Damien Petit, head of Portfolio Management à la Banque de Luxembourg. (Photo: Banque de Luxembourg)

Damien Petit, head of Portfolio Management à la Banque de Luxembourg. (Photo: Banque de Luxembourg)

Fin septembre à Alger, les membres de l’Opep – Organisation des pays exportateurs de pétrole – ont surpris les marchés, concluant un accord-cadre visant à réintroduire un plafond sur la production du cartel à un niveau fixé dans la fourchette de 32,5 à 33 millions de barils produits quotidiennement. Le volume de production actuel du cartel avoisinant 33,4 millions, la baisse de production devrait dès lors porter sur environ 700.000 barils par jour. Suite à cette annonce, le prix du baril a nettement rebondi, le Brent (pétrole de référence de la mer du Nord) repassant au-dessus de la barre des 50$.

Après deux années de guerre des prix avec l’objectif clairement affiché d’affaiblir l’industrie pétrolière américaine, le cartel serait-il dorénavant prêt à modifier cette stratégie? La volonté de défendre désormais les prix au détriment des volumes s’explique très probablement par la nette dégradation de la situation financière – particulièrement des finances publiques – de nombreux pays membres, dont notamment l’Arabie saoudite. 

Il convient cependant de rester prudent, l’application effective de cette décision étant en effet toujours très incertaine. Le reflux du prix du baril ces derniers jours illustre clairement le scepticisme du marché.

La contribution à la réduction de la production de chacun des pays membres n’a en effet pas encore été déterminée. Les plafonds de production par pays ne devraient être annoncés au plus tôt que lors de la prochaine réunion du cartel fin novembre à Vienne. La tâche ne sera toutefois pas aisée, plusieurs pays dénonçant cet accord. L’Irak affirme qu’un plafond n’est pas favorable au pays dont la production, en forte hausse, a été sous-estimée. Le Nigeria et la Libye, deux pays ayant subi de profondes perturbations de production, contestent également, mentionnant leur souhait d’être exonérés de toutes contraintes de volumes de production. Les autorités iraniennes affichent aussi leur volonté de retrouver les niveaux de production d’avant-embargo.

Le cartel, qui ne contrôle environ qu’un tiers de la production mondiale, a également émis le souhait d’une collaboration des principaux pays producteurs non membres de l’Opep. La Russie, acteur-clé du marché avec une production journalière avoisinant les 11 millions de barils, est clairement visée. Si le potentiel haussier du pays paraît très limité actuellement, la production ne devrait toutefois au mieux qu’être gelée. Il est en effet peu probable que le pays opte pour une réduction effective de la production.

À brève échéance, les équilibres sur le marché pétrolier ne devraient pas être fondamentalement modifiés. L’Agence internationale de l’énergie estime ainsi que l’offre pétrolière devrait continuer à dépasser la demande – toujours relativement soutenue – au cours des prochains mois. Dans ce contexte, les stocks de pétrole et produits raffinés au sein des pays OCDE se maintiendront à un niveau très élevé, nettement au-delà de la moyenne des cinq dernières années. Une remontée significative du prix du baril pourrait par ailleurs entraîner un rebond plus rapide et plus important que prévu de la production – en passe de se stabiliser, un point bas devant être atteint en cette fin d’année – de pétrole de schiste outre-Atlantique en 2017, le seuil de rentabilité du pétrole non conventionnel américain ayant nettement reculé.

En conclusion, l’accord conclu par l’Opep à Alger paraît fragile. Son application effective reste en effet incertaine et la contribution de la Russie à une diminution de la production mondiale semble également hypothétique. Une remontée durable des prix pétroliers (au-delà de 60$) est par ailleurs peu probable en raison du retour progressif sur le marché du pétrole de schiste américain.