Selon la CJUE, un juge doit pouvoir exercer un contrôle de la légalité d’une demande d’échange d’informations fiscales entre deux États membres. (Photo: Sébastien Goossens / archives)

Selon la CJUE, un juge doit pouvoir exercer un contrôle de la légalité d’une demande d’échange d’informations fiscales entre deux États membres. (Photo: Sébastien Goossens / archives)

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu ce mardi son arrêt dans une affaire fiscale qui opposait, depuis 2014, Berlioz Investment Fund, maison mère de la société française Cofima, à l’Administration luxembourgeoise des contributions directes (ACD).

À l’époque, Berlioz avait refusé de répondre à une demande d’informations du fisc français qui enquêtait sur son dirigeant, demande relayée par l’ACD qui avait intimé à Berlioz de répondre à des questions telles que les caractéristiques du siège de direction à Luxembourg, le nombre de salariés ou encore les participations du fonds dans d’autres sociétés.

Injonction contestée

Berlioz avait répondu à toutes les questions sauf celles concernant les noms et les adresses de ses associés, le montant du capital détenu par chacun d’entre eux et le pourcentage de détention de chaque associé, au motif que ces informations n’étaient pas pertinentes pour le contrôle effectué par l’administration fiscale française.

Ce refus avait valu au fonds d’investissement une amende – de la part de l’ACD – de 250.000 euros, réduite après qu’elle a été contestée devant le tribunal administratif à 150.000 euros.

Un appel avait alors été interjeté devant la Cour administrative qui avait à son tour demandé un arbitrage de la CJUE. Avec pour objectif de trancher entre deux impératifs: d’un côté, la lutte contre la fraude fiscale dictée par les règles du Forum mondial sur la transparence fiscale et l’OCDE, et de l’autre, le respect de la Charte européenne des droits fondamentaux qui donne à tout citoyen le droit de contester un acte administratif.

Dans l’arrêt qu’elle a rendu ce mardi, la CJUE a tout d’abord considéré que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne était applicable dans cette affaire puisque pour infliger une amende à Berlioz – suite à son refus de transmettre les informations souhaitées – les autorités luxembourgeoises avaient mis en œuvre la directive européenne sur la coopération administrative dans le domaine fiscal.

Pas de recherches tous azimuts

Mais la CJUE ajoute qu’une telle décision d’injonction ne peut être légale que si les informations demandées sont «vraisemblablement pertinentes» pour les besoins de l’enquête dans l’État membre qui les sollicite, ajoutant que l’obligation qui incombe aux autorités fiscales d’un État membre de coopérer avec les autorités fiscales d’un autre État «s’étend uniquement à la communication d’informations ‘vraisemblablement pertinentes’».

«Les États membres ne sont pas libres d’effectuer des recherches tous azimuts ni de demander des informations dont il est peu probable qu’elles concernent la situation fiscale du contribuable concerné», poursuit encore la Cour de justice de l’Union européenne, soulignant encore que s’il appartient aux États membres de déterminer les informations dont ils ont besoin, «ils ne sauraient pour autant demander des informations sans aucune pertinence pour l’enquête en cours, le destinataire d’une décision d’injonction devant pouvoir invoquer en justice la non-conformité de la demande d’informations avec la directive et, partant, l’illégalité de la décision d’injonction qui en résulte.

Légalité sous contrôle

Pour la CJUE, les autorités de l’État requis – en l’occurrence les autorités fiscales luxembourgeoises dans cette affaire – ne doivent pas se limiter à une vérification sommaire et formelle de la régularité de la demande d’informations, «mais doivent également s’assurer que les informations demandées ne soient pas dépourvues de toute pertinence vraisemblable pour les besoins de l’enquête fiscale compte tenu de l’identité du contribuable visé par l’enquête et la finalité de celle-ci».

Enfin, la CJUE indique encore que le juge – luxembourgeois dans ce cas – de l’État requis doit pouvoir exercer le contrôle de la légalité de la demande, en ayant accès à celle-ci ainsi qu’à tout autre élément d’information complémentaire que les autorités de l’État requis ont pu se voir transmettre par les autorités de l’État requérant.

Sur base de cet arrêt, c’est à la Cour administrative qu’il appartient désormais de trancher ce litige entre Berlioz et l’ACD.