«Nous voulons évoluer vers une sorte de ‘check-in’, comme aux aéroports, que l’on peut faire à domicile, et qu’à la sortie, l’hôpital soit toujours avec le patient à travers une application», explique Claude Schummer. (Photo: Matic Zorman)

«Nous voulons évoluer vers une sorte de ‘check-in’, comme aux aéroports, que l’on peut faire à domicile, et qu’à la sortie, l’hôpital soit toujours avec le patient à travers une application», explique Claude Schummer. (Photo: Matic Zorman)

Vous êtes à la tête des Hôpitaux Robert Schuman (HRS) depuis le 31 décembre 2016, qu’est-ce qui vous a poussé à prendre ce poste?

Claude Schummer. – «Je pense que l’hôpital est l’élément dans le domaine de la santé qui va changer le plus rapidement dans les 10 années à venir. Il va y avoir des transformations profondes dans la façon dont l’hôpital travaille, et c’était un grand challenge de participer à cette aventure et de développer une vision pour l’hôpital de demain.

Quelle vision avez-vous justement pour les HRS?

«Nous souhaitons aller vers une médecine que nous avons appelée ‘des quatre P’: de précision, personnalisée, prédictive et préventive. Dans la médecine de précision, nous sommes axés sur l’assistance robotique, parce qu’elle permet de réaliser un geste ultra-précis et des mouvements impossibles à exécuter avec une main ou un œil humains. Le groupe était le premier du pays en 2013 à investir dans la robotique, et cette année, nous avons acheté un deuxième robot pour l’urologie et la chirurgie viscérale. Dans le domaine de la chirurgie orthopédique, nous misons également sur les nouvelles technologies et l’innovation. Ainsi, nous avons été le premier établissement de santé luxembourgeois à acquérir un robot spécialisé. Nous observons également qu’avec l’introduction de l’assistance robotique, nous avons diminué nos journées d’hospitalisation: le patient sort plus rapidement de l’institution.

Vous voulez également instaurer une médecine personnalisée?

«Via la transformation digitale, nous souhaitons exploiter les grandes banques de données que nous possédons, les structurer et y insérer de l’intelligence artificielle. Le but est d’avoir des indicateurs qui nous permettront de dire que ce traitement va marcher sur ce patient, mais pas sur celui-là, de prévoir les effets secondaires, potentiellement graves. Cette année, nous avons ajouté un département de la digitalisation, parce que la ressource digitale est essentielle dans la clinique, il faut savoir l’utiliser à bon escient. Le directeur de ce département, Damien Dietrich, est arrivé en mai dernier en tant que chief digital medical officer du grand hôpital universitaire de Genève. Il est médecin et expert en IT, et il permet de faire le lien entre les soignants et les IT pures.

Vous allez également mettre en place un centre d’innovation autour de la digitalisation médicale? 

«Il devrait être opérationnel en 2019. Nous sommes en train d’organiser un partenariat stratégique avec l’hôpital universitaire Genève. Nous allons d’abord nous concentrer sur des applications patients, nous voulons évoluer vers une sorte de ‘check-in’, comme aux aéroports, que l’on peut faire à domicile, et qu’à la sortie, l’hôpital soit toujours avec le patient à travers une application. Nous pourrons encore raccourcir les séjours, l’hospitalisation continuera à l’extérieur de l’hôpital. Nous travaillerons aussi avec des partenaires externes, comme des centres de recherche. Nous allons réaliser une refonte de notre site internet en 2019, avec des applications d’e-learning, afin d’axer l’ensemble sur le patient.

Vous avez également lancé un projet d’une nouvelle tour sur le site du Kirchberg...

«Ce qui est aujourd’hui acté, c’est que l’on va déménager la clinique Sainte-Marie d’Esch-sur-Alzette. Pour le reste, il y a beaucoup de projets que l’on envisage de déplacer dans la tour du Kirchberg. Nous sommes autorisés à construire une tour de 17 étages. Nous avons pris l’option d’avoir une politique à deux sites: un site où nous nous concentrerons sur la médecine aigüe, et un site pour la médecine programmée, et en particulier un centre de traitement du cancer, au sein de la nouvelle construction. Nous aimerions déménager au plus tard en 2023, le concours d’architecte a déjà été réalisé, le projet devrait représenter un investissement d’un peu plus de 100 millions d’euros.

La formation du nouveau gouvernement a entraîné la nomination d’Étienne Schneider à la tête du ministère de la Santé. Quel est votre sentiment sur ce changement?

«Je me permets tout d’abord d’insister sur le fait que j’avais une excellente relation avec Lydia Mutsch. Étienne Schneider est quelqu’un d’extrêmement dynamique, et comme le secteur de la santé est en plein développement, je pense que ce sera la bonne personne pour accompagner ces changements. Tout le monde associe Étienne Schneider avec un certain dynamisme. C’est lui qui a thématisé l’étude Rifkin.

D’un point de vue plus général, quelle est votre vision de l’économie luxembourgeoise pour 2019?

«Je suis prudemment optimiste. Je crois qu’il y aura certaines occasions qu’il ne faudra pas rater, des investissements nécessaires dans le ‘healthcare’. La prochaine crise économique viendra, c’est pourquoi il faut profiter d’être dans cette phase de croissance pour moderniser notre système de santé et de sécurité sociale. Un des grands challenges à maîtriser si l’on veut garder une médecine de pointe au Luxembourg sera de lutter contre la pénurie de médecins et de professionnels de la santé. Je suis personnellement pour que l’offre de formation se développe dans le pays, que l’on se dirige vers une ‘Luxembourg medical school’, avec un bachelor et un master.»