Guy Goedert, administrateur chargé de direction de l’ULC: «Il faut voir s’il apporte une plus-value.» (Photo: archives Maison Moderne)

Guy Goedert, administrateur chargé de direction de l’ULC: «Il faut voir s’il apporte une plus-value.» (Photo: archives Maison Moderne)

La Commission européenne tente depuis plusieurs années de favoriser l’essor du règlement extrajudiciaire des litiges, qui consiste à amener deux parties en conflit à chercher une solution à l’amiable afin d’éviter des démarches judiciaires longues et coûteuses. Les recommandations de la Commission de 1998 et 2001 n’ayant pas eu les effets escomptés, c’est avec une directive que Bruxelles a récidivé en 2013. Au Luxembourg, le projet de loi devrait passer en début d’année 2016 devant la Chambre des députés. Plusieurs entités de règlement extrajudiciaire des litiges existent déjà au Grand-Duché dans certains secteurs: la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) pour les banques et les PSF, l’Institut luxembourgeois de régulation (ILR) pour les télécommunications (téléphonie, internet, télévision...), l’énergie et les services postaux. La Fegarlux dispose d’une commission interne dédiée aux litiges entre les garagistes et les consommateurs.

Il y a encore les entités copilotées par l’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC) et des associations professionnelles: le médiateur en assurances, la Commission luxembourgeoise des litiges de nettoyage à sec et du textile et la Commission luxembourgeoise des litiges de voyages. Le Centre de médiation civile et commerciale (CMCC) a une portée plus générale mais repose sur une définition stricte de la médiation: le médiateur, un avocat ou un expert, ne doit pas proposer de solution et est rémunéré à taux plein par les parties.

Toutes ces entités, sauf le CMCC, ont en commun de proposer leurs services à titre gratuit avec, in fine, une solution à l’amiable entre le professionnel et le consommateur. Elles peuvent donc aspirer à devenir des «entités qualifiées» au sens du projet de loi. «C’est une bonne chose que le projet de loi définisse le cadre dans lequel les organes vont fonctionner», commente Guy Goedert, administrateur-chargé de direction de l’ULC. Les entités qualifiées devront également offrir un site internet étoffé qui détaille la procédure à suivre et laisse la possibilité de saisir l’entité en ligne.

Le Luxembourg doit aussi créer une entité dite résiduelle, qui sera chargée de traiter les cas délaissés par les entités qualifiées. Il s’agira du Service national du médiateur de la consommation. La première ébauche du projet de loi imaginait un groupement d’intérêt économique copiloté par l’UEL (Union des entreprises luxembourgeoises) et l’ULC. Devant l’opposition des chambres patronales et la tiédeur de l’ULC, la commission de l’économie a finalement placé le médiateur sous l’autorité du ministère de l’Économie. De ce fait, il s’agira d’un service gratuit pour les consommateurs comme pour les professionnels. Mais il ne pourra pas solliciter l’avis d’un expert. Les chambres patronales craignaient que «certaines parties bien informées puissent profiter de cette disposition pour faire effectuer une expertise aux frais des finances publiques».

Il faut voir s’il apporte une plus-value.

Guy Goedert, administrateur-chargé de direction de l’ULC

En pratique, un consommateur ou un professionnel pourra saisir le médiateur si une première tentative de discussion avec son opposant n’a pas abouti. Le médiateur examinera la requête et, s’il la juge recevable, recueillera les documents nécessaires des deux parties et les réunira pour trouver un arrangement. La proposition formulée par le médiateur ne s’imposera pas aux parties mais pourra être homologuée par le juge compétent. Après 11 mois de procédure législative, la commission de l'Économie a finalement remanié les points ayant suscité l'opposition formelle du Conseil d'État concernant l'indépendance et l'impartialité du Service national du médiateur. Le projet de loi reprend donc le fonctionnement du médiateur de la Santé: un chef de service nommé pour cinq ans, et qui peut venir du privé, et des fonctionnaires pour le seconder.

Les Sages s'étaient aussi émus de la possibilité pour le Service national du médiateur de la consommation de choisir lui-même les règles pouvant conduire à un refus de traiter un dossier, y voyant un conflit dans la hiérarchie des normes. Cette clause a été effacée par la commission de l'Économie. «Le projet de loi sera vraisemblablement à l'ordre du jour de la première séance plénière de 2016», estime Franz Fayot, président de la commission de l'Économie.

En tout cas, le médiateur est attendu au tournant – à charge pour lui de réussir son entrée avec une communication soignée. Nul ne sait pour l’instant combien de demandes il aura à traiter. Les chambres patronales craignent qu’il ne soit submergé. Pour Guy Goedert, «il faut voir s’il apporte une plus-value» par rapport au service contentieux de l’ULC. D’ores et déjà, Guy Goedert émet des doutes concernant les litiges dans le bâtiment et l’artisanat. «Ce sera difficile pour le médiateur de trouver une solution à des litiges très techniques» puisqu’il n’aura pas accès à des experts indispensables pour évaluer la cause et le danger d’une fissure ou la qualité d’un crépi.