Les deux fonctionnaires encore en activité travaillent pour le ministère du Logement. (Photo: Maison moderne / archives)

Les deux fonctionnaires encore en activité travaillent pour le ministère du Logement. (Photo: Maison moderne / archives)

Huit prévenus sont attendus lundi matin devant la 18e chambre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg siégeant en matière correctionnelle. La liste des chefs d’accusation est longue: faux en écriture, usage de faux, corruption passive, corruption active, corruption active a posteriori, association formée dans le but d’attenter aux personnes ou aux propriétés, et – à confirmer – contrainte exercée sur fonctionnaire et blanchiment.

Parmi les huit prévenus, trois étaient employés par l’État au moment des faits présumés. Ils ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour faux, usage de faux, corruption passive et association de malfaiteurs.

Les fonctionnaires travaillaient à l’époque pour le ministère des Classes moyennes, dans le service délivrant les autorisations d’établissement aux artisans, notamment. Ils sont soupçonnés d’avoir aidé des candidats à obtenir le précieux sésame en validant des attestations de qualification (diplôme ou expérience) provenant du Portugal, pays d’origine des candidats, mais en réalité falsifiées. Et ce afin de remplir les très stricts critères d’honorabilité et de qualification requis pour l’octroi d’une autorisation d’établissement. En contrepartie, les agents de l’État auraient perçu 3.000 à 20.000 euros par dossier, pour un total de 350 à 400 dossiers, selon les chiffres avancés par RTL mercredi.

Il est crucial que les créateurs d’entreprise et les fonctionnaires agissent dans le cadre de la loi.

Tom Wirion, directeur général de la Chambre des métiers

Si les faits sont avérés, «c’est quelque chose d’intolérable», réagit Tom Wirion, directeur général de la Chambre des métiers, interrogé jeudi par Paperjam.lu. «La loi sur les autorisations d’établissement est très importante pour l’artisanat, et il est crucial que les créateurs d’entreprise et les fonctionnaires agissent dans le cadre de la loi, que les preuves destinées à apprécier la qualification et l’honorabilité soient apportées, et ce sans entrave ou sans illégalité.» D’autant qu’une telle affaire «peut jeter une mauvaise lumière sur un secteur où la quasi-totalité des gens respecte la loi», ajoute Tom Wirion.

Le directeur général de la Chambre des métiers n’était pas en poste à l’époque des faits présumés, censés remonter à la période 2002-2007.

Le procès intervient ainsi neuf ans après la découverte des agissements frauduleux supposés. Certes, le dossier doit peser lourd sur les étagères du Parquet avec jusqu’à 400 autorisations d’établissement qui auraient été octroyées en toute illégalité. Reste que deux des fonctionnaires appelés à la barre, Raymond S. et Simone B., travaillent toujours pour l’État et n’auraient à ce jour subi aucune procédure disciplinaire. Le troisième, Jean B., est aujourd’hui pensionné.

Vers un tournant politique?

D’après une source ministérielle, de tels agissements, s’ils étaient avérés, auraient dû provoquer au moins la révocation des fonctionnaires. Ceux-ci ont simplement été transférés vers un autre service relevant du ministère du Logement. Il faut dire qu’à l’époque des faits, les portefeuilles des Classes moyennes et du Logement étaient réunis en un seul ministère sous la responsabilité de Fernand Boden (CSV). La scission en deux ministères est intervenue par la suite.

À quel moment le ministère – et lequel – a-t-il averti le Parquet? Une instruction disciplinaire a-t-elle été diligentée et, si oui, menée à son terme? Autant de questions qui restent en suspens et pourraient prendre un tour plus politique, comme récemment le procès SchoolLeaks. Premiers éléments de réponses lundi, lors de la première audience devant le tribunal d’arrondissement.