Denis MacShane ne croit pas au chaos total ni à une sortie sans accord le 29 mars prochain. (Photo: DR)

Denis MacShane ne croit pas au chaos total ni à une sortie sans accord le 29 mars prochain. (Photo: DR)

Mercredi soir, Theresa May a évité un nouvel affront. Soutenue cette fois par les parlementaires conservateurs, elle a survécu politiquement à la motion de censure déposée par le leader du Labour, Jeremy Corbyn, à la suite du vote de mardi sur l’accord négocié avec l’Europe. Avec une très courte majorité de 325 voix contre 306, elle se donne le droit de poursuivre son parcours du combattant pour sortir son royaume de l’Union européenne. 

Mais rien n’est réglé pour autant. Difficile de voir clair sur les prochaines étapes du processus de sortie du Royaume-Uni. Même pour un vieux routier de la politique britannique comme Denis MacShane, qui a confié à Paperjam.lu sa vision sur la fin de la saga.

Député travailliste jusqu’en 2012, il s’est reconverti dans l’écriture et a sorti en 2017 une enquête sur le Brexit sous le titre «Why Britain won’t leave Europe». Le Royaume-Uni pourrait donc rester au sein de l’UE? «Pas tout à fait. Ce que je veux dire, c’est qu’il pourrait y avoir plusieurs Brexit possibles. On peut, par exemple, imaginer une séparation politique, les ministres britanniques n’étant plus conviés aux différents conseils ni au parlement, alors que les relations économiques se poursuivraient en maintenant notre présence au sein de l’Union douanière. Un peu comme la Norvège.»

Theresa May et Jeremy Corbin ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.

Denis MacShane, auteur et ex-parlementaire britannique

Mais pour en arriver là, il reste du chemin et il s’interroge clairement sur la capacité de la classe politique à sortir de ce blocage. «Le problème est que tant Theresa May que Jeremy Corbin ne sont pas à la hauteur de l’enjeu», estime-t-il. «May est devenue Première ministre par accident, sans être une grande ministre, alors que Corbyn n’a pas changé d’un iota sa position sur l’Europe depuis les années 70. Il refuse sa vision de la libre concurrence.»

Pour Denis MacShane, le moment est particulièrement favorable pour les «hard Brexiters», qui feront tout pour couper totalement les ponts avec l’Union européenne et faire du Royaume-Uni un État totalement indépendant.

Réinstaurer des contrôles douaniers aux frontières aurait des conséquences dramatiques pour Londres.

Denis MacShane, auteur et ex-parlementaire britannique

«Mais réinstaurer des contrôles douaniers aux frontières aurait des conséquences dramatiques pour Londres. Des milliers de camions doivent entrer dans le pays tous les jours pour approvisionner nos supermarchés. Un exemple: nous sommes les plus grands consommateurs de papier hygiénique d’Europe, dont la grande majorité est importée. Si on ferme les frontières, on va devoir se remettre à couper du papier», observe-t-il avec humour.

Un deuxième référendum qui pourrait changer la donne, il n’y croit pas beaucoup non plus. Selon ses chiffres, à peine 80 députés du Labour et 10 parmi les Tories sont prêts à voter pour. «Et s’il devait arriver, les citoyens britanniques enverraient un grand bras d’honneur à leurs politiciens, incapables de gérer la situation après le ‘no’ de 2016.»

«Brexeternity»

Sa vision de l’avenir, il la développe dans son prochain livre, «Brexeternity». «Je ne vois pas de chaos total. Je suis par contre convaincu que la prochaine décennie sera dominée par les querelles et les désaccords entre Bruxelles et Londres. Il n’y aura pas de rupture totale.»

Denis MacShane n’envisage pas non plus l’option d’un «no deal» le 29 mars à minuit. «On trouvera un arrangement dans l’urgence. L’Europe s’est toujours montrée brillante pour trouver des passerelles, afin de passer d’une zone de turbulences à une zone plus calme.»