Katia Manhaeve (Allen & Overy)  (Photo : Olivier Minaire)

Katia Manhaeve (Allen & Overy)  (Photo : Olivier Minaire)

La propriété intellectuelle peut devenir un élément central dans le développement d’une entreprise. Encore faut-il en prendre conscience, comprendre les moyens de la protéger… et de l’utiliser !

Me Manhaeve, les dirigeants d’entreprise de la Place ont-ils conscience que la propriété intellectuelle (PI) peut devenir un vecteur stratégique pour le développement de leur entreprise ? N’est-on pas trop souvent limité à une vision nationale, ou à la simple protection d’un acquis ?

« Si les dirigeants luxembourgeois semblent de plus en plus sensibles à la question de l’existence d’un patrimoine intellectuel dans leur entreprise, en prenant conscience de l’atout que celui-ci peut représenter (notamment suite à la publicité qui a été faite de la nouvelle législation sur la défiscalisation partielle des revenus tirés de droits de propriété intellectuelle), il reste beaucoup à faire au niveau de la protection, de la gestion et de l’exploitation effective de ce patrimoine. Par ailleurs, à l’heure où le commerce de produits et de services, tout comme les travaux de recherche, s’arrêtent rarement aux frontières nationales, le développement de ce patrimoine à une échelle internationale est de plus en plus important. Corollairement, les risques de contrefaçon de ce dernier sont décuplés. La question, pour une entreprise, de la protection de ses droits de propriété intellectuelle au-delà des frontières est donc cruciale. Malheureusement cet enjeu est parfois mal mesuré.

Il y a la législation sur la PI, et tout ce qui relève des contrats qui y sont associés : cession, licence... Les entreprises ont-elles conscience de l’usage qu’elles peuvent en faire ? Ou bien est-ce encore limité à des types de structures particulières ?

« Les entreprises détiennent parfois un cocktail détonnant entre les mains, mêlant droits de propriété intellectuelle utilisés en interne voire exploités par des tiers, d’une part, et mauvaise gestion voire absence de titularité sur ces mêmes droits, d’autre part. Les différences entre ce qui est stipulé contractuellement (si un contrat existe !) et la réalité sont parfois étonnantes. Trop souvent aussi les entreprises ne tiennent pas compte de l’évolution future de leur activité.

Une telle situation ne manque pas de poser de sérieux problèmes dans certains cas. La gestion a posteriori d’un conflit comporte des difficultés juridiques pratiques non négligeables : l’entreprise se retrouve souvent acculée et ne dispose plus que d’une très petite marge de négociation s’agissant de la contrepartie financière à verser au titulaire des droits.

Contrairement aux idées reçues, la bonne gouvernance en amont de ces droits et leur documentation contractuelle ne représentent pas néces­sairement un investissement humain ou financier très important. Par contre, le retour sur investissement peut être, lui, capital.

La législation sur les revenus tirés de la PI a-t-elle fait évoluer le point de vue des entreprises sur l’utilisation et le développement de la PI ?

« Même si l’engouement créé par l’article 50bis LIR exonérant partiellement les revenus liés à certains droits de propriété intellectuelle n’a peut-être pas été à la hauteur de certaines espérances, celui-ci a permis de donner plus de visibilité aux droits de propriété intellectuelle et a largement participé à la sensibilisation des dirigeants d’entreprises à la question. Cependant, il reste du travail à accomplir dans ce domaine. Un bon point de départ pour tout dirigeant est sans doute de commencer par comprendre les clefs du système des droits de propriété intellectuelle pour être à même de les identifier et de les valoriser, contractuellement notamment. »