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Le 1er octobre 2003 entrait en vigueur la loi du 2 août votée la même année et instaurant, notamment, plusieurs nouvelles catégories de PSF "connexes-", usuellement dénommées "de support": les agents de communication à la clientèle (selon l'article 29-1), les agents administratifs (art. 29-2) et les opérateurs de systèmes informatiques et de réseaux de communication (art. 29-3). Trois ans et demi plus tard, le succès rencontré a largement dépassé les attentes du législateur, dont le but premier était de soumettre au même contrôle prudentiel un certain nombre d'activités connexes ou complémentaires au secteur financier.

Au 1er mars dernier, pas moins de 13 agents de communication, 20 agents administratifs et 34 opérateurs de systèmes et de réseaux étaient soumis au contrôle prudentiel de la Commission de Surveillance du Secteur financier (CSSF), ce qui représente un total de 51 sociétés dédiées à la sous-traitance de fonctions opérationnelles de support, certaines cumulant plusieurs agréments (voir notre guide pratique en pages 200 et suivantes).

En l'espace d'une bonne quarantaine de mois, le marché a eu, d'un côté, tout le loisir de prendre ses marques alors que le régulateur, de son point de vue, a pu également faire ses comptes et constater, notamment, un certain déficit de communication et de bonne compréhension de ce qu'implique vraiment un tel statut de PSF (Professionnels du Secteur financier) de support. "Lorsque les acteurs du secteur financier disent 'je ne travaille plus qu'avec des PSF', ils ne se posent pas la question de savoir si le travail confié requiert ou non l'agrément, constate David Hagen, responsable du service Surveillance informatique et des PSF de support, nouvellement créée à la CSSF. Nous avons encore trop de sociétés qui viennent nous demander d'avoir un agrément parce qu'elles sont dans les locaux d'une banque, qu'il s'agisse d'entreprises de nettoyage ou qui traitent de l'informatique. Il y a une mauvaise compréhension".

C'est une des raisons qui ont poussé le législateur à revoir quelque peu sa copie et profiter de l'opportunité de la transposition en droit national de la directive européenne sur les instruments financiers (Mifid) pour y glisser une partie relative aux PSF de support. Ainsi est né le projet de loi n° 5627 qui prévoit, notamment, une diminution radicale des exigences financières imposées aux candidats à l'agrément, un élargissement du champ d'activité des PSF au secteur des assurances et à d'autres secteurs non financiers et, enfin, à une distinction entre deux catégories d'opérateurs de systèmes informatiques (voir aussi paperJam janvier 2007, page 50).

Scission non souhaitée

Dans ses grandes lignes, le texte satisfait la majorité des acteurs, aussi bien du côté des acteurs du monde financier que des PSF, actuels ou prétendants. "Le principe d'élargissement à des secteurs autres que financiers, ou bien aux assurances, est évidemment très positif, se réjouit Pierre Hénin, président de la toute nouvelle association des PSF de support (voir paperJam décembre 2006, page 52). L'idée de diminuer le capital aussi, même s'il convient de ne pas tomber dans l'excès inverse non plus. Pour les agents de communication, par exemple, 50.000 euros nous semblent un montant trop faible pour permettre de maintenir un certain niveau de sécurité et de confiance pour les co-contractants".

Il est en revanche un point que les PSF voudraient voir abolir: c'est celui de la scission entre opérateurs de réseaux primaires et secondaires, selon la nature des applications informatiques sur lesquelles ils travaillent. "L'idée est d'aboutir à une loi comprise par tout le monde et qui puisse être bien perçue au-delà des frontières, rappelle M. Hénin. Or, dans le cas présent, nous ne comprenons pas nous-mêmes l'intérêt de cette disposition. Comment juger que telle ou telle partie d'un réseau de communication n'est que secondaire? La diminution de capital suffit à la libéralisation de l'accès au statut de PSF. Il n'y a pas besoin d'ajouter en plus une scission".

Le risque est trop grand, aux yeux de tous, de se retrouver avec un niveau de PSF de première ou de deuxième division. "Cette classification n'est pas vraiment positive pour le rayonnement de la Place et vis-à-vis de décideurs étrangers, un tel message ne sera pas facile à faire passer, craint Vincent Chevalier (Hewlett-Packard Luxembourg), alors que l'agrément PSF est un vrai outil de référence et de promotion du Luxembourg à l'étranger. Ce qui fut, au départ, une contrainte législative, a été transformé par beaucoup en opportunité de business".

Si la barrière d'entrée financière était, une fois la loi votée, moins haute à franchir, la porte ne serait pas, pour autant, ouverte à tout et à n'importe quoi. "Le capital joue bien sûr un rôle, reprend Geert Minten, HP services manager Luxembourg, mais à côté de ça, il faut financer la structure IT, le volet ressources humaines, les procédures... Tout cela représente un investissement conséquent et le marché ne me semble pas encore assez mature pour absorber les coûts. Aucun client n'est prêt à accepter une facture plus élevée pour la seule raison que son prestataire est agréé PSF".

La vision est similaire du côté de chez Vectis, société spécialisée dans l'alignement des opérations d'une entreprise sur ses contraintes légales et réglementaires, et qui dédie notamment ses services aux sociétés déjà agréées PSF ou désireuses de l'être. "L'important est de bien s'organiser, car nous constatons souvent que les sociétés n'ont pas prévu, ou budgétisé, l'effort nécessaire pour devenir PSF, indique Gérard Flamion, responsable des opérations PSF chez Vectis. Le différenciateur est clairement l'orientation qualité de l'offre de services plutôt que son volume. Une grande société avec beaucoup de capital n'offrira pas nécessairement un meilleur service qu'une société moins capitalisée. Cela nécessite de revoir profondément ce qu'être ou de devenir PSF veut vraiment dire".

Pour un label de qualité

Au-delà des enjeux de ce projet de loi en cours de discussion, les réflexions vont également bon train sur l'aspect "qualité de services" que les donneurs d'ordre sont en droit d'attendre des prestataires à qui ils confient une partie de leur activité. D'où l'initiative prise, il y a quelques mois, par le Centre de Recherche Public Henri Tudor, dans le cadre du projet Innofinance, d'une étude menée auprès des banques et des PSF et dont vous trouverez, dans les pages 182 et suivantes, les principaux enseignements. "L'idée est d'établir un instrument capable d'identifier les facteurs déterminants, les arguments percutants justifiant une démarche d'insourcing et, par la suite, de voir s'il est possible de produire un label de référence aligné sur ces critères décisionnels. Il y a certainement matière à pouvoir favoriser ce mouvement d'insourcing que le Luxembourg souhaite enclencher", indique Jean-Pol Michel, co-directeur du Centre d'Innovation par les Technologies de l'Information (CITI) au CRP Henri Tudor, qui considère la future loi qui se dessine comme un élément différenciateur qu'il conviendra d'exploiter correctement par chacun, sachant que tous les acteurs - banques et PSF - se rejoignent pour établir que l'agrément, en tant que tel, n'était en rien un élément pouvant garantir la qualité du service. "Une partie du chemin est faite. Il ne reste plus qu'à en récolter les bénéfices, en orientant autour de ce dispositif législatif des outils davantage liés à la performance et à l'excellence des métiers", estime M. Michel.

Une vision complétée par Bernard Di Renzo, responsable d'Unité au CRP Henri Tudor, qui attend de ce "futur label" de référence qu'il soit "le plus complémentaire possible avec l'agrément, de manière à ne pas augmenter la charge de travail des PSF. Mais ce différenciateur qualitatif viendra également rajouter une certaine valeur à cet agrément, ce qui sera une condition indispensable pour réaliser du business avec le secteur financier".

A la suite de cette enquête, voilà que le terrain est, en quelque sorte, bien préparé, l'ensemble des acteurs concernés ayant fait part de son adhésion à la réflexion. Un large travail de consultation a été entrepris auprès de l'ABBL, l'association des PSF, la CSSF, le Comité pour l'observation des marchés (associé au Codeplafi), l'Institut des Réviseurs d'Entreprises et l'association des risk managers, l'idée étant de regrouper des acteurs-clés, ainsi que du conseil, afin de mettre sur les rails ce travail de valorisation de l'excellence des services du secteur financier. "La méthodologie que nous commençons à bien connaître prend une ampleur qui n'est pas encore connue, estime M. Michel. Nous nous trouvons dans un processus d'innovation et l'on ne peut jamais jurer de rien. Mais nous ne pouvons que constater que, d'un côté, les PSF sont demandeurs d'une certaine valorisation de ce qui a déjà été fait et les banques, de l'autre côté, sont demandeurs d'un engagement de qualité".

Le but n'est pas de recréer un clone des labels déjà existants, tels que ITIL ou CMMI, mais plutôt de cibler la réflexion sur la qualité de la relation prestataire-client, pour laquelle il existe encore peu de choses à ce jour. Une démarche d'autant plus intéressante qu'elle dépassera largement le simple cadre du secteur financier, puisque le projet de loi 5627 propose que les PSF puissent également prester pour d'autres secteurs d'activité.

Des compétences à construire

Pour autant, cette idée de labellisation ne se profile pas aux yeux de tous comme la solution miracle. "Le principe est intéressant, reconnaît Geert Minten (HP Luxembourg), mais un label ne répond à rien d'autre qu'à des critères et des points objectifs. Nous préférons la reconnaissance et la satisfaction des clients qui jugent des prestations sur le terrain".

Si la création d'un tel label de référence apparaît, néanmoins, comme une étape importante dans le développement d'un statut qui ne demande qu'à être internationalement reconnu (et pourquoi ne pas imaginer, à terme, un statut PSF harmonisé au niveau de l'Europe?), la façon dont il sera mis en oeuvre sera au moins aussi essentielle. "Etablir un modèle pour mesurer la qualité d'un service est une chose, remarque Gérard Flamion, mais la démarche doit être globale. Il ne suffit pas d'avoir l'outil, mais il faut aussi une référence, une approche commune". Et de constater, sur la base d'une étude menée auprès des clients de Vectis, qui représentent quelque 30% du marché, que les sociétés ayant investi dans leurs processus organisationnels, avec une orientation qualité et contrôle (dans le sens pilotage) du processus, ont remporté davantage de succès auprès de leurs clients que les autres.

La voie est donc ouverte, à condition que les ressources humaines suivent. Un problème pour beaucoup mais qui, selon M. Raucq (Vectis), n'en est pas forcément un. "Il y a quelques années, le Luxembourg ne savait pas comment s'écrivait 'fonds commun de placement'. Mais le législateur a fait ce qu'il fallait pour que la gestion des OPC soit intéressante à faire ici et pas ailleurs. Les compétences sont alors venues ou bien on les a établies localement et, aujourd'hui, la Place est reconnue dans le monde entier pour ses compétences. Pourquoi ne pas faire la même chose avec le secteur IT? On a un environnement légal absolument fabuleux qui a créé une réelle opportunité. Il suffit de se baisser pour la prendre et pour se rendre compétent dans un domaine où personne n'est leader pour l'instant". Un premier pas réside peut-être dans la formation spécifique pour les gérants de PSF mise sur pieds par Vectis et dont le contenu a été implicitement validé par les autorités compétentes.


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Quelle gouvernance pour les PSF?

"La différenciation ne se fait pas sur le capital, mais sur les obligations de gouvernance des PSF", estime David Hagen, responsable du service Surveillance informatique et des PSF de support à la CSSF. En mars 2006, la circulaire 06/240 émise par la CSSF apportait, pour tous les établissements de crédit et autres PSF, certaines précisions supplémentaires à la Circulaire 05/178 concernant les règles d'organisation administrative et comptable et de sous-traitance en matière informatique. Il y était notamment question des responsabilités du professionnel financier en matière de confidentialité lorsqu'il s'adresse à un PSF de support, pour des services autres que ceux requérant un agrément, ou bien du bon usage de la prestation d'intérimaire pour des fonctions-clés informatiques.

"Nous n'avons aucune vocation à nous immiscer dans la façon dont les sociétés gèrent leurs problèmes, explique M. Hagen. Ce texte est déjà très directif dans les indications que nous donnons. Nous sommes plutôt partisans de simplement contribuer à ce que ce soit le marché lui-même qui développe ses propres principes de gouvernance, quitte à ce que nous nous assurions, dans une seconde étape, de la conformité des directions prises".

La balle est donc dans le camp des professionnels et l'Association des PSF apparaît, clairement, comme une locomotive potentielle de cette démarche. "Cela ne pourra en effet se faire que grâce à l'échange des points de vue de tous les acteurs concernés afin d'arriver à un modèle commun où tout le monde va dans le même sens", avait expliqué Pascal Lanser, qui représentait l'association lors de la table ronde du 9 février dernier, organisée par l'APSI (Association des Professionnels de la Société d'Informatiom) et consacrée au sujet des PSF.

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TVA: allié et... inhibiteur!

Le Luxembourg a toujours misé sur l'attrait de son taux de TVA. Si AOL, Skype ou encore Amazon ont choisi de s'établir au Grand-Duché, ce n'est sans doute pas pour la seule beauté du paysage et la douceur du climat. Mais dans le domaine de l'externalisation des services, la problématique est tout autre.

Car la prestation de services qui, en interne, ne coûte rien, se voit assortie, en externe, d'un taux de TVA de 15%. "Comme la prestation de services réprésente souvent les 3/4 du coût total, cette TVA devient un fléau qui frappe surtout le prestataire, car le client n'entend pas payer désormais plus cher pour des services qu'il désire externaliser, bien au contraire, regrette Gary Kneip, vice-président de la Confédération luxembourgeoise du commerce. Non seulement on va demander au prestataire d'être plus efficace, plus rapide et plus précis dans tous les traitements, mais aussi moins cher. Et les 15% de TVA, c'est son problème en plus! Cela explique partiellement le faible taux de rendement financier du secteur des PSF de support au uxembourg, qui est largement en dessous de l'industrie des autres services informatiques".

Si certaines dispositions fiscales européennes, en application au Luxembourg, permettent, en théorie, de contourner la TVA pour certains types de clients situés au Luxembourg, il en est autrement pour ceux situés dans des pays où les interprétations de leurs administrations fiscales sont plus restrictives. D'où un problème souvent insoluble.

"Le législateur est de nouveau appelé à être créatif", indique M. Kneip, conscient, néanmoins, que la créativité a ses limites dès qu'il s'agit de toucher au droit européen...