De gauche à droite: Patrick Hoffnung, Anne Hoffmann et Tom Bellion. (Photos: Edouard Olszewski / Montage: Jenna Theis)

De gauche à droite: Patrick Hoffnung, Anne Hoffmann et Tom Bellion. (Photos: Edouard Olszewski / Montage: Jenna Theis)

Quel regard portez-vous sur l’évolution du cluster Mice depuis 2014? Quels effets cet outil a-t-il produits?

Anne Hoffmann: «L’intérêt du cluster Mice, c’est avant tout d’avoir pu rassembler l’expertise de toute la filière pour communiquer d’une seule voix à l’international. L’évolution dans cette direction a été très positive, comme en attestent les chiffres: entre 2014 et 2017, le secteur Mice a connu une croissance de 5% des nuitées.

Tom Bellion: «Sur ces dernières années, le mérite du cluster Mice, au-delà de la seule promotion, est que tous les acteurs du secteur se sont parlé de manière structurée et structurante. Les groupes de travail mis en place à travers le cluster permettent de réfléchir à des questions qui nous intéressent tous: comment mieux structurer les offres pour les congrès internationaux? Est-il intéressant d’avoir des ambassadeurs pour le secteur Mice? Quelle ligne directrice pour les green meetings?... Nous ne possédons pas les chiffres officiels pour tout le secteur, mais le Mice se porte bien et la meilleure collaboration entre nous tous est certainement un facteur qui explique cette bonne forme.

Patrick Hoffnung: «De mon côté également, il est difficile de mettre des chiffres en avant. Ce qui est sûr, c’est que le secteur des grands congrès que nous accueillons à l’European Convention Center Luxembourg se porte très bien, avec une croissance de 20% certaines années. On ne peut pas dire que cet état de fait est uniquement lié au cluster Mice, mais cet outil, pour différentes raisons, a une responsabilité claire dans l’évolution positive du secteur. En effet, en parvenant à réunir 90% des acteurs Mice autour d’une même table, nous avons pu mettre au point une stratégie nationale commune pour les marchés cibles. Aujourd’hui, nous parlons d’une seule voix et nous donnons un message clair au marché, ce qui est d’autant plus important pour un petit pays comme le Luxembourg. En faisant cela, nous sommes parvenus à résorber notre retard par rapport à nos concurrents. Et à placer Luxembourg sur la carte du monde comme une destination Mice pleine d’atouts.

Tous les acteurs du secteur se sont parlé de manière structurée et structurante. 

Tom Bellion, directeur du Luxembourg City Tourist Office

D’où viennent les demandes Mice pour le Luxembourg? 

T.B.: «Il faut faire une différence entre l’origine de la demande et celle des participants. La demande vient en effet le plus souvent du Luxembourg. Mais étant donné que nous comptons beaucoup de sociétés internationales dans le pays, les participants, eux, viennent le plus souvent de l’étranger, parfois même en dehors de l’Europe. En ce qui concerne les sociétés extérieures au Luxembourg, on peut dire que la Belgique, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Russie et même les États-Unis sont parmi les principaux demandeurs Mice au Luxembourg.

P.H.: «À cette liste, j’ajouterais le Royaume-Uni, la Suisse, l’Italie, l’Espagne, la Chine et le Canada. Mais, en effet, comme dans tous les pays, c’est d’abord la demande intérieure qui est la plus importante.

A.H.: «Au-delà des pays d’où viennent les demandes, il faut aussi rappeler qui sont les personnes qui nous font ces demandes. Il s’agit de décideurs d’entreprises ‘corporate’, de dirigeants d’associations professionnelles et d’organisateurs d’événements. Nous les ciblons à travers les campagnes de promotion que nous menons sur les plus grands salons professionnels européens comme, par exemple, l’IBTM World de Barcelone ou l’Imex de Francfort. Les grands reportages, les ‘destination reports’ et la publicité dans la presse spécialisée procurent aussi une grande visibilité et de la notoriété au Luxembourg.

Quels sont les concurrents du Luxembourg sur ces marchés cibles?

P.H.: «Les concurrents du Luxembourg, c’est le monde entier! Évidemment, nous croisons plus régulièrement les représentants de certaines villes. C’est le cas de Barcelone, Milan, Dublin, Prague et, dans une moindre mesure depuis deux ans, Istanbul. On peut aussi pointer Paris, Bruxelles ou Vienne. Maintenant, si l’on parle d’événements ‘corporate’, la concurrence est beaucoup plus large.

A.H.: «Chaque ville a – heureusement – ses propres atouts. Mais disons que la concurrence est plutôt européenne, provenant de villes comme Dublin, Prague ou Lyon. Les organisateurs aiment varier les lieux pour rendre les congrès plus attractifs. Dans le cadre de ces rotations continentales, nous tentons de positionner le Luxembourg comme une destination alternative. 

T.B.: «Je rejoins cette analyse: chaque ville a ses spécificités et sera donc choisie plus facilement pour certains types d’événements. Au Luxembourg, nous tentons d’attirer des événements liés aux secteurs qui font le succès du pays: le digital, la finance, la logistique mais aussi le space mining, par exemple…

Quels sont les atouts du Luxembourg comme destination Mice par rapport à d’autres villes ou pays?

A.H.: «Le Luxembourg est un pays qui dispose d’une capitale millénaire et classée par l’Unesco, très cosmopolite et vivante, à partir de laquelle on peut découvrir les cinq autres régions et leur variété de paysages en un rien de temps. On peut ainsi, en quelques heures, faire une escapade gourmande et culturelle en région, ou même une petite randonnée qui s’intègre facilement dans un événement professionnel. Dans une autre capitale, si vous voulez passer un moment de sérénité en pleine nature, il vous faudra des heures et pas mal de patience pour arriver au bon endroit…

P.H.: «Le Luxembourg a beaucoup d’atouts par rapport à la concurrence. La proximité, dans tous les sens du terme, en est en effet l’un des principaux. On utilise d’ailleurs souvent l’expression ‘easy congress’ pour vendre la destination. D’abord, tout est proche géographiquement au Luxembourg. En organisant votre congrès à l’European Convention Center, vous pouvez loger de l’autre côté de la rue et avoir un restaurant à quelques mètres seulement. Tout est sur place et des économies importantes peuvent être réalisées en matière de transport. Ceci a de plus en plus d’importance pour les sociétés qui veulent surveiller leurs émissions de CO2. Mais la proximité, c’est aussi celle que nos clients peuvent avoir avec les décideurs luxembourgeois: ceux-ci sont bien plus facilement accessibles que dans d’autres pays. On peut aussi pointer le rapport qualité/prix: contrairement à l’image qu’on peut en avoir, le Luxembourg est une destination qui reste bon marché, tout en proposant une très haute qualité de services. Enfin, nous apparaissons comme une sorte d’alternative par rapport aux destinations Mice classiques. Le Luxembourg est presque perçu comme exotique, parce que les gens découvrent une destination sur laquelle ils avaient de gros a priori qui s’avèrent finalement infondés.

T.B.: «Les infrastructures que nous avons à Luxembourg sont aussi de grande qualité. Je pense évidemment à l’European Convention Center, qui est très bien équipé, mais aussi aux hôtels et aux fournisseurs des différents services. Et, bien entendu, le fait qu’on puisse aller d’un endroit à l’autre de la ville en maximum 15 minutes plaît aussi pas mal à nos clients potentiels.

Le digital est un élément important du marketing mix que nous mettons en œuvre. 

Anne Hoffmann, directrice de Luxembourg for Tourism

Revenons sur l’aspect promotion. En quoi le cluster Mice a-t-il permis d’être plus efficace sur ce point? Quel type de promotion privilégiez-vous à présent? 

T.B.: «À l’international, cela n’avait plus aucun sens de communiquer chacun de notre côté. À travers le cluster Mice, nous réalisons des campagnes de promotion en commun, ce qui est beaucoup plus efficace. La promotion se déroule tant dans de grands événements destinés aux organisateurs de congrès – dans lesquels nous nous rendons souvent avec des patrons d’hôtels ou des propriétaires d’espaces de conférence – que dans différents médias. Notre marché cible ne fait aucune différence entre les opérateurs. 

P.H.: «Il est clair que la promotion commune est un plus. Mais je trouve que l’intérêt, c’est aussi que chacun soit toujours libre d’avoir, en parallèle, son plan de communication propre. Le plan national permet de préparer le terrain. Dans un deuxième temps, chaque institution communique alors en fonction de ses spécificités. 

A.H.: «Je peux citer différents exemples de promotions que nous menons: les ‘destination reports’, la publicité online et print ou encore les voyages de presse, qui permettent à la presse spécialisée de découvrir le Luxembourg de manière privilégiée. Nous continuerons aussi à promouvoir le pays sur les plus grands salons européens. Nous organisons des workshops dans certaines ambassades du Grand-Duché en Europe et, en juin 2018, nous allons monter des workshops de promotion à Zurich et à Bâle. Pour septembre, nous préparons également la deuxième édition de Meet Luxembourg, dont la première édition, en 2016, avait accueilli plus de 150 organisateurs internationaux. Nous allons aussi lancer le programme ‘Ambassadeurs’ en juin. Celui-ci permettra à des personnalités reconnues pour leurs compétences dans leur domaine d’intervenir en tant que véritables ambassadeurs de la destination.

Le digital prend-il une place de plus en plus importante dans le secteur Mice, comme dans tous les autres domaines d’activité?

T.B.: «Je trouve que le marché Mice tel que nous le connaissons aujourd’hui fonctionne toujours beaucoup grâce au bouche à oreille. Les organisateurs de conférences ou d’événements ont leurs contacts. Ils peuvent facilement se renseigner sur nous en appelant les bonnes personnes. Dans cette configuration, le digital a pour moi moins d’importance que le fait d’être bien présent dans les différents réseaux qui comptent.

A.H.: «Le digital est tout de même un élément important du marketing mix que nous mettons en œuvre. Nous y recourons pour créer de la notoriété sur des plateformes à destination des marchés que nous ciblons. Sur notre plateforme de promotion en ligne, la rubrique consacrée au Mice propose un premier et unique point de contact, facilitant la planification d’un événement grâce à la fonctionnalité ‘Plan my event’. Elle nous permet aussi d’analyser les demandes, les besoins et les profils des ‘leads’ que nous attirons. Ceci nous permet d’affiner notre stratégie marketing et de formuler des recommandations par rapport à la demande.

P.H.: «Je pense aussi qu’il faut compter sur le digital, puisqu’il est présent partout aujourd’hui. À côté de l’aspect promotion, je peux aussi pointer, en ce qui me concerne, des outils digitaux utilisés dans les congrès, notamment pour la relation client. Mais la digitalisation est aussi à l’œuvre pour les ‘bid books’ de présentation de la destination: aujourd’hui, ces documents fondamentaux dans la ‘vente’ de la destination sont tous digitalisés.

La création du bureau unique est une vraie urgence, tout comme l’augmentation de la capacité hôtelière. 

Patrick Hoffnung, président du cluster Mice et directeur de l’European Convention Center Luxembourg

Qu’est-ce qui doit être fait pour développer mieux encore le secteur Mice dans les prochaines années?

T.B.: «Il est certain que la création du National Convention Bureau – ce qu’on appelle le ‘guichet unique’ – sera une avancée. Cela dit, au sein du LCTO, nous faisons déjà un travail comparable depuis 30 ans: nous renseignons tant sur les possibilités Mice à Luxembourg que dans le reste du pays. À la limite, nous pourrions donc prendre en charge ce guichet unique. Pour le reste, il est clair que l’augmentation de la capacité hôtelière est une nécessité. Toutefois, je crois que nous devons rester spécialisés dans les congrès de taille moyenne – 400 à 700 participants – car nous n’aurons jamais la capacité pour accueillir des milliers de personnes avec la qualité souhaitée. Pour terminer, je dirais que le Luxembourg doit aussi faire du Mice un vecteur de développement économique pour tout le pays, mettre en relation les gens de l’extérieur avec les responsables luxembourgeois sur des sujets porteurs pour le pays, le space mining, par exemple.»

A.H.: «L’hôtellerie présente déjà un important taux de remplissage, ce qui peut être considéré comme prohibitif par des organisateurs parce qu’ils n’arrivent pas à avoir les meilleurs prix. L’arrivée de 1.000 nouvelles chambres dans les années à venir donnera aux organisateurs plus de marge de négociation. Il s’agit d’une évolution positive pour le secteur. Ensuite, il est clair que la création d’un bureau unique, à vocation nationale, tel qu’annoncé par la secrétaire d’État à l’Économie, Francine Closener, facilitera la coordination de toutes les demandes. Il permettra aussi d’être plus proactif dans la soumission des dossiers de candidature auprès d’associations comme l’International Congress and Convention Association (ICCA) ou l’Union of International Associations (IUA).»

P.H.: «La concurrence continue d’évoluer et de proposer de nouvelles choses, nous devons donc nous aussi être en constante évolution. La création du bureau unique est une vraie urgence, tout comme l’augmentation de la capacité hôtelière, qui met beaucoup de temps à se développer. Il nous faut des hôtels qui cadrent avec l’image de la Place, c’est-à-dire des 4 ou 5 étoiles, des palaces. Les 1.000 chambres supplémentaires dont on parle, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. En outre, même si ce genre de choses ne bouge pas non plus aussi rapidement qu’on le souhaiterait, il faudrait des vols intercontinentaux depuis Luxembourg. La plupart des villes spécialisées dans le Mice ont un aéroport de ce genre. Enfin, pour rebondir sur la taille des congrès que nous pouvons accueillir, je crois qu’on peut assumer des événements de tailles variables. Évidemment, il est impossible d’organiser ici un congrès de 10.000 personnes. Mais entre 800 et 1.500 personnes, c’est tout à fait gérable. Pour cela, un agrandissement de l’European Convention Center ne serait pas un luxe.»