Uber est bien plus qu’un simple intermédiaire entre les chauffeurs et les clients de la plateforme, estime l’avocat général Szpunar de la CJUE. (Photo: Licence CC)

Uber est bien plus qu’un simple intermédiaire entre les chauffeurs et les clients de la plateforme, estime l’avocat général Szpunar de la CJUE. (Photo: Licence CC)

Maciej Szpunar a rendu jeudi matin ses conclusions dans l’affaire dite Uber Spain, qui oppose l’association professionnelle barcelonaise Elite Taxi à la société Uber Systems Spain, filiale d’Uber basée aux Pays-Bas. Les taxis avaient en effet attaqué Uber Spain devant le tribunal de commerce de Barcelone en 2014, demandant que la société soit sanctionnée pour concurrence déloyale puisque les conducteurs affiliés à l’application UberPop ne disposent pas des licences et agréments locaux imposés aux services de taxi.

En août 2015, le juge espagnol s’est tourné vers la CJUE afin de voir clarifier la qualification de l’activité d’Uber au regard du droit européen. Comme dans l’affaire Uber France plaidée fin avril devant les juges européens, la dénomination de cette activité est lourde de conséquences. L’Espagne et la France considèrent qu’UberPop relève du domaine des transports, alors qu’Uber, soutenu par la Commission européenne et plusieurs autres pays (Pays-Bas, Finlande, Estonie et les pays de l’AELE), estime être assimilable à un service de la société de l’information, ce qui l’affranchit des obligations imposées aux acteurs des transports.

Un service de transport avant tout

L’avocat général Szpunar, chargé de livrer son interprétation du droit européen – laquelle ne sera pas forcément suivie par les juges –, coupe la poire en deux et estime que le service offert par Uber est un service mixte, une partie étant réalisée par voie électronique et l’autre non.

Le service final, à savoir le transport d’un client par un chauffeur Uber, est entièrement dépendant de la mise en relation via la plateforme électronique. Et les chauffeurs n’ont aucune autonomie sur les facteurs économiquement importants du service de transport urbain puisqu’ils se voient imposer des conditions préalables pour l’accès à l’activité, sont récompensés lorsqu’ils assurent de nombreux trajets, peuvent être expulsés en cas de qualité de travail insatisfaisante, et ne peuvent choisir le prix du trajet.

Pour l’avocat général, Uber ne peut donc être considéré comme un simple intermédiaire entre les chauffeurs et les passagers. Et la plateforme électronique ne représente pas la principale prestation, celle-ci étant indubitablement le transport.

Le service offert doit donc être qualifié de service dans le domaine des transports. Conséquence: l’activité d’Uber sort du périmètre de la libre prestation des services dans le cadre des services de la société de l’information, et se voit soumise aux conditions d’admission des transporteurs, en l’occurrence à l’obligation de posséder les licences et agréments prévus par le règlement de la Ville de Barcelone, à l’instar des sociétés de taxi.

Les juges de la CJUE doivent maintenant délibérer. Signe de la complexité juridique et de l’enjeu de l’affaire, ils siègent en grande chambre, tout comme dans l’affaire Uber France, dont les conclusions de l’avocat général Szpunar sont attendues début juillet.

En attendant, les conclusions de l'avocat général résonnent comme une claque pour Uber. L'entreprise a réagi en affirmant que «le fait d'être considérée commune une société de transports ne changerait pas la façon dont nous sommes régulés dans la plupart des pays de l'UE puisque c'est déjà le cas aujourd'hui, toutefois cela sape la nécessaire réforme des lois obsolètes qui empêchent des millions d'Européens d'accéder à un transport fiable en un clic». Quand bien même la société indique avoir déjà développé son application dans 21 pays européens, elle se heurte très régulièrement aux réglementations en place et à l'hostilité des acteurs traditionnels confrontés à davantage de contraintes.