La Villa Pauly, réquisitionnée par la gestapo dès 1940 et emblème des souffrances infligées aux résistants, abrite le Centre de documentation et de recherche sur la résistance, la Fondation nationale de la résistance (Fonares), la Conférence nationale de la résistance et le Comité directeur sur la résistance qui sera bientôt intégré dans le Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale.  (Photo: Licence CC)

La Villa Pauly, réquisitionnée par la gestapo dès 1940 et emblème des souffrances infligées aux résistants, abrite le Centre de documentation et de recherche sur la résistance, la Fondation nationale de la résistance (Fonares), la Conférence nationale de la résistance et le Comité directeur sur la résistance qui sera bientôt intégré dans le Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale.  (Photo: Licence CC)

Voilà une affaire rondement menée. À peine un mois après le vote du projet de loi prévoyant la disparition du Centre virtuel de la connaissance sur l’Europe (CVCE) et son intégration dans le futur Institut d’histoire du temps présent (IHTP), le conseil de gouvernement a adopté hier un nouveau texte réglant cette fois la question du devoir de mémoire.

L’IHTP est en effet voué à porter la «recherche scientifique, critique et objective sur notre histoire contemporaine» et doit réunir, outre le CVCE, le Centre d’études et de recherches européennes Robert Schuman ainsi que le volet recherche des Centres de documentation et de recherche sur la résistance et l’enrôlement forcé. Restait en suspens le sort des missions mémorielles de ces deux derniers centres.

Le Centre de documentation et de recherche sur la résistance, comme son faux jumeau sur l’enrôlement forcé, créés respectivement en 2002 et 2005, avaient jusqu’à présent, comme leur nom l’indique, une double vocation qui a suscité de nombreuses critiques. D’abord sur la légitimité de tels centres dédiés à une seule cause spécifique, nourrissant les soupçons selon lesquels ces centres étaient créés comme autant de cadeaux à tel ou tel groupe d’influence. Le refus d’ériger un troisième centre qui serait dévolu à l’Holocauste a aussi nourri certaines rancœurs et incompréhensions.

Enfin, le fait que ces centres soient rattachés au ministère d’État et non à celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a aussi prêté à la critique. Mais si Jean-Claude Juncker était en première ligne en tant que chef du gouvernement, il ne faut pas non plus oublier que le CSV partageait le pouvoir à l’époque de l’émergence des centres de documentation et de recherche: avec le DP jusqu’en 2004, puis avec le LSAP.

Distinguer recherche et souvenir

C’est donc finalement en ordre dispersé et au coup par coup que s’est dessinée la recherche sur l’histoire du Grand-Duché autour de la Seconde Guerre mondiale. Indépendamment des centres de documentation et de recherche, certains historiens comme Vincent Artuso et Denis Scuto sont venus ébranler la mémoire collective en revisitant la réalité de l’Occupation, que ce soit à propos de la spoliation des biens appartenant aux juifs, de l’action réelle de la Commission administrative ou encore de l’attitude de la population luxembourgeoise face à l’occupant nazi.

Le programme de la coalition gouvernementale issue des urnes en 2013 est venu bousculer l’ordre établi en annonçant la création d’un Institut d’histoire du temps présent qui exfiltrerait «une partie des ressources» des Centres de documentation et de recherche sur la résistance et sur l’enrôlement forcé. Motif: «Il importe de différencier dans le cadre institutionnel luxembourgeois d'un côté la recherche historique et, de l'autre, le devoir de mémoire. L’Institut de l'histoire du temps présent aura ainsi pour mission une recherche scientifique, critique et objective sur notre histoire contemporaine, objet bien différent d'un centre/comité du souvenir sur la résistance et les victimes du nazisme.»

Un comité dédié à toutes les victimes

L’IHTP devrait officiellement voir le jour le 1er juillet prochain – c’est en tout cas ce qui est prévu dans la loi entérinant l’intégration du CVCE dans ce nouveau centre interdisciplinaire de l’Université. Restait à régler l’avenir des Centres de documentation et de recherche, dont la partie recherche rejoindra l’IHTP. Interrogé par Paperjam dans son édition de février, le gouvernement assurait que les lieux de mémoire dans lesquels sont installés les deux centres, à savoir la Villa Pauly et l’ancienne gare de Hollerich, seraient préservés, sans plus de précisions.

L’annonce du conseil de gouvernement confirme en tout cas la volonté de la coalition de clarifier les rôles dans le domaine de l’histoire luxembourgeoise durant la Seconde Guerre mondiale. Exit le Comité directeur pour le souvenir de la résistance et son pendant dédié à l’enrôlement forcé, place à un organe unique: le Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale, dont l’envergure sera bien plus large puisqu’elle couvrira la résistance, l’enrôlement forcé, la Shoah et «les victimes de la Seconde Guerre mondiale en général». «Des représentants de la communauté juive» se joindront aux membres des comités pour le souvenir existants.

La Chambre des députés devra se prononcer sur un projet de loi portant création d’un Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale et portant abrogation de deux lois: celle du 20 décembre 2002 portant création d’un Centre de documentation et de recherche sur la résistance et celle du 4 avril 2005 portant création d’un Comité directeur pour le souvenir de l’enrôlement forcé et d’un Centre de documentation et de recherche sur l’enrôlement forcé.