Pour Marc Saluzzi (Alfi), au-delà des records symboliques, il faut se concentrer sur la solidité du centre financier dans son ensemble. ( Photo: Julien Becker / archives )

Pour Marc Saluzzi (Alfi), au-delà des records symboliques, il faut se concentrer sur la solidité du centre financier dans son ensemble. ( Photo: Julien Becker / archives )

Ils seront encore plusieurs centaines à converger des quatre coins du monde vers le centre de congrès de Luxembourg-Kirchberg, pour l’édition 2014 de la Global Distribution Conference, organisée par l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi), en collaboration avec la Nicsa (National Investment Company Service Association) et HKIFA (Hong Kong Investment Funds Association).

Un événement majeur dans l’univers des fonds d’investissement, qui permet un large tour d’horizon des dernières tendances et meilleures pratiques, ainsi que des évolutions dans les dossiers réglementaires. Le focus, cette année, sera fait sur les produits de pension, avec quelques cas concrets, notamment venus d’Australie, dont le système est souvent cité en exemple. Et l’intervenant sur le sujet est à ranger dans la catégorie des «gros calibres»: l’ancien ministre australien Nick Sherry, qui fut le premier à avoir eu en charge les superannuation (le régime des retraites) et qui, depuis fin 2012, est senior advisor chez Citigroup à Sidney.

Il sera également question du lancement d’une initiative en collaboration avec la Luxembourg School of Finance (LSF) et, ultérieurement, probablement d’autres acteurs: la mise en place d’une base de données la plus exhaustive possible sur l’industrie des fonds. «Nous avons des fonds souscrits en provenance du monde entier et nous nous sommes rendu compte que nous disposions d’une mine d’or en termes d’informations qu’il serait très pertinent de pouvoir exploiter au niveau académique, explique Marc Saluzzi, le président de l’Alfi. Cela nous tient à cœur et pourrait ainsi renforcer la valeur ajoutée du centre fonds.»

En termes de valeur, la Place luxembourgeoise n’a, pour l’heure, pas grand-chose à envier à ses concurrentes. Bien au contraire. Les dernières statistiques montrent une progression quasi permanente (voir encadré), principalement portée par des souscriptions nouvelles. Et alors que la tendance générale internationale est plutôt à une diminution du nombre de fonds, le total reste relativement stable au Grand-Duché.

L’écosystème est, par ailleurs, en train de s’enrichir dans le sillage de la transposition de la directive AIFM. Selon les données publiées par la Commission de surveillance du secteur financier fin juillet, pas moins de 151 gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (GFIA) ont reçu l’agrément, alors que 64 autres dossiers étaient, à ce moment-là, encore en cours d’instruction.

Parallèlement, 487 autres entités se sont vu attribuer le statut de GFIA enregistrés. «Ce sont des chiffres qui sont très bons, se réjouit M.Saluzzi. Ils nous placent en deuxième position en Europe derrière la France. Mais il faut savoir qu’à la base, la France compte un nombre de sociétés de gestion considérable qui est presque le double qu’au Luxembourg.»

La grande crainte des professionnels de la Place était surtout que les fonds alternatifs se tournent vers d’autres juridictions, compte tenu des exigences initiales élevées en matière de «substance». «Nous avons mis 30 ans pour créer une telle substance pour les fonds Ucits. Ici, il a fallu que ce soit tout de suite le cas. Et globalement, ça se passe bien. On le remarque aussi en termes d’emploi: pendant très longtemps, le nombre de personnes employées dans les sociétés de gestion tournait autour de 3.000. On est passé à plus de 3.200 emplois en quelque temps. Ce n’est peut-être pas spectaculaire, mais cela représente tout de même une progression de 7-8% de l’emploi total. Nous allons évidemment surveiller le phénomène pour voir s’il se confirme.»

Cela ne sera évidemment pas le seul point surveillé de près par l’Alfi au cours des prochains mois. Car même si tous les voyants sont au vert, la pression réglementaire reste encore très intense. À commencer par la grande inconnue qui plane toujours concernant la potentielle taxe sur les transactions financières. À moins d’être devin, impossible de savoir à quelle sauce pourraient être mangés (ou pas) les fonds d’investissement domiciliés au Luxembourg.

Beps fait également partie des autres préoccupations du moment. Derrière cet acronyme se cache l’initiative Base Erosion and Profit Shifting («Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices») lancée par le G20 et pilotée par l’OCDE et qui se penche sur la dualité entre les bénéfices de groupes internationaux déclarés à des fins fiscales et le lieu géographique où se déroule réellement l’activité générant ces bénéfices. «Beps n’a pas été écrite pour des fonds d’investissement vendus sur un modèle crossboarder, mais elle pourrait tout de même s’imposer à nous», s’inquiète M. Saluzzi, qui plaide depuis longtemps pour une amélioration du statut fiscal des fonds d’investissement, en particulier autour de la taxe d’abonnement qui continue d’être prélevée au Luxembourg.

Peut-être le président de l’Alfi aura-t-il été rassuré par des récentes déclarations de Pierre Gramegna. Rappelant qu’en 2010, l’OCDE avait adopté un rapport pour accorder le bénéfice des conventions fiscales aux revenus des OPC, le ministre des Finances a affirmé, dans le cadre d’une réponse à une question parlementaire de Laurent Mosar (CSV) que le plan d’action lancé pour lutter contre l’optimisation fiscale des multinationales n’irait donc pas à l’encontre dudit rapport. «Ceci a été expressément mentionné et confirmé dans le groupe sur l’usage abusif des conventions», a précisé M. Gramegna.

Enfin, certaines dispositions évoquées dans la version II de la directive Mifid sont, elles aussi, susceptibles d’avoir un impact non négligeable sur le marché, en particulier sur des questions de rémunération et de commissions.

Pas de quoi, pour autant, détourner les acteurs de l’industrie de leurs objectifs initiaux: multiplier par deux (de 250 à 500 milliards) les actifs gérés dans la sphère alternative, en particulier en matière de hedge funds et d’equity funds; renforcer la compétitivité de la Place vis-à-vis des autres centres financiers et attirer, voire former, les talents clés. «Cela passe par encore davantage de promotion, estime M. Saluzzi. C’est fondamental! Pour l’heure, on dépense beaucoup sur le sujet, mais on n’investit pas… Quand on voit que l’on a augmenté les actifs gérés de plus de 200 milliards d’euros depuis le début de l’année, on se rend compte qu’investir dans les fonds pourrait facilement garantir un pay back pour l’État.»