Pierre Barthelmé a été candidat du CSV dans la circonscription sud. (Photo: CSV)

Pierre Barthelmé a été candidat du CSV dans la circonscription sud. (Photo: CSV)

«Pierre Barthelmé n’est pas suspendu, je ne veux pas lui gâcher sa vie», annonce Étienne Schneider, le ministre de l’Économie, des Classes moyennes et du Tourisme, LSAP, dans un entretien avec paperJam.lu. Pierre Barthelmé est ce premier conseiller de gouvernement au ministère des Classes moyennes et du Tourisme incarnant l’État CSV dans ce qu’il y avait de pire: figurant sur la liste de la circonscription du Sud du CSV, le haut fonctionnaire a cherché à faire le plein de voix et n’aurait pas hésité à utiliser la base de données du Centre des technologies et de l’information de l’État (CTIE) pour obtenir des données sur des électeurs de sa circonscription. 

Dans l’intervalle, d’autres révélations interviendront comme l’utilisation des compétences d’une fonctionnaire du ministère du Tourisme pour traduire de l’allemand au français le programme du CSV pour les législatives du 20 octobre en matière de politique touristique. Or, Laurent Zeimet, le secrétaire général du CSV, avait démenti cette information. Toutefois, le voile pourrait se lever sur d’autres affaires, notamment la nature des (petits) marchés qui ont été conclus entre le ministère du Tourisme du temps de Hetto-Gaasch et une firme de communication appartenant à un proche du CSV pour la confection de brochures publicitaires.

Selon des sources proches du dossier, Barthelmé avait demandé à des collaborateurs du ministère des Classes moyennes et du Tourisme, encore sous la tutelle du CSV Françoise Hetto-Gaasch, de se connecter avec leurs propres logins dans les fichiers du registre des personnes physiques du CTIE, ce que les agents ont refusé. Du coup, le premier conseiller du gouvernement leur a fourni ses propres codes d’accès aux fichiers pour charger ses collaborateurs de la consultation. Lors du changement de gouvernement et le départ du CSV du gouvernement, les langues se sont déliées et l’information de l’utilisation assurément abusive du registre des personnes physiques est arrivé aux oreilles du nouveau ministre Étienne Schneider, lequel convoquera Barthelmé. Dans ce conciliabule, outre le ministre et le premier conseiller, il y aura aussi la secrétaire d’État Francine Closener et le chef du cabinet d’Étienne Schneider Tom Theves.

«Il m’a menti»

Auparavant, une analyse assez sommaire du cas du premier conseiller sera faite par le chef de cabinet du ministre, mais sans entendre les agents ayant été mandatés par Barthelmé pour rentrer dans les fichiers du CTIE. Devant Étienne Schneider, avec lequel il avait fait des études à Bruxelles, Barthelmé jure ses grands dieux qu’il s’agit d’un malentendu et jure, cette fois sur son honneur, que l’usage des fichiers du CTIE rentrait dans le cadre de ses fonctions. «Il m’a menti», explique aujourd’hui Étienne Schneider. Le ministre a sans doute minimisé dans un premier temps la portée de cette affaire révélée par paperJam.lu et reprise au vol par RTL Radio, avant d’être politiquement exploitée par le député ADR Fernand Kartheiser.

C’est à ce moment-là que Schneider prend la mesure du scandale et envoie le dossier Barthelmé devant le commissaire du gouvernement en charge des questions de discipline. Une enquête administration est ouverte, ce que le ministre a confirmé lundi dans sa réponse à la question parlementaire de Kartheiser.

Enquête ouverte au Parquet

Dans le même temps, une plainte est adressée au procureur d’État. L'administration judiciaire a confirmé mardi à paperJam.lu que le 28 janvier dernier, le ministère d'État avait dénoncé les faits l'intrusion dans les fichiers du CTIE et qu'une enquête était en cours contre Pierre Barthelmé pour infraction à la loi sur la protection des données. Un juge d'instruction a d'ailleurs déjà effectué une saisie, probablement au centre informatique et a retourné le dossier au parquet.

En attendant que l’instruction au niveau administratif soit terminée, la question du sort de Pierre Barthelmé se posait: sera-t-il suspendu provisoirement de ses fonctions jusqu’à la fin de l’enquête le visant? La décision est tombée cette semaine, ce sera non.

«Nous avons eu deux réunions avec M. Barthelmé et son avocat. Nous sommes en train de trouver une solution pour l’éloigner et lui trouver une nouvelle affectation, car je ne peux plus avoir confiance en lui et je ne veux plus traiter directement avec lui. Mais il ne peut pas rester chez lui jusqu’à la fin de l’enquête administrative», explique M. Schneider à paperJam.lu. «La décision sur sa nouvelle affectation sera prise la semaine prochaine», poursuit-il. En attendant son nouveau poste de travail, Pierre Barthelmé a pris congé.

Placard doré?

Ce premier verdict (la non-suspension) a été interprété au sein de l’administration comme le signe que l’affaire des fichiers ne relevait pas d’une extrême gravité, ce que le ministre confirme d’ailleurs. «Nous ne sommes pas assez sûrs qu’il y aura une révocation, et il n’est pas d’usage de demander à des hauts fonctionnaires de rester chez eux. D’ailleurs, je ne pense pas qu’il y aura une révocation pour ce qu’il a fait», assure Étienne Schneider, en anticipant ainsi le verdit du commissaire, qui prendra sans doute des mois avant de se prononcer. Le temps de faire oublier Pierre Barthelmé dans son placard doré?