Richard Ledain Santiago, counsel auprès 
de Allen & Overy (Photo: Allen & Overy)

Richard Ledain Santiago, counsel auprès 
de Allen & Overy (Photo: Allen & Overy)

Maître Ledain Santiago, quelle est la forme de la société en commandite spéciale?

«Si le Luxembourg connaît de longue date des structures de type commandite, la loi du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs a procédé à une refonte de leur régime, et en a introduit une forme sans personnalité juridique: la société en commandite spéciale. Cette réforme tend avant tout à renforcer le positionnement de la Place comme destination privilégiée pour les promoteurs de fonds alternatifs, en la dotant d’outils à la fois flexibles et à la sécurité juridique accrue. L’idée est de lui permettre de rivaliser avec les juridictions de common law offrant aux acteurs économiques des structures de type partnership, elles aussi fort attractives.

Loin d’être un simple effet d’annonce, la loi fait la part belle à la liberté contractuelle en contenant au minimum les dispositions impératives, offrant ainsi aux associés une forte latitude dans la détermination des règles applicables à la société tant en termes de gouvernance, que de régulation des transferts de parts ou encore de distributions. L’on relèvera plus particulièrement la faculté de s’écarter de la règle jusqu’alors immuable d’un droit de vote par titre, ou encore la possibilité d’exclure un associé contre son gré. Les implications pratiques se manifestent également sur le plan fiscal, où les possibles neutralité et transparence fiscale devraient retenir l’attention des investisseurs.

La nouvelle liberté contractuelle qui en découle a-t-elle un impact sur la confidentialité des accords entre investisseurs?

«En consacrant expressément une liberté contractuelle accrue, le législateur luxembourgeois a avant tout souhaité introduire un degré de souplesse supplémentaire dans le fonctionnement des sociétés en commandite, afin d’en accroître l’attractivité pour les acteurs internationaux en se basant sur le modèle anglo-saxon. Cette contractualisation des règles gouvernant la vie sociale s’est naturellement accompagnée d’une diminution sensible des dispositions légales de nature impérative. Les statuts des commandites luxembourgeoises, dans leur millésime 2013, peuvent désormais contenir des stipulations, parfois même innovantes, compte tenu de la régulation relativement légère applicable à ces dernières, qui auraient auparavant été cantonnées à la sphère extrastatutaire, favorisant par là même leur opposabilité aux tiers.

Quoi qu’il en soit, les associés de sociétés en commandite, à l’exception des commandites par actions, pourront continuer à limiter comme par le passé la communication d’informations sensibles au public, notamment concernant les arrangements de nature politique ou financière, du fait que l’article 8 de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, telle que modifiée, imposant la publication intégrale de certains actes, ne fait pas mention de ces dernières. Lorsqu’elle est souhaitée, la confidentialité des accords entre investisseurs sera ainsi préservée.

Cette réforme affecte-t-elle le recours aux pactes d’actionnaires au Luxembourg?

«On l’a dit, la modernisation du droit luxembourgeois des sociétés en commandite fait entrer une dimension contractuelle additionnelle dans la sphère sociétaire. Là où les investisseurs devaient traditionnellement avoir recours à des accords externes de type pacte d’actionnaires, les nouvelles commandites permettent désormais aux associés d’inclure directement dans la documentation sociale certaines stipulations ayant pour vocation directe de régir leur interaction au sein de la structure. La souplesse du régime juridique permet en outre de faire preuve d’inventivité, autorisant ainsi les associés à s’écarter des règles légales supplétives afin d’adapter les spécificités de l’entité concernée aux besoins de la transaction projetée.

À la vérité, loin de le reléguer au rang d’antiquité, la loi de 2013 ne fait qu’introduire une alternative au pacte d’actionnaires, lequel demeurera largement utilisé à des fins tant de souplesse que de confidentialité dans des structures de type société anonyme, société en commandite par actions ou société à responsabilité limitée, du fait de l’obligation légale pesant sur ces dernières de publier intégralement leurs statuts. En ce sens, la nature du pacte d’actionnaires n’aura subi aucune altération post-loi de 2013, son utilité subsistant et son utilisation demeurant fréquente au Luxembourg, où l’on peut du reste tout à fait envisager qu’il vienne s’intégrer à, voire compléter, une structure de type commandite.»