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Qu’il est loin le temps où les data centers étaient perçus et vendus pour leur «hardware», soit des racks informatiques et autant d’espaces de stockage. Devenus des fournisseurs de services à part entière, bien au-delà de l’hébergement, ils disposent d’un retour d’expérience plutôt encourageant des acteurs qui ont franchi la frontière luxembourgeoise en raison de leur attrait.

«Quand on prend l’habitude, on ne veut plus et on ne peut plus changer!», lance Guillaume Delannoy, CEO de Soho Media Solutions, société spécialisée dans le traitement des données sportives en temps réel. Active au Luxembourg depuis 2003, après une création en 2000 à Metz, elle emploie une dizaine de personnes. Son arrivée au Luxembourg correspond à la phase d’internationalisation de son activité, en particulier vers le marché nord-américain où les premiers résultats se font sentir.

Le gain de productivité est immédiat.

Guillaume DelannoyGuillaume Delannoy, CEO (Soho Media Solutions)

«Il est difficile, voire impossible, de trouver un autre pays qui met à disposition autant de data centers de Tier IV pour ces prix-là et à cette qualité-là», indique Guillaume Delannoy. Comparé aux autres pays et même aux acteurs américains, le Luxembourg joue donc dans une catégorie d’excellence au niveau mondial, ce qui permet aux PME d’optimiser leurs ressources.

«Le gain de productivité est immédiat dans la mesure où nous pouvons nous concentrer sur notre cœur de métier et ne plus devoir gérer l’infrastructure, ajoute-t-il. On oublie complètement cet aspect qui fonctionne.»

Nous devons nous concentrer sur la couche de haute qualité.

Gilles FeithGilles Feith, Directeur (CTIE)

«Les data centers Tier IV constituent un pôle d’excellence inégalé, déclare Gilles Feith, directeur du Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE). De par la taille du pays, nous ne pouvons pas offrir des services de moyenne gamme. Nous devons nous concentrer sur la couche de haute qualité et de services à valeur ajoutée, comme le cloud sécurisé privé.»

Le secteur financier demeure parmi les cibles naturelles, mais le «coffre-fort virtuel» qu’est devenu le Luxembourg grâce aux investissements publics ainsi que la croissance du know-how dans le secteur privé a aussi séduit dans d’autres domaines manipulant de l’information sensible. À l’instar de la santé.

«Les data centers constituent la couche de base de notre infrastructure sans laquelle il est difficile d’être convaincants à l’international, ajoute Gilles Feith. En ayant investi dans les interconnexions avec les grandes villes européennes ainsi que dans des infrastructures figurant parmi les plus redondantes au monde, le Luxembourg a créé un effet boule de neige vertueux.»

Nous avons choisi le Luxembourg en raison de la qualité de son offre.

Eleni PostantziEleni Postantzi, Systems and operations team leader (Eurid)

Un effet positif rendu possible grâce à une offre globale, de la connectivité aux data centers en passant par les intégrateurs, mais qui reste peu connue à l’international, à en croire l’exemple d’Eurid, l’asbl gérant le nom de domaine .eu. L’asbl a choisi le Luxembourg pour poursuivre le développement de ses services, avec une extension en cyrillique depuis le 1er juin et la grecque envisagée d’ici à la fin de l’année.

«Nous avions mené une étude pour voir vers quels data centers nous diriger. L’un des prérequis était de ne pas être dans le même pays que celui où se trouve notre data center primaire, explique Eleni Postantzi, systems & operations team leader chez Eurid. Outre ce critère de distance, nous avons choisi le Luxembourg en raison de la qualité de son offre, mais aussi des aspects connexes qui deviennent déterminants, comme l’électricité, ou des services complémentaires.»

Un package qui se complète par une approche individualisée et une application des normes saluées par les acteurs rencontrés. «Être certifié est une chose, mais appliquer les principes des normes selon des procédures tangibles en est une autre», ajoute Eleni Postantzi.

À la recherche des ressources…

Des services qui doivent logiquement être prestés par une main-d’œuvre qualifiée et formée… mais plutôt rare.

L’industrie change rapidement.

Eleni PostantziEleni Postantzi, Systems and operations team leader (Eurid)

«Même sur Bruxelles, il est difficile de trouver le bon profil pour gérer les systèmes tels que nous les déployons, ajoute Eleni Postantzi. L’industrie change rapidement. Beaucoup de personnes n’ont qu’une connaissance superficielle de certains aspects techniques.»

Attirer les ressources, en former sur place pour former un pool d’e-skills sur le long terme… L’agenda est ambitieux côté luxembourgeois. Un volet éducatif qui fait partie des priorités de Digital Lëtzebuerg, la stratégie nationale transversale du gouvernement en faveur de l’ICT. Des actions concrètes ont par ailleurs vu le jour avec succès, comme la formation WebForce3 qui vient de remettre ses premiers diplômes.

Nous devons miser sur la concentration des acteurs afin de proposer des services à valeur ajoutée et de construire le pôle de compétence digitale en Europe.

Gilles FeithGilles Feith, Directeur (CTIE)

«Cela se construit sur le long terme, dans une industrie qui change constamment, ce qui rend difficile l’attraction des bonnes ressources, ajoute Gilles Feith. Les acteurs de la recherche ont aussi un rôle important à jouer. Nous devons miser sur la concentration des acteurs, comme nous l’avons fait dans le secteur financier, afin de proposer des services à valeur ajoutée et de construire le pôle de compétence digitale en Europe.»

… et des investisseurs

«Le Luxembourg pourrait devenir la Silicon Valley européenne, lance Guillaume Delannoy. Il manque en revanche un mouvement en faveur des investisseurs pour faciliter l’investissement.»

Le Luxembourg pourrait devenir la Silicon Valley européenne.

Guillaume DelannoyGuillaume Delannoy, CEO (Soho Media Solutions)

Une demande qui est adressée régulièrement au gouvernement, mais qui n’avait pas été prise en compte, à ce stade, dans la réforme fiscale. De plus en plus complet, l’écosystème de l’ICT, dans lequel s’ingèrent les data centers, présente d’ores et déjà des opportunités de collaboration entre sociétés. À l’instar du secteur financier ou d’autres, les acteurs auront intérêt à avancer vers les mêmes objectifs et à faire jouer l’effet de Place, ce qui n’enlève en rien la compétition et l’émulation entre acteurs, un indicateur-clé pour un marché dynamique.