Le président de la Commission a livré un discours d’action avant la dernière année complète de son mandat. (Photo: Flickr)

Le président de la Commission a livré un discours d’action avant la dernière année complète de son mandat. (Photo: Flickr)

Une Europe qui va mieux, une conjoncture économique favorable, voilà la toile de fond plus favorable que les années précédentes pour l’avant-dernier discours sur l’état de l’Union de Jean-Claude Juncker. L’occasion de livrer un «message d’unité et de confiance» selon les mots de Yuriko Backes, Chef de la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg.

«C’était un des meilleurs discours de M. Juncker», estime Claude Turmes, eurodéputé des Verts. «Enfin un moment d’optimisme a régné sur le Parlement», renchérit Mady Delvaux-Stehres, eurodéputée du groupe S&E. «Avec le constat que l’Europe va mieux, mais qu’il ne faut pas se reposer et profiter de cette fenêtre d’opportunités.»

Signe de cet état d’esprit positif adopté par le président de la Commission européenne: il a proposé de fixer au 30 mars 2019, le lendemain de la sortie officielle du Royaume-Uni de l’UE, un sommet spécial où sera prise la «décision de rendre l’UE plus forte».  

M. Juncker s’est véritablement concentré sur ce qui est faisable.

Viviane Reding, eurodéputée PPE

«C’était un discours très réaliste», se réjouit Viviane Reding (PPE). «M. Juncker s’est véritablement concentré sur ce qui est faisable et non sur des grandes idées sans fondement. Par exemple sur le commerce extérieur, où il a parlé de la réciprocité qui doit s’installer entre ce que peuvent faire les entreprises des autres pays et ce que nous pouvons faire dans ces pays. Concernant le dumping des investisseurs qui achètent des entreprises en Europe, il a annoncé un système de contrôle des investisseurs. Pour le digital, il annonce la création d’une agence de cybersécurité…» Idem pour l’échange automatique des données entre forces de l’ordre de tous les pays face au terrorisme, dont il voudrait confier les poursuites au futur procureur européen.

Le président de la Commission européenne a aussi livré son 6e scénario – après les cinq sur l’avenir de l’UE exposés dans le livre blanc de la Commission en mars dernier. «C’est un scénario ‘faire plus ensemble avec des mécanismes décisionnels plus efficaces’», résume Charles Goerens (Alde). Un scénario séduisant en tout cas, puisque les eurodéputés applaudissent la proposition de fusionner le président de la Commission et celui du Conseil. «C’est le point politique le plus courageux», souligne Claude Turmes. M. Juncker souhaite également instituer un ministre européen de l’Économie et des Finances qui endosserait la présidence de l’Eurogroupe et la vice-présidence de la Commission. En balayant les desiderata de certains de créer un Parlement de la zone euro, ce qui ravit aussi les eurodéputés.

«M. Juncker ne veut pas forcément plus d’Europe, mais une Europe plus efficace, basée sur les valeurs européennes qui doivent encadrer tout ce qu’on fait: libertés fondamentales, égalité des droits et État de droit. Il n’est pas un avocat de l’Europe à plusieurs vitesses. Dans sa vision, tous les États devraient participer à toutes les politiques et on doit les soutenir dans cette direction», qu’il s’agisse de Schengen ou de l’adhésion à la zone euro, pour laquelle M. Juncker suggère un programme de convergence.

Revirement sur la fiscalité

Coquetterie de l’ancien Premier ministre luxembourgeois: suggérer l’abandon des votes à l’unanimité sur des questions aussi cruciales que la fiscalité pour passer à des votes à la majorité qualifiée. «C’est sûr que le Luxembourg ne va pas être heureux, mais c’est logique», commente Mady Delvaux-Stehres. «Si nous voulons un marché unique qui fonctionne véritablement, nous devons pouvoir décider rapidement, ne pas perdre de temps, préserver nos entreprises, protéger les produits et services euros, combattre le dumping», souscrit Viviane Reding.

Même souplesse du côté de Charles Goerens. «C’est délicat, mais on voit bien que s’opposer en permanence ne fait guère avancer en la matière. La place financière est plus résiliente que dans le temps.»

Le président de la Commission ne remporte toutefois pas l’adhésion unanime des eurodéputés. S’il assure que les prochains accords commerciaux seront négociés en toute transparence, Claude Turmes en doute. «Je me méfie beaucoup parce qu’il vient de finaliser un accord politique avec le Japon sans aucune transparence.» Idem pour le code de conduite suggéré pour s’assurer de l’intégrité des futurs commissaires européens.

L’eurodéputé Vert souligne encore l’environnement et le changement climatique à peine évoqués dans le discours de M. Juncker, des préoccupations pourtant bien actuelles entre l’avenir du diesel et le récent passage d’ouragans dévastateurs dans les Caraïbes. Aucun mot non plus sur l’agriculture.