Dans les milieux européens généralement feutrés, il y a d’une part ceux qui «pensent» les choses tout bas, et ils sont nombreux. Et, d’autre part, ceux qui les disent tout haut. L’expérimenté Jean Asselborn, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères (LSAP), n’est pas homme à se laisser gagner facilement par la colère. Mais ce 13 septembre, la coupe était pleine. Lors de cette conférence en Autriche, pays qui assurait la présidence tournante de l’Union européenne, il devait être question des migrations et de la sécurité. Lors de son intervention, il a fait valoir que le Luxembourg avait besoin, comme d’autres, de l’immigration, car sa population vieillissait. Une analyse peu goûtée par le vice-président du Conseil italien Matteo Salvini, de la Ligue, parti très à droite sur l’échiquier politique de la Botte.

«Allez, allez, allez»

«Je suis payé par les citoyens pour faire en sorte que nos jeunes aient de nouveau des enfants, comme c’était le cas il y a des années. Et non pas pour déraciner les meilleurs jeunes d’Afrique afin qu’ils viennent remplacer les Européens qui n’ont plus d’enfants. Peut-être, au Luxembourg, ce besoin existe-t-il. Mais en Italie, notre besoin, c’est de permettre à nos enfants d’avoir des enfants, et non pas d’avoir de nouveaux esclaves pour remplacer les enfants que nous n’avons pas», a-t-il lancé avec tout le tact dont il est coutumier.

Installé un rien plus loin, Jean Asselborn fulmine et laisse entendre un «allez, allez, allez» de désapprobation. Puis finalement, réplique: «Au Luxembourg, nous avons eu des dizaines de milliers d’immigrants italiens. Ils sont venus comme migrants, qui ont travaillé au Luxembourg pour que vous, en Italie, vous ayez de l’argent pour payer pour vos enfants.» Avant de conclure par un sonore: «Merde alors!». 

L’arroseur arrosé

Cela aurait pu en rester là. Mais l’entourage de Salvini a diffusé les images dès le lendemain. Dans le but avoué de faire passer le mandataire italien pour la victime, comme celui-ci l’avait déjà laissé entendre sur Twitter, s’étant senti «insulté». Tandis que Roberto Maroni, autre figure de la Ligue, se gaussait en décrivant le Luxembourg comme «grand comme un quartier de Milan». Mais pour le coup, l’arroseur a été encore un peu plus arrosé. De très nombreux médias internationaux ont évoqué cet incident. Ce qui a fait grimper le coefficient sympathie de Jean Asselborn, tandis que Salvini se révélait être une sorte de malotru, ni très habile, ni très fin.

Il ne fait aucun doute que cet échange ne figurera jamais dans les livres d’histoire. Mais il aura rendu fier les Luxembourgeois. Tout d’abord car leur ministre a défendu leur pays, qui était agressé. Ensuite, car c’est encore leur ministre qui a osé dire ses quatre vérités à un leader d’extrême droit gonflé de ses certitudes haineuses. Alors que d’autres ont souvent eu le comportement d’une autruche dans la même situation. Homme de conviction, Jean Asselborn a aussi fait preuve de cohérence en n’étant pas présent pour la photo officielle de cette conférence. On ne sait pas s’il s’en est excusé, l’air de rien, en disant «merde alors, j’ai oublié».