Anne Hoffmann: «Les 'high spenders' font clairement partie des cibles que nous voulons attirer.» (Photo: Jessica Theis)

Anne Hoffmann: «Les 'high spenders' font clairement partie des cibles que nous voulons attirer.» (Photo: Jessica Theis)

Madame Hoffmann, quelle était votre perception du secteur touristique luxembourgeois lors de votre arrivée à la tête de l’ONT en janvier 2012?

«J’ai toujours été convaincue que le tourisme lux­embourgeois regorgeait de potentiel et avait beaucoup à offrir. Le secteur tout comme les possibilités permises à la fois par les infrastructures et les opérateurs locaux restent encore méconnus d’une partie de la population locale et des visiteurs étrangers. D’où l’importance de travailler sur l’image du secteur et sa notoriété, ce que nous faisons à la fois au sein du pays et aussi, surtout, vis-à-vis de l’extérieur.

Comment se compose l’équipe de l’ONT?

«Nous dénombrons actuellement une quinzaine de collaborateurs. En 2012, l’ONT a été doté d’un ensemble de nouvelles missions stratégiques s’inscrivant dans son rôle renforcé d’unique agence de promotion nationale touristique. Pour réaliser ces missions, il sera nécessaire de procéder à différents recrutements. L’accent sera mis sur l’embauche de spécialistes dans des matières précises nous concernant, comme le marketing communication, les nouveaux médias, la gestion de nos contacts avec les tours opérateurs… Via ces nouvelles recrues, nous voulons de plus en plus nous affirmer en tant que centre de compétences pour le tourisme, à la fois pour des parties prenantes luxembourgeoises, mais aussi pour des intervenants étrangers. Lorsqu’une offre de randonnées à travers les vignes est développée, par exemple, nous sommes à même de proposer les meilleurs moyens de communication et mettre en place les actions marketing qui s’imposent.

Il est souvent question de la gestion de l’image du pays et de la mise en place d’un véritable nation branding. Quelle est votre opinion à ce sujet?

«Il n’y a pas de nation branding sans une véritable stratégie intégrée. Il est donc important de renforcer la collaboration entre les différents acteurs concernés; ils doivent partager une vision commune en la matière. Il est toutefois nécessaire de souligner que la construction d’une image de marque est un processus à long terme, elle ne portera ses fruits qu’après plusieurs années. S’agissant de l’image du pays, je pense qu’il faut déployer plus de moyens pour le présenter sous ses plus beaux aspects. Le tourisme peut jouer un rôle primordial au sein d’un processus de nation branding par la communication positive de messages et d’images qu’il engendre. D’autres pays, présentant certaines caractéristiques similaires au Luxembourg, ont su tirer profit de ce moteur positif que constitue le tourisme sur leur image de marque. Je pense notamment à la Suisse, l’Irlande et l’Islande. Si ces destinations ont su réaliser ce travail, nous devrions être capables de faire de même.

Quel est le niveau de connaissance du Luxembourg dans les pays frontaliers sur le plan touristique?

«D’une manière générale, le Luxembourg est davantage connu au Benelux et en France, parfois de manière négative eu égard à certains articles publiés à charge de notre place financière. Hormis une certaine clientèle fortunée et frontalière, le Grand-Duché jouit d’une moins grande réputation en Allemagne. L’un de nos défis est donc de combattre certains préjugés, en apparaissant sous un autre jour.

Le Luxembourg n’avait pas pour habitude de se promouvoir à l’étranger. Il a plutôt choisi d’investir durant les dernières années sur l’infrastructure domestique, ce qui était nécessaire. Nous devons désormais continuer à dégager des moyens de promotion pour toucher davantage de visiteurs, notamment via les outils qu’offre internet.

Comment s’organisent vos rapports avec la presse étrangère?

«Ce n’est pas forcément connu dans le pays, mais nous invitons régulièrement des journalistes étrangers de différents horizons à sillonner le Grand-Duché. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Luxembourg City Toursit Office et les offices régionaux du tourisme, qui nous assistent dans l’accueil de ces journalistes à travers les régions.

L’an dernier, quelque 200 journalistes ont été attirés au Luxembourg, ce qui mobilise trois personnes au sein de l’ONT. Les relations presse représentent un élément important de notre marketing-mix et déjà plus de 500 articles à caractère touristique ont pu être recensés en 2013 dans la presse internationale. Nous opérons selon le même schéma avec les tours opérateurs qui sont conviés à des voyages d’études. Ces démarches nécessitent forcément des collaborations efficaces avec Luxair, les différentes attractions touristiques et les hôteliers.

Quelle est la stratégie marketing que vous avez choisi de développer dans la continuité du redéploiement de vos missions?

«La mission prioritaire de l’ONT sur laquelle s’appuie sa stratégie marketing est d’améliorer la notoriété et la visibilité du Luxembourg en tant que destination touristique sur nos marchés émetteurs clés, autant pour le tourisme de loisirs que le tourisme professionnel qui concerne, par exemple, les congrès et les conférences. Pour assurer ceci, nous basons notre stratégie de communication sur l’approche en quatre niveaux dite ‘AIDA’ signifiant attention, intérêt, désir et action (la visite du pays), soit le cheminement que nous voulons susciter auprès de nos populations cibles. Le rôle de l’ONT se situe clairement en amont, en ce sens qu’il s’engage sur la promotion touristique du Luxembourg à l’étranger, en suscitant l’attention et l’intérêt des visiteurs potentiels pour la destination. La recherche occupe une place primordiale dans notre stratégie. Il s’agit d’analyser les tendances de la demande et l’évolution de la fréquentation touristique et d’identifier les segments de clientèle et de marchés émetteurs à potentiel élevé. À l’ère des médias électroniques, nous pouvons potentiellement approcher tous les pays, mais le marketing représente des investissements budgétaires conséquents. Il est donc indispensable de procéder par étapes, en se concentrant sur les marchés à plus haut potentiel.

Le marché allemand a constitué le premier marché en termes d’investissements marketing en 2013. Contrairement à d’autres destinations européennes, nous avons observé une hausse de la fréquentation de cette population, respectivement de 5,5% dans l’hôtellerie et de 3,6% dans les auberges de jeunesse. Un autre marché très prometteur, mais où notre degré de connaissance est encore plus faible, est le Royaume-Uni. Les visiteurs qui en proviennent augmentent de +4,5% dans l’hôtellerie en 2013 par rapport à 2012. En termes de clientèle, les ‘high spenders’, soit les touristes au plus fort potentiel d’achat, font clairement partie des cibles que nous voulons attirer. Nous ambitionnons aussi de sensibiliser d’autres catégories de visiteurs potentiels, comme les seniors, les personnes en couple sans enfants et les familles.

Quid des régions plus éloignées?

«Si nous déclinons notre baseline ‘Discover the unexpected Luxembourg’ en Europe dans les langues en fonction des pays via différentes actions de communication grand public, nous privilégions plutôt un travail B2B sur les marchés plus lointains, l’Asie par exemple, via la presse ou les tours opérateurs. Nous venons également de lancer une version chinoise de notre site internet.

Le Luxembourg continuera-t-il d’être représenté à l’étranger via des bureaux touristiques?

«Actuellement, les bureaux de Bruxelles, Berlin et La Haye restent en activité. Deux bureaux de représentation ont fermé en 2013, en l’occurrence ceux de Paris et Londres. Il faut savoir que, à l’époque de leur création, les outils internet n’étaient pas aussi développés que ceux dont nous disposons aujourd’hui. Nous n’avons donc plus forcément besoin de personnes présentes en permanence sur place et nous pouvons donc réallouer nos moyens pour atteindre nos objectifs.

Quel bilan tirez-vous de votre investissement dans la communication en ligne?

«Nous ne pouvons que nous réjouir du succès de notre nouveau site internet. En 2013, il a recueilli 1,85 million de visiteurs uniques, soit plus de 5.000 visites par jour. Cela nous conforte dans notre investissement à moyen et long termes en faveur de l’image de marque du pays. Il s’agit d’une augmentation de 149% par rapport à 2012. L’Allemagne connaît la progression la plus importante, aussi bien en valeur absolue qu’en pourcentage (+302%), suivie par la Belgique, la France et les Pays-Bas.

Outre cette approche gagnante à l’égard du marché allemand, comment se porte le secteur hôtelier dans son ensemble?

«Le taux d’occupation national dans l’hôtellerie a été de 68,3% entre janvier et octobre 2013, ce qui représente une hausse de +4,6% par rapport à 2012. Et la fréquentation des hôtels a connu une hausse de 4,3% à l’échelle nationale suite à deux années successives de progression. Les pays limitrophes restent nos principaux clients, chaque population ayant ses particularités. Le touriste français dédie par exemple une plus large part de son budget à la restauration, au shopping et à l’offre culturelle. L’offre de détente, en particulier dans le quartier de Clausen, séduit par ailleurs une clientèle jeune anglaise. Concernant les visiteurs d’une journée et de courts séjours, nous remarquons que cette audience tend à se rajeunir, ce qui concorde avec l’un de nos autres objectifs, à savoir atteindre les «DINKs» (Double Income No Kids, ndlr), ces couples disposant de deux revenus, mais sans enfants au foyer.

Étendez-vous vos actions à l’échelle de la Grande Région?

«Nous collaborons avec nos confrères de la zone transfrontalière via une de nos ressources, en partie dédiée à cette mission. Nous recevons aussi des subsides européens pour effectuer une promotion à l’échelle de la Grande Région.

Quels sont vos projets pour les prochains mois?

«Nous continuerons notre travail en faveur de l’image touristique du pays pour réduire l’écart entre la perception, plutôt positive, des visiteurs sur place et l’image négative du Luxembourg, qui est parfois faite à l’étranger, surtout en France et Allemagne. Accroître la connaissance et la notoriété du Luxembourg pour, in fine, augmenter le nombre de visiteurs qui nous rejoignent et contribuer à la diversification économique de notre pays restent nos priorités absolues.»

Parcours

Le marketing-mix et le mix du marketing

Diplômée de l’Ihecs (Bruxelles) en marketing et communication, Anne Hoffmann, 44 ans, a eu l’occasion de mettre en pratique ses études au sein de secteurs d’activité différents du tourisme avant de rejoindre l’ONT. Elle a ainsi occupé des fonctions de responsable marketing et communication pour de grands noms que sont Fujitsu Technology Solutions et American Power Conversion. Ce groupe lui a permis de découvrir l’application à grande échelle de méthodes marketing «à l’américaine». C’est lors de sa seconde expérience dans le secteur de l’énergie, auprès de Schneider Electric en Allemagne, que l’envie de revenir au pays pour un nouveau défi a muri. Depuis janvier 2012, Anne Hoffmann a repris les rênes de l’Office national du tourisme, avec l’ambition de professionnaliser la promotion du pays à l’étranger, en collaboration avec les autres acteurs locaux impliqués dans cette démarche.