Yves Nosbusch: «La dernière cartouche de la BCE semble bien être un programme d’achats obligataires à grande échelle». (Photo : DR)

Yves Nosbusch: «La dernière cartouche de la BCE semble bien être un programme d’achats obligataires à grande échelle». (Photo : DR)

Après avoir annoncé des mesures importantes en juin, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a encore une fois agi de façon décisive à l’occasion de sa réunion du 4 septembre en annonçant non seulement une baisse additionnelle de 10 points de base de ses taux directeurs, mais aussi la mise en œuvre d’un programme d’achats d’Asset Backed Securities (explication sur les ABS et rôle potentiel).

Le rôle clé des anticipations d’inflation à moyen terme

La raison principale de ce renforcement des actions de la BCE est le décrochage des anticipations d’inflation à moyen terme observé au cours de l’été. L’un des indicateurs les plus suivis est l’anticipation d’inflation pour une période de cinq ans commençant dans cinq ans, c’est-à-dire l’inflation anticipée par le marché pour la période 2019-2024 (plus précisément le taux d’inflation pour cette période qui serait cohérent avec les prix d’instruments actuellement traités sur les marchés). Cet indicateur a sensiblement baissé depuis le début de l’été pour tomber sous le seuil des 2%.

Avant le discours du président de la BCE lors de la conférence de Jackson Hole le 22 août, la BCE avait toujours insisté sur le fait que, même si l’inflation mesurée avait atteint des niveaux historiquement bas au cours des derniers mois, les anticipations d’inflation à moyen terme étaient restées stables autour de 2%. Le décrochage de ces anticipations au cours des derniers mois est inquiétant puisqu’il laisse supposer que le marché commence à douter de la capacité de la BCE d’atteindre un niveau d’inflation de 2% à moyen terme.

Le danger est que ce processus pourrait devenir autoréalisateur: lorsque les acteurs économiques anticipent une inflation très basse pour une période prolongée, ces anticipations seront reflétées dans la négociation de nombreux contrats et donc dans la formation des prix. Le risque de basculer dans une véritable déflation en cas de choc négatif additionnel deviendrait alors également plus important.

Quel est l’effet escompté des mesures annoncées par la BCE et seront-elles suffisantes pour rapprocher l’inflation du niveau de 2% à moyen terme?

Un effet indirect, mais important, des baisses récentes des taux directeurs porte sur le taux de change. L’euro s’est en effet sensiblement déprécié par rapport aux principales devises mondiales au cours des derniers mois. L’annonce du 4 septembre en particulier était suivie d’une dépréciation marquée. Ce mouvement du taux de change se traduira de façon mécanique par une hausse de l’inflation via le prix des importations.

Relance du crédit et de l’investissement

Les nouvelles opérations de refinancement à long terme (TLTRO) et les achats d’ABS devraient contribuer à relancer le marché du crédit et de l’investissement, en particulier dans les pays du sud de la zone euro. Néanmoins, les effets de ces mesures ne se feront vraisemblablement pas sentir immédiatement.

Si ces mesures ne suffisaient pas, la BCE se retrouverait dans une situation de plus en plus délicate. Comme Mario Draghi l’a indiqué, les taux directeurs semblent avoir atteint leur «lower bound». La «dernière cartouche» de la BCE semble bien être un programme d’achats obligataires à grande échelle.