Gianni Pietrangelo, Jean-Claude Frisch et Stéphane Mockels se livrent sur la croissance du secteur Mice, en pleine expansion. (Photo: Jenna Theis / Maison Moderne)

Gianni Pietrangelo, Jean-Claude Frisch et Stéphane Mockels se livrent sur la croissance du secteur Mice, en pleine expansion. (Photo: Jenna Theis / Maison Moderne)

«Voici quinze ans encore, on nous appelait les artistes au nez rouge», lance Stéphane Mockels, head of Mice chez Voyages Emile Webern et repris, non sans humour, par Gianni Pietrangelo. Le directeur général de Travel Pro American Express, la branche dédiée aux voyages d’affaires et à l’organisation de meetings et d’événements du groupe Sales-Lentz, porte un regard lucide sur l’évolution rapide de l’écosystème du Mice au Luxembourg. «Aujourd’hui, une centaine d’acteurs se positionnent sur ce secteur. Des personnes seules, des agences de communication ou événementielles, de grandes sociétés organisent des soirées et des voyages, pour leur propre compte ou celui de leurs clients. Les véritables acteurs du Mice, capables de gérer de gros projets comme la venue de plusieurs milliers de personnes au Luxembourg ou d’organiser de grands déplacements à l’étranger, avec toutes les garanties nécessaires, sont nettement moins nombreux. Mais, face à cette concurrence forte, nous devons sans cesse justifier notre valeur ajoutée.» 

Un marché en pleine croissance

L’activité Mice, de l’acronyme anglais «meetings, incentives, conferencing, exhibitions ou événements», est un type de tourisme dans lequel les sociétés, petites et grandes, organisent des événements pour leurs employés ou leurs clients. «Elle comprend deux axes distincts, selon que l’objectif est d’attirer des événements dans son pays (incoming) ou d’emmener des clients à l’étranger (outgoing), résume Stéphane Mockels. Le marché connaît une belle croissance. Nous avons par exemple enregistré une forte augmentation des demandes d’offre entre 2016 et 2017. Et cette tendance s’est accélérée début 2018. On est sorti de la période de crise, lors de laquelle nous avons senti un net ralentissement de l’activité. Désormais, les entreprises communiquent à nouveau par l'événement en dépensant. Mais attention, cela ne veut pas dire qu’elles le jettent par les fenêtres. Elles mettent en place des cahiers des charges précis, avec des exigences en termes de responsabilité sociale, de retour sur investissement, de cost saving, etc.».

Il y a désormais une véritable volonté nationale d’assurer la promotion de la destination

Stéphane Mockels, head of Mice chez Voyages Emile Weber

Pour les voyagistes luxembourgeois, l’activité Mice est un moyen de développer leurs activités. «Nous proposons des services pour tout événement professionnel ou privé. L’entreprise prend soin d’organiser des navettes, des visites et voyages selon vos besoins. Nous disposons d’une cinquantaine de véhicules, de 8 à 54 places, de l’autobus interurbain à l’autocar de voyage 5 étoiles, confie Jean-Claude Frisch, dirigeant de Voyages Emile Frisch. Ce domaine ne représente pour le moment que 2 à 3 % de l’activité globale, mais cela pourrait augmenter dans les années à venir. Le pays développe son attractivité et tout le monde en profite.» Pour Voyages Emile Weber et le groupe Sales-Lentz, l’activité Mice prend une tout autre dimension et peut compter sur l’expertise de professionnels rôdés aux subtilités de l’organisation d’événements à grande échelle. «Nous sommes de grands assembliers, des chefs d’orchestre, reprend Stéphane Mockels. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur l’expérience d’un groupe actif dans le transport et le voyage, présent depuis 143 ans au Luxembourg.» Ces acteurs du Mice organisent tout de A à Z et assurent à leurs clients toutes les garanties nécessaires vis-à-vis d’éventuels sous-traitants. «Les voyages loisirs, les voyages d’affaires, le Mice, tout est lié, explique Gianni Pietrangelo. De par notre activité historique, nous disposons de contacts privilégiés avec les compagnies aériennes, les chaînes d’hôtel, etc. Nous avons un carnet d’adresses bien fourni pour trouver le petit plus qui fera toute la différence. On l’oublie parfois, mais notre premier métier est d’offrir cet effet “Waouw”, d’être créatifs et un peu fous pour provoquer une émotion.» 

Luxembourg, terre de Mice?

Actif dans le secteur du Mice depuis de nombreuses années, Stéphane Mockels a vécu le développement du secteur, des balbutiements initiaux à la croissance actuelle. «On ne peut pas encore parler de marché mature, mais de nombreuses avancées ont eu lieu ces dernières années pour faire du Luxembourg une destination Mice à part entière, explique le représentant de Voyages Emile Weber. Il y a désormais une véritable volonté nationale d’assurer la promotion de la destination.» Parmi les initiatives à relever, on peut épingler la création d’un Cluster Mice, dont l’objectif est de fédérer et développer l’expertise locale en vue de renforcer, à moyen terme, le positionnement du Luxembourg en tant que destination pour le tourisme d’affaires et de congrès. «La mise en ligne d’un calendrier des événements Mice permet d’optimiser la gestion des capacités. Une charte de qualité est en cours de finalisation. Elle va permettre de régir l’ensemble du secteur, de se donner des règles communes», se réjouit Stéphane Mockels. «Pour avoir participer à différentes missions économiques à l’étranger, il faut reconnaître que le Luxembourg dispose aujourd’hui d’une certaine reconnaissance hors de ses frontières», ajoute Gianni Pietrangelo, qui salue les efforts menés, mais pointe du doigt le manque de capacité hôtelière du pays. 

Nous n’avons pas de mer, pas de montagne, pas de soleil, mais on sait recevoir les gens

Gianni Pietrangelo, directeur général de Travel Pro American Express

La présence de Luxembourg for Tourism, du cluster Mice et de ses acteurs dans les salons internationaux ont permis, ces dernières années, de placer le Luxembourg sur la carte. Le développement de l’aéroport du Findel, avec l’arrivée de nouvelles compagnies, élargit les possibilités, tout comme le TGV. Des workshops sont organisés dans les ambassades. «Signe que le travail porte ses fruits, le portail meetings.visitluxembourg.com reçoit quelque trois millions de visiteurs par an, confie Stéphane Mockels. Nous poursuivons nos efforts.» En septembre prochain, la filière Mice organise une importante opération de promotion avec l’événement «Meet Luxembourg». En 2016, 120 organisateurs de congrès internationaux avaient pu y découvrir les atouts du Luxembourg.

Une fine connaissance du pays

«Nous n’avons pas de mer, pas de montagne, pas de soleil, mais on sait recevoir les gens, ajoute Gianni Pietrangelo. L’atout principal de notre pays, c’est sa taille humaine. Nous devons en profiter, vendre de l’émotion, du partage, du plaisir. On ne sera jamais Las Vegas. Par contre, nous avons des idées. À ce titre, il faut montrer en exemple l’initiative “Rent a City” d'un groupe hôtelier privé de la commune de Clervaux qui propose à des organisateurs de privatiser la ville pour accueillir leur événement. Pourquoi ne pas étendre le concept à tout le pays?» Afin de rendre l’expérience inoubliable, les voyagistes luxembourgeois peuvent s’appuyer sur leur fine connaissance du pays, de ses bonnes tables et autres lieux insolites. «Nous sommes des DMC, pour Destination Management Compagny, ou agence réceptive en français. Notre plus-value est dans la qualité de notre carnet d’adresses et dans l’éventail des solutions que nous avons à proposer». En compétition avec d’autres villes européennes, le Grand-Duché doit encore travailler son attractivité en augmentant l’offre hôtelière. «En milieu de semaine, à Luxembourg, l’offre de chambre est réduite et les prix flambent. Le pays peut-il se permettre de vendre des nuitées à 300 euros pour du Mice alors que d’autres capitales, à commencer par Paris, proposent des tarifs bien plus attractifs?», s’interroge Gianni Pietrangelo.

Le Mice ne représente pour le moment que 2 à 3% de l’activité globale, mais cela pourrait augmenter

Jean-Claude Frisch, dirigeant de Voyages Emile Frisch

À côté de cette activité d’incoming, les voyagistes luxembourgeois emmènent des entreprises, leurs employés ou leurs clients, à l’étranger. «Là encore, notre mission première est de véhiculer des émotions, en plaçant l’humain au centre de toutes les attentions. Quand je rencontre un client qui souhaite organiser un événement, l’important pour moi est de comprendre quelle est sa cible et son message, reprend Stéphane Mockels. Et s’il n’y a pas de message, il n’y a pas de Mice qui tienne.» Dans ce domaine, les organisateurs servent trois types de clients: des services RH, des équipes marketing et communication et, enfin des membres du board. Chacune des cibles a des attentes différentes. Le but des ressources humaines est à la fois d’attirer de nouveaux talents et de fidéliser les collaborateurs en place. «On est souvent sur des offres de 3 à 4 nuits en hôtel 3 ou 4 étoiles pour des activités de team building, incentive, training ou séminaire. Le transport, d’une durée de quatre heures au maximum, s’effectue aux deux tiers en bus et un tiers en avion», précise le head of Mice de Voyages Emile Weber. En marketing, les budgets sont plus élevés. Le but de l’entreprise est de fidéliser des clients grâce à un lancement de produit, un voyage de presse, une conférence, un forum ou un incentive. «On a davantage de déplacements en avion et les hôtels sont plutôt des 4 ou 5 étoiles pour 2 ou 3 nuits», ajoute Stéphane Mockels. «Enfin, pour les board meetings à l’étranger, l’objectif est de sortir les dirigeants de leur cadre habituel, souvent sans contraintes géographiques ni budgétaires.» À l’arrivée, le voyagiste expert du Mice est là pour offrir une expérience inoubliable à ses clients et créer des émotions fortes.