Corde au cou, la femme menaçait de se jeter du troisième étage du Palais de justice. (Photo: DR)

Corde au cou, la femme menaçait de se jeter du troisième étage du Palais de justice. (Photo: DR)

9 heures, jeudi matin, le son d’une corne de brume retentit dans tout le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, faisant d’abord penser à une sirène enrouée. Un homme retranché dans un recoin du couloir au troisième étage avec son épouse veut attirer l’attention du public. Ils portent une corde rouge autour du cou qui les relie entre eux et qu’ils ont attachée à un pilier. L’homme tient une pancarte sur laquelle est écrit que l’on va vendre sa maison et qu’il s’agit d’une injustice.

Sa femme est à califourchon sur la balustrade et menace de se jeter dans le vide, ce qui entraînerait son mari dans sa chute.

Aussitôt, une des avocates présentes dans les couloirs du Palais de justice entame la discussion avec l’homme, qui lui parle de sa détresse.

Après un conflit de voisinage vieux de 15 ans lié à une servitude, le couple est condamné par le tribunal à payer une astreinte qui ne sera pas plafonnée. Les sommes en jeu sont colossales, selon l’avocat du couple. Il s’agit de plusieurs centaines de milliers d’euros. Pour rembourser, leur maison à Bertrange a été saisie et doit faire l’objet d’une vente forcée.

Interpellation musclée

L'homme demande alors à voir un juge. L'une d'elle interrompt son audience et prend le relais pour lui parler et tenter d’apaiser la situation, avant que la police intervienne et interpelle de façon musclée le couple et sécurise les lieux.

Au passage, la magistrate nous interpelle en nous interdisant de filmer et en rappelant le droit à l’image. Lui signifiant notre qualité de journaliste, notre devoir d’informer, l’intérêt général que présentait cet incident, et surtout lui rappelant que les journalistes sont en principe autorisés à filmer et prendre des photos s’agissant d’un lieu à accès public (la salle des pas perdus se prête en général aux interview des avocats et témoins en margé des procès), la juge, visiblement sous le coup de l’émotion, nous interpelle: «Vous ne pouvez pas être journaliste avec un iPhone», comme s’il fallait être armé d’une caméra conventionnelle pour faire son travail et rapporter des faits aussi exceptionnels.

La juge nous a ensuite énergiquement enjoints à regagner notre audience, ce que nous avons d’ailleurs refusé de faire en évoquant le droit des journalistes de faire leur travail.

Par la suite, la magistrate nous a approché avec autorité pour nous interdire de publier sa photo ainsi que celle du couple en détresse et des autres protagonistes.  

La question principale autour de ce drame est celle de la sécurité au Palais de justice. Le couple, qui ne disposait d'aucune convocation, a pu entrer au Palais de justice, le lieu étant à accès public. On peut aussi se demander pourquoi un dispositif de sécurité n'a pas été prévu lors de la construction du Bâtiment pour empêcher que des gens, souvent en détresse morale, se jettent dans le vide.

Selon nos informations, des installations de sécurité avaient été réclamées par des magistrats en 2008 lorsque le bâtiment fut livré, mais l'architecte s'y était farouchement opposé.

L'incident de jeudi matin pourrait relancer la discussion sur la nécessité de sécuriser les lieux.