Les points de vente, au design travaillé, se veulent aussi lieux d'expérience et d'initiation pour les clients. (Photo: Jessica Theis)

Les points de vente, au design travaillé, se veulent aussi lieux d'expérience et d'initiation pour les clients. (Photo: Jessica Theis)

T éléphone portable puis smartphone, ces engins technologiques toujours plus sophistiqués ont pris une place prépondérante dans la vie quotidienne de nombreux consommateurs. Signe des temps et des habitudes des utilisateurs, les vœux de la nouvelle année via l’internet mobile ont eu le vent en poupe. Post Luxembourg enregistrait ainsi une baisse de 13% des SMS par rapport à l’année précédente et déclarait que «la baisse du nombre de SMS observée a été contrebalancée par une véritable explosion du trafic data avec 8,3 térabytes de données échangés tous réseaux confondus, soit 48% de plus qu’il y a un an». C’est dans ce marché en permanente évolution que trois entrepreneurs ont choisi de se lancer un nouveau défi sous le nom de Join Experience. Un nouvel opérateur téléphonique dont la concrétisation est le fruit de Pascal Koster, Frank Fischer et Claude Lüscher, plutôt au fait du secteur d’activité dans lequel ils ont investi (voir encadré page 79). Des premières annonces en novembre dernier au lancement officiel le 23 janvier 2014, Join Experience aura développé son offre commerciale sur un axe aussi simple qu’accessible à une cible relativement large: proposer aux clients – particuliers et professionnels – un tarif voix et données unique en Europe, quel que soit le pays où ils se trouvent. «Il existe beaucoup d’opérateurs internationaux présents dans bon nombre de pays. Mais aucun opérateur européen n’existe. Chaque entité est totalement autonome, juridiquement et technologiquement, avec des systèmes de facturation différents pour tous. Mettre en place une telle tarification unique serait hors de prix pour eux», expliquait Frank Fischer, l’un des trois managing partners, à paperJam.lu lors de la présentation officielle du réseau.

Partenariats importants

Démarrer d’une feuille blanche donne une certaine latitude, mais surtout l’obligation de faire les bons choix pour disposer de la technologique suffisante. Basant son approche sur la 4G, le réseau mobile de nouvelle génération, Join Experience a pu compter, dès ses débuts, sur le soutien de l’opérateur étatique Post Luxembourg. L’acteur historique en matière de télécoms a d’ailleurs effectué une prise de participation de 50% via sa filiale P&T Capital dans la société. «L’intérêt pour Post Luxembourg de s’associer à Join Experience se situe indéniablement au niveau des ambitions internationales de la start-up», déclare Claude Strasser, directeur général de Post Luxembourg. À mi-chemin entre l’opérateur alternatif et l’acteur étatique, Join Experience présente donc un business case intéressant. Pour les trois dirigeants de la société, la présence d’un actionnaire de référence est une belle carte de visite. Pour Post Luxembourg, si l’aventure s’avère concluante, elle pourrait lui permettre de conquérir de nouveaux clients en sortant des frontières d’un Luxembourg très bien desservi. À peine les trois magasins fraîchement inaugurés au Luxembourg, dont un place Guillaume II, les perceptives de Join sont d’ores et déjà orientées vers les voisins proches.

Sept magasins sont annoncés en Belgique et une vingtaine de commerciaux «directs» sillonnera les deux pays. «Ces magasins ne seront pas de simples points de vente, mais de véritables espaces d’expérience, d’initiation, de découverte des derniers produits et services IT où les visiteurs peuvent profiter du service client et du centre de formation», détaille-t-on du côté de Join Experience.

Déterminant pour l’entreprise, le choix des infrastructures est aussi passé par des partenariats stratégiques dans l’optique d’une convergence télécommunications/IT. Tant au Luxembourg qu’à l’étranger. Du côté de l’hébergement des données on retrouve une autre filiale de Post Luxembourg aux ambitions paneuropéennes: eBRC et ses data centers. Michel Greco, dans le même giron, assurera la livraison des cartes ou terminaux. Reste que Join Experience est allé frapper à la porte de géants répandus mondialement pour des solutions et du matériel physique. Ericsson (pour une partie de l’infrastructure) et le groupe chinois ZTE, 4e fournisseur mondial de solutions de télécommunications et 3e fabricant mondial de terminaux mobiles ont donc accepté de se joindre à ce pari. Pour les services de cloud, Join a opté pour un partenariat avec Luxcloud. «Le cloud constitue évidemment une des conditions nécessaires à notre développement, indique Claude Lüscher. Avec la 4G, on peut bénéficier des facilités du cloud y compris hors de son domicile ou de son bureau. Cela concerne tout autant les PME que les familles qui fonctionnent, d’une certaine façon, comme une petite entreprise en matière de gestion, de sécurité et de partage des données.» La stratégie dessinée, les briques assemblées, l’heure est à la conquête des clients locaux, mais aussi en Grande Région, campagne de communication massive à l’appui. «Nous visons 200.000 clients dans la Grande Région d’ici à quatre ans, ce qui est très raisonnable quand on sait qu’il y a 10 millions d’habitants, indique M. Koster. Sans compter les fournisseurs, nous avons déjà une centaine de personnes qui travaillent pour nous, dont une cinquantaine en direct, une trentaine sur Bruxelles et une vingtaine pour le développement de la plateforme ZTE. Nous avons prévu quelque 200 recrutements d’ici à la fin de l’année.»

En matière de communication, l’opérateur veut s’adresser de manière simple aux particuliers et aux entreprises, notamment via un site internet épuré. Le premier abonnement qui y est présenté pour les particuliers – faiblement consommateurs – coûte 9,95 euros par mois (4G inclus, 100 min d’appels, 100 SMS, 100 MB). Au Luxembourg, l’abonné recevra un numéro «671». Pour marquer son encrage, Join veut proposer des numéros belges rapidement. Il en sera de même dans une seconde étape en Allemagne et en France. «Nous sommes très contents des réactions très positives aussi bien des particuliers que des sociétés, déclare Pascal Koster. Les clients sont très bien renseignés et comprennent très vite l’intérêt d’une offre telle que lancée par Join, pour les locaux et les frontaliers. Nous avons reçu beaucoup de demandes de la part des sociétés et les ventes sont au-dessus de nos espérances et de notre business plan.»

Marchés sans frontières

Les ambitions de Join interviennent à un moment particulier pour le marché des télécommunications en Europe. Morcelé et présentant une multitude d’acteurs en fonction des pays, celui-ci devrait tendre davantage vers un marché unique. C’est en tout cas le souhait de la Commission européenne qui a présenté une version actualisée de son «paquet télécom» en septembre 2013 et censé entrer en vigueur en juillet 2014, même si l’Orece (Organe des régulateurs européens de communications électroniques) ne le voit pas d’un bon œil. «L’objectif de cette réforme est de réduire la fragmentation du marché, de supprimer les frais d’itinérance (roaming) et de mieux protéger la neutralité des réseaux vis-à-vis des contenus. La Commission européenne semble donc y voir un moyen de favoriser la consolidation du secteur afin de résister à la concurrence mondiale», déclaraient récemment Olivier Lemaire, Telecom, Media and Technology (TMT) industry leader, et Anthony Cannella, manager TMT chez EY dans un avis d’expert partagé sur paperJam.lu. Comparée au marché américain où seuls deux opérateurs se partagent une importante clientèle et donc peuvent faire jouer des économies d’échelle, l’Europe apparaît en effet bien morcelée. En supprimant les revenus liés au roaming, la Commission risquerait de priver les opérateurs d’une manne financière non négligeable et nécessaire pour réaliser les investissements technologiques qu’impose l’évolution de la communication mobile. «Les opérateurs doivent se réinventer pour trouver de nouvelles sources de revenus à travers des solutions innovantes telles que le ‘machine to machine’, le payement mobile…», ajoutaient les spécialistes d’EY. Si l’émergence d’un marché unique prend, quoi qu’il arrive, un certain nombre d’années, il a déjà en réalité débuté. La carte d’identité des opérateurs alternatifs luxembourgeois en est l’une des illustrations. Tango, Orange et désormais Join Experience se sont tous rapprochés ou ont été rachetés par des opérateurs plus importants pour bénéficier de synergie et suivre leurs clients par-delà les frontières. Quel rôle pourra jouer le Luxembourg dans ce marché? Encore trop tôt pour le dire. Mais l’expérience de Join pourrait être révélatrice d’une évolution, tout en sachant que l’opérateur devra forcément trouver des sources de revenus complémentaires au roaming appelé à diminuer inexorablement. Une nouvelle aventure entrepreneuriale luxembourgeoise ne peut qu’être saluée dans la période que nous traversons, gageons qu’elle se place dans la lignée de la conquête des ondes opérée par des autres opérateurs prestigieux dans leur domaine que sont SES et RTL.