux des communications électro­niques et aux ressources associées.

Dans les secteurs de l’électricité et du gaz naturel, l’Institut veille à un accès transparent et non discriminatoire aux réseaux, afin de permettre à tout consommateur de s’approvisionner auprès du fournisseur de son choix. En matière de services postaux, l’Institut est, notamment, en charge du contrôle de qualité et de l’approbation des prix du premier échelon de poids pour l’envoi de lettres standard. Des fonctionnaires assermentés assurent la gestion des «rebuts», donc des envois que les prestataires de services ont déclarés comme «non distribuables».

Dans le secteur des fréquences radio­électriques, l’Institut assure, pour le compte du ministre, la coordination internationale du spectre, prépare les licences et veille à leur respect. Cette coordination internationale représente un volet d’activités important compte tenu de sa dimension mondiale. Enfin, par la loi du 3 août 2010 sur la régulation du marché ferroviaire, l’Institut se voit confier la régulation d’accès au réseau ferroviaire ainsi que les questions tarifaires y relatives.