Paperjam.lu

 

«Comment réduire les coûts salariaux en temps de crise?» Tel était le thème du premier workshop organisé dans le cadre de la deuxième saison du paperJam business Club, ce mardi, au Grand Théâtre. Devant un auditoire spécialisé, Me Guy Castegnaro, avocat spécialisé en droit du Travail, a passé en revue les différentes possibilités existantes pour une entreprise soucieuse d’alléger ses coûts salariaux sans être réduite, pour autant, à licencier. D'autant plus que licencier pour, ensuite, recruter au même poste lorsque la situation sera redevenue normale, est particulièrement coûteux. On estime à un an de salaire l'investissement global (depuis l'annonce du recrutement jusqu'à la formation) pour que cette recrue soit opérationnelle le plus vite possible.

En matière d'adaptation de sa politique de ressources humaines, les options ne manquent pas et certaines sont même méconnues. Dans le cas, par exemple, où l’employeur souhaite revoir à la baisse le salaire versé, il ne peut le faire qu’avec l’accord individuel du salarié, sans quoi la modification du contrat de travail sera considérée comme «substantielle» et l’employeur peut être condamné pour rupture unilatérale du contrat. Mais il existe une autre option: l’accord collectif portant réduction des coûts de production, qui fait partie de la panoplie de mesures existantes destinées à prévenir les licenciements conjoncturels.

Une entreprise peut ainsi, en temps de crise, conclure un tel accord avec les organisations syndicales, sous réserve d’une homologation par le ministre du Travail. Cet accord peut très bien prévoir la réduction collective des salaires d’une entreprise, y compris celles étant soumises, par ailleurs, à une convention collective. «A ma connaissance, il n’y a encore jamais eu d’application de cet article du Code du travail, précise Me Castegnaro. Mais il n’est pas exclu que ce soit le cas dans les mois à venir, compte tenu de la crise.»

Il est également difficile pour un employeur de réduire, voire annuler des éléments de rémunération autres que le salaire de base, à moins qu’il ne s’agisse pas «réellement» d’un élément de salaire. Si un 13e mois, par exemple, ne peut pas unilatéralement être remis en cause, une prime, qui reste une gratification discrétionnaire, peut l’être sans aucun souci. De même, en cas de graves difficultés financières, l’employeur a tout a fait le droit de réduire, suspendre ou carrément abolir un régime complémentaire de pensions sans que cela ne soit considéré comme une modification substantielle des conditions salariales. «Là non plus, je ne crois pas qu’un employeur ait eu recours à cette extrémité», indique Me Castegnaro.

Sus aux licenciements déguisés

Une bonne gestion des «départs» est également une option qu’un employeur peut étudier. Outre les grands classiques que sont le non-remplacement des départs naturels, la non-reconduction de CDD ou l’abandon des contrats intérimaires, il est également possible d’étudier différentes formes existantes de préretraite, notamment la «préretraite ajustement», applicable dans le cadre de restructurations d’entreprises. «En temps de crise, il y a des conditions qui vont au-delà des dispositions normalement prévues par la loi», précise Me Castegnaro.

Quid des «incitations financières au départ»? En théorie, la personne qui quitte la société suite à un arrangement financier n’est pas autorisée à percevoir des indemnités de chômage. D’où certaines pratiques de «licenciements déguisés» auxquelles l’Adem fait la guerre en exigeant désormais une copie de la lettre de motivation de l’employeur justifiant un licenciement ou une copie de la contestation éventuelle de ce licenciement par l’employé. «Dans le code des assurances sociales et de la sécurité sociale, il n’y a pourtant aucune base juridique sur laquelle l’Adem peut s’appuyer, constate Me Castegnaro. Mais l’Adem est dans une position de force, car c’est elle, après tout, qui distribue les indemnités de chômage!»

Savoir bien communiquer

Soucieux de respecter au maximum la longue tradition de dialogue social dont le Luxembourg peut se vanter, Guy Castegnaro a également insisté sur l’importance de la communication dans ces moments délicats que traverse une entreprise. «Elle est souvent sous-estimée, bien que faisant partie de la responsabilité sociale des entreprises», note-t-il. Et cela ne concerne pas que les informations «obligatoires» à destination des employés ou des organisations syndicales. Cela vaut aussi pour l’ensemble du personnel, y compris ceux qui ne sont pas directement touchés par une éventuelle restructuration. «On ne pourra jamais empêcher les rumeurs. Il est donc essentiel de bien communiquer vis-à-vis de tous ses employés. Eventuellement, même, il est bien d’avoir plusieurs versions d’un même communiqué de presse pour faire face à toutes les hypothèses possibles. Ce sont souvent les plus grandes sociétés qui communiquent le plus mal. Une fusion, par exemple, juridiquement parfaite, peut s’avérer être une catastrophe sur le plan des employés si le climat social n’est pas préservé.»

Il est également conseillé de s’informer, en amont de toute décision, auprès des autorités compétentes, que ce soit le ministère du Travail, le secrétariat du comité de conjoncture ou l’Adem. «C’est toujours mieux de travailler avec eux que contre eux.»

 

Retrouvez le reportage photos ICI