La mésaventure de cinq orthodontistes poursuivis à tort par le Collège médical met en lumière la sensibilité des procédures disciplinaires. (Photo: Licence CC)

La mésaventure de cinq orthodontistes poursuivis à tort par le Collège médical met en lumière la sensibilité des procédures disciplinaires. (Photo: Licence CC)

C’est un cinglant rappel à l’ordre qu’avait adressé il y a deux mois la plus haute instance disciplinaire de l’Ordre des médecins au Collège médical. Celui-ci avait mené une enquête basée sur des rumeurs laissant notamment entendre qu’un cabinet d’orthodontie laissait ses assistantes travailler en bouche des patients. En l’absence d’éléments probants au dossier – le Collège médical ne se rendant même pas sur les lieux pour constater de lui-même les faits reprochés –, la juriste du Collège médical sollicita l’un des médecins accusés, allant même jusqu’à pactiser avec lui afin d’obtenir des documents voués à alimenter son dossier à charge. Une collaboration obtenue, preuve en est apportée par la défense, en contrepartie d’un allègement des sanctions à l’encontre du médecin qui avait annoncé son départ du Luxembourg.

Le Conseil supérieur de discipline, constitué de trois magistrats de la Cour d’appel de Luxembourg et de deux médecins, a sanctionné le Collège médical à la hauteur de l’attitude qui lui était reprochée en considérant que ce dernier «a uniquement instruit à charge et n’a pas hésité à recourir à des procédés inacceptables pour tenter d’arracher une condamnation à tout prix». Le Collège médical avait par exemple proposé des témoins parmi des patients prétendument choisis au hasard, mentant ainsi à la juridiction.

Notre but était de sensibiliser nos confrères et les médecins à cette procédure plutôt rare.

Me François Prum, avocat et bâtonnier

La plus haute instance disciplinaire ne mâche pas ses mots en estimant que «le Collège médical ne peut adopter un tel comportement intolérable et indigne dans le but de vouloir faire sanctionner des faits qui, fussent-ils établis, seraient autrement moins graves que ceux qu’il a développés pour atteindre ce but».

L’arrêt a fait sensation dans les milieux médical et juridique, soulignant la sensibilité des affaires disciplinaires et leur singularité. «Beaucoup de confrères m’ont demandé l’arrêt», indique Me François Prum, défenseur de trois des médecins acquittés et bâtonnier de l’Ordre du Barreau de Luxembourg. «Notre but était de sensibiliser nos confrères et les médecins à cette procédure plutôt rare et dont cet arrêt a définitivement fixé les contours.» D’où la conférence organisée mardi soir à BGL BNP Paribas devant 150 personnes, en collaboration avec la Conférence du Jeune Barreau.

L’occasion de réexpliquer les procédures disciplinaires devant les ordres professionnels, leurs similitudes et leurs différences. «Il faut rappeler à quel point les procédures disciplinaires sont importantes: les juridictions disciplinaires peuvent interdire l’exercice à vie de sa profession à un médecin – inutile d’insister sur le fait que dans une telle procédure, les droits de la défense doivent être respectés à la lettre», souligne Me Prum. «Ce n’est pas parce que la justice est confiée de par la loi aux représentants de la profession qu’il faut être confiant…»