Philippe Ledent: «Avec la dénonciation de l’accord, le risque géopolitique auquel les prix pétroliers sont sensibles augmente inévitablement.» (Photo: ING Belux)

Philippe Ledent: «Avec la dénonciation de l’accord, le risque géopolitique auquel les prix pétroliers sont sensibles augmente inévitablement.» (Photo: ING Belux)

Une telle décision n’est pas sans conséquence, bien qu’il soit un peu tôt pour en déterminer toute la portée. L’effet le plus direct est évidemment visible sur le marché du pétrole, l’Iran étant un producteur important (4,5 millions de barils/jour). Avec la dénonciation de l’accord, le risque géopolitique auquel les prix pétroliers sont sensibles augmente inévitablement. C’est une des raisons (mais pas la seule) pour laquelle le prix du Brent s’installe à présent au-dessus des 75 dollars le baril. De plus, si la capacité de l’Iran à exporter son pétrole devait être durement affectée (durant la période de sanctions, la production était de 1 million de barils/jour inférieure au niveau actuel), la baisse de l’offre sur le marché mondial pourrait encore pousser le prix à la hausse, bien que d’autres facteurs peuvent jouer en sens contraire (dont une augmentation de la production…américaine). 

Le retrait des États-Unis de l’accord pourrait donc compromettre l’ensemble des relations commerciales récemment nouées.

Philippe Ledent, senior economist, ING

Néanmoins, puisque les pays européens sont, jusqu’à présent, demandeurs de maintenir l’accord, on pourrait se dire que l’impact sur le commerce avec l’Iran (qui offre un marché très important à de nombreuses entreprises) restera limité. Les dirigeants iraniens ont d’ailleurs exprimé leur souhait de maintenir l’accord (donc, de ne pas relancer leur programme nucléaire) si les autres parties prenantes compensent l’absence américaine. Mais la situation est complexe dans la mesure où les États-Unis sanctionnent toute entreprise ayant des activités avec les pays «blacklistés», et ce même si l’entreprise n’est pas américaine. Il suffit que celle-ci ait des activités aux États-Unis. Le retrait des États-Unis de l’accord pourrait donc compromettre l’ensemble des relations commerciales récemment nouées. 

Scénario catastrophe

L’impact direct de la décision américaine ne peut donc être négligé. Mais le plus important est peut-être encore ailleurs. Le pire scénario serait que l’Iran relance son programme nucléaire. Le pays pourrait alors se doter, dans un court délai, de l’arme nucléaire, ce qui pousserait probablement d’autres pays de la région, comme l’Arabie saoudite, à s’en doter (en l’achetant, cette fois), faisant de la région une zone de tensions «ultimes». Heureusement, on n’en est pas encore là. La communication n’est pas rompue avec les pays européens, et le président Trump lui-même a émis le souhait de négocier un nouvel accord. Ceci étant, il s’agit d’un dossier géopolitique de plus sur la table des analystes des marchés financiers. Potentiellement, il peut faire grimper les prix pétroliers, compliquer les relations commerciales internationales et représenter une menace géopolitique. En bref, cette décision est une menace, une de plus, pour la croissance mondiale.