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Une commune sur dix entend remanier son site Internet avant les élections communales du 9 octobre.

"Aujourd'hui, avoir recours à Internet pour s"informer est un réflexe pour près de sept résidents luxembourgeois sur dix", relève Carole Brochard, consultante chez MindForest et auteur d'un "Etat des lieux de la présence Internet des communes à la mi-2005". "Aussi, il paraît logique que le résident ait le même réflexe d'aller sur le site Internet de sa commune lorsqu'il a affaire à son administration communale, qu'il s"agisse de renouveler ses papiers d'identité, d'inscrire son enfant au précoce ou de commander ses poubelles", note-t-elle.

Les chiffres recueillis dans le cadre du programme gouvernemental eLuxembourg illustrent bien ce propos: 35% des internautes affirment avoir eu des contacts avec une administration en ligne en 2004. La recherche d'informations sur les sites web des autorités publiques représente même le 4e service le plus utilisé par les internautes du pays, après la messagerie, la recherche d'informations sur des produits et des services et la recherche relative aux voyages.

Mais que trouvent exactement les citoyens lorsqu'ils surfent sur les sites officiels? Quels services, quelle interactivité leur sont proposés? S"agit-il d'un prolongement de l'administration communale sous forme d'un guichet virtuel, évitant les déplacements à l'Hôtel de Ville? Quel regard les communes elles-mêmes portent-elles sur leur site? C"est pour répondre à ces questions que MindForest a entrepris d'effectuer une recherche afin de mesurer, quantitativement et qualitativement, la présence Internet des communes du pays.

Du modèle de base à la version luxe

L'analyse, établie au cours du premier semestre de cette année, fait écho à l'étude initiale réalisée fin 2003, en collaboration avec le SIGI (Syndicat intercommunal de gestion informatique). Pour brosser cet état des lieux, Carole Brochard a classé les sites selon quatre catégories, "définies avec soin afin de limiter la subjectivité lors du jugement", et qui correspondent à quatre stades de développement. MindForest s"est appuyé sur les définitions proposées par l'ARTESI Ile-de-France dans son analyse des sites franciliens.

- le "site vitrine" équivaut au type minimal. Il se limite généralement à une description de l'équipe municipale ainsi que des attraits touristiques de la commune et présente la liste des services municipaux.

- Le "site d'information' génère de l'information de manière dynamique et fournit des données actualisées, le plus souvent sur la vie politique et associative de la commune, ou encore concernant les démarches administratives (mais en restant au stade de l'information, sans services ni interaction avec le citoyen).

- Le "site de services" se distingue essentiellement par les formulaires qu'il propose en téléchargement. Le service passe aussi par la fourniture d'informations qui ne sont pas propres à l'administration communale, mais peuvent rendre service aux citoyens: horaires des bus, météo,...

- Le "site transactionnel' est le plus interactif,. Il permet au visiteur de réaliser une ou plusieurs procédures en ligne, sans passer par l'étape du papier. Le formulaire est donc rempli en ligne, puis directement envoyé à l'Administration communale qui peut le traiter directement.

"Entre les deux études, la situation a évolué très favorablement, constate Carole Brochard. Il y a 18 mois, le baromètre avait fait apparaître une situation très disparate. L'univers des sites communaux était divisé en trois parts quasiment égales: un tiers de sites vitrine, un tiers de sites d'information et un tiers composé des sites de services et des sites transactionnels". Quatre communes sur dix n'avaient soit aucun site, soit un simple site vitrine, parfois composé d'une unique page indiquant l'adresse et les coordonnées téléphoniques de l'administration communale.

En mai 2005, le paysage est remodelé. Afin d'affiner son classement, Carole Brochard a intégré deux nouvelles sous-catégories: les sites "vitrines " et les sites "transactionnels ", qui vont un peu plus loin, tout en restant dans la même catégorie, en proposant plus d'informations (pour les sites vitrines) et plus de procédures à réaliser en ligne (sites transactionnels).

Son premier constat: la moitié des communes qui ne disposaient pas de sites web fin 2003 en sont désormais dotées. La consultante a également relevé "un net recul des sites vitrine, qui ne représentent plus que 20% des sites web".

A l'autre extrêmité du classement, le nombre de sites transactionnels a connu une forte augmentation, de l'ordre de 50%. Ces "modèles de sites" représentent ainsi désormais 16% du total. Un constat qui conduit la consultante à émettre l'hypothèse selon laquelle "certaines communes ont brûlé les étapes, en passant directement à un site de services, voire à un site transactionnel de type "guichet citoyen'. La non-présence en ligne ne traduisait donc pas un désintérêt pour Internet, mais une maturation d'un projet de plus grande ampleur".

Les résultats à l'été 2005

Au début de l'été, l'état des lieux laisse apparaître la situation suivante dans les 116 communes du pays:

- 7 communes n'ont pas encore de présence en ligne, parmi lesquelles Colmar-Berg, Fischbach, Tuntange et Schieren;

- 14 communes disposent d'un site vitrine, avec très peu d'informations, parmi lesquelles Winseler, Hoscheid, Kopstal et Bourscheid;

- 10 communes disposent d'un site vitrine , avec quelques actualités et statistiques, parmi lesquelles Troisvierges, Hobscheid, Neunhausen et Saeul;

- 43 communes disposent d'un site d'informations proposant peu (ou pas) d'interactivité avec le visiteur, parmi lesquelles Bettendorf, Echternach, Junglinster et Lorentzweiler;

- 24 communes disposent d'un site de services, permettant de télécharger des formulaires, parmi lesquelles Bertrange, Wiltz, Remich et Mondercange;

- 8 communes disposent d'un site transactionnel offrant la possibilité d'effectuer des démarches en ligne, parmi lesquelles Beckerich, Garnich, Redange et Schuttrange;

- 10 communes bénéficient d'un site transactionnel , permettant d'effectuer de nombreuses démarches en ligne ainsi que, dans certains cas, de renvoyer les formulaires remplis par la voie électronique. Figurent parmi celles-ci Luxembourg, Esch-sur-Alzette, Hesperange, Mamer, Steinsel et Strassen.

Ces résultats n'étonnent nullement Yves Wengler, le président du SIGI, lequel apprécie d'un oeil averti cette nouvelle configuration. "Je me réjouis qu'actuellement, la plupart des communes se soient rendu compte qu'un site Internet est nécessaire et utile, assure-t-il. C"est la confirmation qu'on est sur de bons rails; que les autorités publiques ont reconnu à temps qu'une demande se crée de la part des citoyens".

Quant à savoir s"il est préférable d'attendre plus longtemps pour avoir d'emblée un bon site, Yves Wengler est nuancé: "Ce n'est pas mauvais d'avancer étape par étape, à condition de ne pas rester trop longtemps sur les paliers, prévient-il. Les communes, que ce soit au niveau de l'impulsion donnée par les politiques ou de celui des fonctionnaires, doivent apprendre à travailler avec l'outil Internet, à ne pas le considérer comme une charge de travail supplémentaire. C"est le plus grand challenge du SIGI: développer une "culture Internet" dans les communes".

Les deux "états des lieux" réalisés par MindForest sont en ce sens une mine d'informations pour le SIGI. A cela s"ajoute un sondage particulièrement éclairant, que les deux partenaires ont réalisé cet été dans le cadre d'une collaboration avec RTL et dont paperJam s"est vu offrir la primeur pour la publication des résultats.

"L'une des parties les plus intéressantes de l'enquête concerne le retour sur investissement, c'est-à-dire la possibilité de cerner l'impact du site Internet sur la charge des employés communaux", indique Carole Brochard.

Un boom attendu après les élections

La consultante se félicite donc que "la majorité (même si elle est courte) des communes estiment que leur site Internet est suffisamment efficace pour avoir comme impact un allègement de la charge des employés communaux". C"est le cas pour 49% des communes, qui affirment qu'en allant chercher eux-mêmes l'information dont ils ont besoin, les citoyens sollicitent de moins en moins le personnel administratif.

L'autre partie particulièrement instructive du sondage porte sur l'avenir du site. "A la question de savoir quand les sites communaux vont proposer un service de type "guichet citoyen' à leurs visiteurs, huit communes se considèrent déjà dotées d'un tel site. La plupart des autres (59%) envisagent un projet à moyen terme, d'ici un à trois ans", indique Carole Brochard. Pour les communes lancées dans l'aventure et dont les projets doivent aboutir à court terme, la grande majorité avance des dates comprises entre la fin de l'été et octobre 2005. "Environ 10% des sites devraient ainsi être remaniés d'ici les élections communales", estime l'auteur de l'étude.

Peut-on en déduire qu'Internet pourrait jouer un rôle à part entière dans la campagne électorale? Yves Wengler en doute: "Je crois que ce n'est pas encore le cas. Les citoyens ne sont pas prêts à se servir du web pour débattre de leurs convictions politiques. Ils en attendent avant tout du service, qu'on leur facilite la vie". Ceci étant dit, la question de l'Internet pourrait néanmoins intervenir indirectement dans la campagne, en ce sens que "l'absence de site peut servir comme argument à l'opposition', estime le président du SIGI.

Yves Wengler attend avec impatience les résultats du 9 octobre, car il est persuadé que "les nouvelles équipes en place dans les Hôtels de ville, dans lesquelles figureront plus de jeunes, prendront mieux conscience de la nécessité d'une présence efficace sur le web. Dans les six prochaines années, la demande devrait fortement augmenter", assure-t-il.

Histoire de doper encore cette demande, le SIGI mise également sur l'émulation. En collaboration avec MindForest, le syndicat intercommunal prévoit ainsi d'établir d'ici quelques mois un hit-parade des cyber-communes, "après avoir prévenu chacune d'entre elles pour leur laisser le temps de se retourner, bien évidemment", souligne Carole Brochard. Ce palmarès fonctionnerait alors comme "une sorte de clics d'or", glisse-t-elle dans un sourire. Les bourgmestres n'ont plus qu'à bien se caler dans les starting-blocks. Leurs administrés ne tarderont pas à les accueillir au bout... de la ligne.