Ancien quartier général de la gestapo au Luxembourg, la Villa Pauly accueille actuellement plusieurs comités du souvenir liés à la Seconde Guerre mondiale. Son avenir n'a pas encore été tranché par le gouvernement même si elle restera dans son giron. (Photo: Licence C.C.)

Ancien quartier général de la gestapo au Luxembourg, la Villa Pauly accueille actuellement plusieurs comités du souvenir liés à la Seconde Guerre mondiale. Son avenir n'a pas encore été tranché par le gouvernement même si elle restera dans son giron. (Photo: Licence C.C.)

Il aura fallu deux ans de travaux législatifs, 19 réunions de la commission des institutions et de la révision constitutionnelle et quatre avis du Conseil d’État pour que la réforme du Service de renseignement de l’État aboutisse devant les députés cette semaine. Une «réorganisation», préfère dire le projet de loi, qui découle directement des graves dysfonctionnements révélés en 2013, mettant en lumière le contrôle inexistant des activités du Srel et son mépris des règles de droit reconnu par son directeur même devant les députés. Le scandale avait conduit à la convocation d’élections anticipées et à la chute du gouvernement Juncker-Asselborn II en octobre 2013.

Cinq axes orientent la réforme choisie par la coalition gouvernementale: renforcement du contrôle du Srel; précision de ses missions; description des moyens et mesures de recherche des renseignements; accès, échange et communication des renseignements, et droits et devoirs des agents du Srel.

Pour autant, la réforme ne fait pas l’unanimité. La Chambre de commerce a réitéré en avril ses réserves sur le rôle du Srel dans le secteur financier, estimant que la Cellule de renseignement financier du Parquet de Luxembourg pouvait gérer seule les affaires de ce type.

Soutenue par les partis de la coalition gouvernementale et le CSV, la réforme a finalement été adoptée jeudi soir malgré le vote contre des députés de Déi Lénk et de l’ADR.

Un Comité pour la mémoire dans l’urgence

L’autre projet de loi avalisé par la Chambre hier aura, au contraire de la réforme du Srel, connu un cheminement législatif accéléré. Déposé en février dernier, le projet de loi visant à créer un Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale a été évacué, suscitant la seule opposition des trois députés de l’ADR.

Ce comité vient en réalité compléter la réorganisation de la recherche sur l’histoire du 20e siècle entamée avec la création de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) qui verra officiellement le jour le 1er juillet prochain. L’IHTP, intégré dans l’Université du Luxembourg sous la forme d’un centre interdisciplinaire dédié à l’histoire contemporaine, l’intégration européenne et le digital, va regrouper les activités de recherche menées au sein des Centres de documentation et de recherche sur la résistance et sur l’enrôlement forcé, du Centre d’études et de recherches européennes Robert Schuman et du Centre virtuel de la connaissance sur l’Europe (CVCE).

Il fallait donc décider de l’avenir des volets mémoriels des deux Centres de documentation et de recherche, installés pour le premier à la Villa Pauly et pour le second à l’ancienne gare de Hollerich, deux sites historiques emblématiques des souffrances infligées par l’occupant nazi. La coalition gouvernementale souhaitait également associer la mémoire de l’holocauste. D’où la création d’un Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale qui va absorber le Comité directeur pour le souvenir de la résistance et son jumeau dédié à l’enrôlement forcé, et qui s’attachera également à commémorer l’holocauste et «les victimes de la Deuxième Guerre mondiale en général», a précisé le conseil de gouvernement en adoptant le projet de loi en février. Des représentants de la communauté juive se joindront donc aux autres membres des comités pour le souvenir existant, réparant une incongruité née de luttes d’influences politiques.

Par la même occasion, les lois du 20 décembre 2002 portant création d'un Centre de documentation et de recherche sur la résistance et du 4 avril 2005 portant création d'un Comité directeur pour le souvenir de l'enrôlement forcé et d'un Centre de documentation et de recherche sur l'enrôlement forcé ont été abrogées.

Voilà un combat de longue date de Ben Fayot, ancien député LSAP, enfin mené à son terme. Mais il reste vigilant. Lui qui réclamait depuis deux décennies la création d’un Institut d’histoire du temps présent va suivre de près les activités de l’IHTP. «J’espère que le volet sur l’histoire contemporaine sera pleinement respecté et qu’il ne sera pas noyé dans la multiplicité des recherches», puisque l’IHTP couvre aussi l’intégration européenne et l’histoire digitale. «Les responsables politiques et universitaires doivent en tenir compte, c’est important pour le Luxembourg et pour son histoire.»

Reste encore à créer la Fondation pour la mémoire de la Shoah, «demandée depuis 2009, revendiquée par la communauté juive et acceptée par le gouvernement en 2015», rappelle Franz Fayot, qui avait publié une carte blanche à ce sujet sur paperjam.lu. «C’est à ce jour le dossier le moins avancé. Or, c’est le plus important parce que la fondation aura pour tâche de susciter et de soutenir des projets pour travailler sur la Shoah dans le présent, pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme renaissants et pour les valeurs d’une société libre et tolérante.»