Des bornes intelligentes de chargement rapide, installées dans des stations-service par exemple. (Photo : Total Belgique)

Des bornes intelligentes de chargement rapide, installées dans des stations-service par exemple. (Photo : Total Belgique)

La voiture électrique pointe le bout de son capot au Luxembourg. Important sujet de discussion au cœur du dernier Autofestival, au même titre que le développement important des voitures hybrides, l’électro-mobilité est sur de nombreuses lèvres, au sein du secteur automobile comme parmi le public. La voiture de demain sera-t-elle électrique ? La question fait encore débat. Mais, lorsqu’on prend en considération les importants investissements en R&D de certains constructeurs (y compris au Luxembourg) pour son développement, on ne voit pas a priori que cette technologie puisse un jour être considérée comme mort-née.

L’engouement des automobilistes est encore assez timide. Toutefois, tout est présent, au Luxembourg, pour rouler en voiture électrique. D’ailleurs, d’aucuns en ont peut-être déjà vu l’une ou l’autre sur les routes (car pour les entendre, il faut tendre l’oreille). Plusieurs modèles sont désormais commercialisés sur le marché. Certains leasers ont intégré de tels véhicules dans leur flotte. Plusieurs fournisseurs d’électricité ont positionné des bornes de charge en différents endroits du pays. C’est notamment le cas d’Enovos et d’Electris et du projet commun développé par Electris et Estonteco (voir article page 60). Des « pétroliers » s’y mettent aussi. Ce sont bien, désormais, les consommateurs que la tendance doit convaincre.

Plus économes, moins polluantes, plus propres, ces voitures ont la faveur des élus grand-ducaux et devraient, selon eux, progressivement se poser en alternative aux véhicules fonctionnant avec du carburant traditionnel. Dans ce contexte, le gouvernement tient à jouer un rôle de catalyseur – en y mettant de son pot – dans le but de faciliter l’émergence de l’électro-mobilité. D’autant plus vite que le prix du pétrole poursuivra sa course vers les sommets. « Le développement du véhicule électrique est un élément clé pour le Luxembourg dans le cadre du respect des objectifs de réduction des émissions de CO2. Pour les atteindre, le gouvernement table sur un taux de pénétration du véhicule électrique dans le parc roulant de 10 % en 2020, ce qui représente environ 40.000 véhicules », commente Marco Schank, ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures.

L’ambition est là. L’enjeu considérable. Au 27 février 2012, 49 voitures électriques étaient immatriculées au Luxembourg. On comptait, au 31 décembre 2011, 13 stations de charges pour l’électro-mobilité sur le territoire. Et les initiatives se multiplient. L’Automobile Club Luxembourg a récemment annoncé son intention de lancer un service de taxi plus écologique et moins cher (les tarifs seront plafonnés à 25 euros le jour, 45 euros la nuit). Appelé « Yellowcab », ce service sera destiné aux 170.000 membres de l’ACL. Et pour le faire fonctionner, dès juillet, l’acquisition de 60 véhicules électriques est envisagée.

Montée en charge

« On constate par ailleurs que davantage d’entreprises luxembourgeoises deviennent actives dans le domaine de l’électro-mobilité, assure Marco Schank. En 2010, la plate-forme elektromobiliteit.lu a été mise en œuvre pour la promotion de la voiture électrique. Un nombre croissant de projets pilotes avec bornes de charge vont voir le jour. On peut en citer deux. Le projet pilote Nordstad-eMovin d’abord, qui vise à la mise en place d’un système combinant vélos et voitures électriques, ainsi que le développement d’un service de mobilité global, comprenant le transport en commun, une formule de car-sharing, etc. » La mise en exploitation de ce projet, cofinancé par le Feder, les communes participantes de la Nordstad, le CRP Henri Tudor et le ministère du Développement durable et des Infrastructures, est prévue à l’automne 2012. « Un autre projet pilote, appelé ZAC-eMovin, concerne les zones d’activités économiques. Il veut promouvoir l’utilisation de voitures électriques en mode d’auto-partage et de co-voiturage dans des zones d’activités autour de la capitale, grâce à la mise en place de services télématiques facilitant l’auto-partage, et favoriser le déploiement d’un réseau de recharge électrique dans les entreprises », poursuit le ministre.

C’est dans ce contexte que les ministères du Développement durable et de l’Économie ont lancé une étude sur la « faisabilité technico-économique pour développer une approche partagée et structurée de mise en œuvre de l’électro-mobilité au niveau national ». L’objectif de base était de déterminer les moyens à mettre en œuvre pour développer une infrastructure publique de charge. Pour la mener à bien, l’ensemble des parties prenantes au développement de l’électro-mobilité au Luxembourg a été mobilisé. « Nous sommes partis des besoins de l’utilisateur pour définir un concept, un modèle d’infrastructure de charge adaptée pour le Luxembourg, explique Hervé Schwartz, du bureau Schwartz & Co, en charge de l’étude. Dans le cadre du développement de l’électro-mobilité, le chargement des batteries à domicile restera le moyen de charge privilégié des utilisateurs. Toutefois, on constate que pour rassurer l’utilisateur il est essentiel de déployer une infrastructure de charge publique, lui permettant de faire face à des imprévus entre son lieu de destination et son domicile. » Il faut savoir qu’actuellement – et ce devrait être le cas jusqu’en 2020 –, une voiture électrique a une autonomie d’environ 150 km. « Or, on a pu constater que 34 % des déplacements du domicile au lieu de travail sont inférieurs à 5 km pour les résidents. La distance domicile-travail médiane parcourue en voiture est de 15 km pour les résidents et de 40 km pour les frontaliers, a expliqué le ministre de l’Économie, Étienne Schneider, lors de la présentation des résultats de l’étude technico-économique. La longueur moyenne pondérée d’un trajet unique parcouru en voiture privée ne dépasse pas 60 km. »

La voiture électrique, dès lors, pourrait très rapidement devenir le véhicule du quotidien. Notons qu’il faut entre une dizaine de minutes et six heures, en fonction du moyen de charge que l’on utilise, pour recharger les batteries. Une installation domestique permettra de restituer une autonomie optimale à son véhicule en quelques heures. Des bornes intelligentes de chargement rapide, installées dans des stations-service, par exemple, permettent un chargement en quelques minutes. Enfin, des bornes intelligentes à chargement accéléré, offrent la possibilité de restituer l’autonomie d’un véhicule dans un temps intermédiaire.

Pour rassurer l’utilisateur, donc, le gouvernement a pris la décision de développer une infrastructure publique de points de charge ciblée. « Nous allons installer des points de charge sur les P&R, parkings de gare et, de manière plus ponctuelle, le long de la voirie et autres types de parkings publics, a annoncé Étienne Schneider. Plus ou moins 850 bornes seront déployées sur le territoire d’ici 2020. La mise en place des premières bornes est prévue pour 2013. » Le concept dépasse la seule infrastructure physique puisqu’il est prévu, pour assurer la gestion de ces bornes, un système national. « Il permettra un roaming, donc l’utilisation des bornes par l’ensemble des personnes transitant par le Luxembourg, ainsi que l’identification de ces dernières, le paiement de l’électricité consommée sur base de facturation et, enfin, le choix du fournisseur d’électricité. » L’État va investir plus ou moins 10 millions d’euros pour le développement de cette infrastructure et l’exploitation des bornes de charges publiques.

L’investissement s’ajoute aux aides déjà consenties par l’État pour le développement de l’électro-mobilité. Des primes CAR-e de 5.000 euros sont déjà octroyées pour l’achat d’un véhicule électrique à condition de souscrire à un contrat d’électricité verte. Il n’y a pas de taxe automobile annuelle pour l’utilisation de la voiture électrique. Certes, il y a une perte collatérale : en favorisant le recours à la voiture électrique, l’État doit aussi prévoir un manque à gagner sur les accises attachées aux carburants traditionnels. Mais le gouvernement semble prêt à payer le prix fort. Il n’y a plus qu’à espérer que le citoyen, automobiliste et consommateur, suive le courant.