Passionnée par les médias, Katrin Mockel s'est intéressée aux réseaux sociaux dès leur émergence. (Photo: Annabelle Denham)

Passionnée par les médias, Katrin Mockel s'est intéressée aux réseaux sociaux dès leur émergence. (Photo: Annabelle Denham)

Madame Mockel, pourquoi avoir choisi de rejoindre ZiDCard en avril 2013 alors qu’elle pouvait encore être qualifiée de start-up?

«J’ai d’emblée été séduite par le projet porté par son fondateur, Jérôme Pittie. L’environnement web dans lequel il se place convient parfaitement à mon cheminement professionnel, puisque je m’intéresse depuis de nombreuses années au marketing et à la communication appliqués au web. Grâce aux nouveaux outils, notamment via le cloud, il est désormais possible de piloter des projets tout en étant relativement autonome et agile, qu’il s’agisse d’actions d’e-mailing, de création de landing page ou de réalisation d’un mini-site internet. ZiDCard m’a permis d’approfondir l’utilisation de ces outils, tout en m’investissant dans le domaine des ressources humaines. J’ajoute que la configuration de la structure, à taille humaine, a également été un élément décisif. Elle permet d’éviter les lourdeurs administratives encore trop souvent imposées par une organisation hiérarchique rigide et favorise les décisions rapides. Elle incite à développer un esprit entrepreneurial et la créativité.

Votre expérience en agence de communication vous a permis d’exercer pour des clients asiatiques, qu’en retirez-vous comme enseignement?

«Je retiens surtout que les interprétations verbales et visuelles des messages communiqués varient selon les latitudes, les cultures. On parle de la diversité culturelle dans le domaine du marketing et de la communication qui exige d’aller au-delà de ses propres codes culturels et de communication. Les asiatiques ont une vision visuelle différente de la nôtre, qu’il s’agisse de codes graphiques tels que les formes et polices de caractères ou les codes couleurs. Il était, à l’époque, parfois difficile de leur faire comprendre les spécificités et exigences du marché européen. Une expérience intéressante riche en dialogues.

Votre passion pour l’univers du web remonte au début des années 2000. Il n’était pas encore question de l’explosion des réseaux sociaux, pourquoi ce choix?

«Il était inconcevable pour moi de ne pas explorer ce nouveau canal de communication, de le comprendre et de l’intégrer aux outils classiques. J’ai suivi à l’époque une formation d’éditeur online qui comprenait des éléments d’écriture adaptée, de HTML ainsi que des notions d’ergonomie. Le marché était encore relativement réticent à cette nouvelle vague, mais j’ai tenu à suivre l’évolution des réseaux sociaux avant même qu’ils ne soient utilisés au Grand-Duché. Cette approche complétait mes expériences précédentes et n’a fait que confirmer ma conviction: seul un mix adéquat entre différents outils permet de trouver une solution adaptée pour chaque projet de communication ou de marketing.

Internet permet de devenir son propre content owner, donne des possibilités pour tester de nouveaux marchés et entrer en action avec un large public

Quelles bonnes pratiques vous inspirent les nouveaux médias?

«Les possibilités de veille sont très intéressantes dans la mesure où ces outils vous permettent de récolter et d’analyser des informations au niveau du marché global sans devoir entamer de recherches fastidieuses. C’est un excellent moyen d’identification de tendances à moyen terme et d’évolution de comportement. J’observe que Twitter est de plus en plus utilisé quotidiennement au Luxembourg, malgré une émergence bien plus tardive que dans d’autres pays. Il en est de même avec LinkedIn, mais de manière peu interactive. D’autres services comme Xing ou Viadeo restent quant à eux marginaux.

Le Luxembourg peut-il combler son relatif retard?

«Le pays peut, dans différents domaines, miser sur l’innovation et la réactivité. Mais le retard dans l’utilisation des médias sociaux est, selon moi, notamment dû aux dirigeants des entreprises qui éprouvent encore des difficultés à se familiariser ou à accepter des formes modernes de management et donc de communication. La peur d’un partage non contrôlé et non maîtrisé de l’information est encore tangible. Il ne s’agit pas d’une question de génération, mais d’approche. Il faut se poser la question de la capacité à accepter un environnement de communication et de propagation de l’information qui va de pair avec un management du 21e siècle dans lequel les valeurs prennent une nouvelle place, notamment pour les générations Y et Z.

Quelle serait votre recommandation pour assurer une certaine maîtrise tout en s’ouvrant aux nouveaux outils?

«La mise en place d’une charte à destination des utilisateurs, sorte de code de bonne conduite, me paraît judicieuse. Ainsi qu’une sensibilisation à tous les niveaux de la gestion des réseaux sociaux qui peut parfois se retourner contre l’entreprise, mais aussi contre les employés. Ceux-ci peuvent devenir les ambassadeurs de leur entreprise. Les entreprises ont donc un réel challenge à relever: ne plus seulement 'dire' les valeurs, mais les 'vivre'. Cela commence par le haut de la pyramide.

Quels sont vos principaux chantiers alors que ZiDCard entame une phase de croissance?

«Depuis le début, je travaille sur une stratégie cross média et multicanale pour faire connaître nos produits, gagner en visibilité, crédibilité et travailler notre image sur le long terme. Ce processus nécessite du temps. On ne nourrit pas une marque avec du 'fast food'. C’est un processus de construction dans lequel la constance, la qualité du produit et l’application rigoureuse de la charte graphique sont importantes, tout en maintenant une approche agile pour prendre les virages attendus et/ou inattendus.

Sur quels leviers avez-vous choisi de miser pour travailler l’image de ZiDCard?

«Les interviews de notre CEO sont privilégiées sur des sujets à valeur ajoutée. D’une manière générale, nous procédons selon une approche traditionnelle swot. Notre objectif est d’interagir à plusieurs niveaux, sans se rendre trop dépendant d’un canal. Le formidable outil qu’est internet permet de devenir son propre content owner, donne des possibilités pour tester de nouveaux marchés et entrer en action avec un large public, au-delà des éléments géographiques. Nous utilisons aussi les réseaux sociaux comme canal de diffusion pour des articles publiés sur notre blog. La parution d’articles de presse reste aussi un élément de communication important au vu des retours reçus, ce qui montre que la communication web est importante, mais que les outils dits classiques, offline, le sont tout autant.

Quelles sont les bonnes pratiques dans le domaine du recrutement et/ou des réseaux sociaux qui vous inspirent?

«La base des bonnes pratiques repose sur les notions de qualité, d’éthique et de confidentialité, quels que soient les outils ou les canaux utilisés. En tant que femme de conviction, je défends les valeurs liées au recrutement. La recherche d’un travail correspond pour un individu à une volonté de survie ou d’amélioration de sa vie, que ce soit à des fins financières ou de développement personnel. Les outils électroniques ne doivent pas faire oublier que l’on a en face de soi, même par écran interposé, un être humain. La confidentialité est du reste plus que jamais d’actualité, c’est une problématique qui est au cœur de notre réflexion. C’est un sujet crucial qui va prendre de l’ampleur dans les années à venir. La qualité du matching entre les compétences et attentes du candidat et les besoins de l’entreprise est aussi primordiale. Tout échec a un coût. Une erreur de casting peut avoir de graves conséquences pour le candidat, l’employeur et l’entreprise. Nombre de recruteurs sélectionnent encore les profils sur base de critères subjectifs, délibérément ou influencés par leur subconscient, comme l’âge, le sexe, l’origine. Ils ne prennent pas suffisamment en compte les compétences et attentes des candidats dans leur présélection. Alors que des études ont prouvé qu’une présélection sur base de data réduit considérablement le risque d’échec. Il est aussi beaucoup question de gouvernance, de quotas féminins, de RSE dans les entreprises. Cette notion d’éthique devrait également se retranscrire dans la gestion des ressources humaines qui peut être un excellent levier de la diversité par exemple, notamment au niveau du recrutement.

Quel est, in fine, l’impact des réseaux sociaux sur les recrutements?

«Les réseaux sociaux ont changé la donne. Ils exigent un travail important de l’image de marque de la part des entreprises pour attirer les talents et une nécessaire vérification des informations délivrées par les candidats qui ont découvert le personal branding. Souvent sous-estimée, l’apparente gratuité des réseaux professionnels cache un énorme travail de vérification, de croisement des données, de reporting. Une étude menée par Stepstone montre aussi que moins de 2% des entreprises en Europe ont pu engager via les réseaux sociaux.

Quel regard jetez-vous sur l’évolution d’une fonction comme celle que vous occupez?

«Le métier de la communication s’est digitalisé et a considérablement évolué. On assiste à l’émergence des métiers liés à la conversation, aux contenus et à la marque avec une dimension stratégique très prenante. Internet est aussi un véritable levier pour mesurer, analyser. Cette activité a généré de nouveaux métiers relatifs au big data et webmarketing, des métiers en pleine croissance. Des outils, des technologies, de nouveaux canaux et méthodes de travail sont venus s’ajouter. L’analyse et la stratégie n’en sont devenues que plus importantes. De la fonction support qui ‘coûte’, le MarCom est en train de muter vers une position stratégique, ce qui vaut également pour les RH… ou du moins le devrait. Selon moi, il faudrait placer l’audience, c’est-à-dire le client, l’utilisateur, le collaborateur au centre des préoccupations, éliminer les cloisonnements et partager les tactiques.

L’apparente gratuité des réseaux professionnels cache un énorme travail de vérification, de croisement des données, de reporting

Comment est né le projet de collaboration avec l’Adem et quels en sont les objectifs?

«À la recherche d’outils et de supports qui favorisent la réintégration des demandeurs d’emploi sur le marché du travail, l’Agence de développement pour l’emploi nous a approchés. Les discussions nous ont amenés rapidement à la conclusion que nous sommes sur la même ligne, tant au niveau de notre approche professionnelle que de notre éthique. Le fait d’être sans emploi est une source de discrimination que ZiDCard permet d’effacer. C’est sous forme de workshops que nous comptons améliorer la performance des personnes dans leurs recherches d’emploi via le recrutement 2.0.»

Parcours
Au fil des médias
Belge originaire d’Eupen, Katrin Mockel a débuté sa carrière par la case journalisme, tout d’abord en radio puis en télévision à la VRT, le service audiovisuel public flamand.
L’occasion de cerner la spécificité de chaque média, leur mission de vulgarisation, la recherche de l’information marquante. Elle a aussi expérimenté durant 12 ans l’univers des agences de communication au sein d’Interpub auprès de clients internationaux pour des missions de communication corporate ou d’analyses stratégiques. Passionnée par l’écriture web et l’univers des réseaux sociaux, c’est presque naturellement qu’elle a franchi le pas vers ZiDCard pour en devenir en avril 2013 la communication & marketing manager, après différentes missions auprès d’entreprises luxembourgeoises. Âgée de 51 ans, elle était précédemment en poste chez PKF Luxembourg, après avoir été, pendant plus de deux ans, managing director chez Now.